Malgré une inflation persistante, une offre d’investissement plus accessible que jamais et des enjeux patrimoniaux croissants, les Français comptent paradoxalement parmi les plus prudents en matière d’épargne.
Une contribution de Daniel Gravier, Directeur XTB France
Une étude OpinionWay pour XTB, menée en octobre 2024, montre que 47 % des Français considèrent l’épargne comme une protection contre la hausse des prix, mais qu’ils privilégient avant tout la liquidité (57 %) et la sécurité (54 %) de leurs placements. La recherche de rendement n’est citée que par 27 % des sondés, loin derrière ces priorités plus défensives.
Ce constat rejoint les résultats du Baromètre IFOP 2024 de l’épargne en France, qui révèle que 69 % des Français privilégient des produits sans risque, et que 81 % détiennent un Livret A ou un LDDS, malgré des rendements souvent inférieurs à l’inflation. Autrement dit, dans un environnement où le capital s’érode silencieusement, la peur du risque continue de l’emporter sur le besoin de performance.
Une prudence ancrée dans la culture financière française
La frilosité des Français à l’égard de l’investissement s’ancre d’abord dans une culture financière prudente, façonnée par l’histoire économique nationale. Crises financières, scandales bancaires ou effondrements boursiers ont laissé des traces durables dans l’imaginaire collectif. Cette mémoire économique pèse encore aujourd’hui sur les comportements d’épargne : selon OpinionWay, les actions sont perçues comme risquées par 69 % des répondants, et les ETF (fonds indiciels cotés, qui répliquent la performance d’un indice boursier) par 51 %, quand seuls les livrets d’épargne (48 %) et l’or (45 %) apparaissent comme relativement sûrs.
Ce biais de perception est renforcé par un déficit persistant d’éducation financière. Une enquête de la Banque de France, publiée en décembre 2023, révélait déjà que les Français âgés de 18 ans et plus obtiennent un score moyen de 12,45 sur 20 (soit 62,25 %) en matière de culture financière, ce qui les place au 14ᵉ rang sur les 39 pays ayant participé à l’enquête de l’OCDE.
Ce manque de confiance touche toutes les générations, y compris les jeunes. Si les moins de 35 ans se montrent légèrement plus sensibles aux enjeux d’inflation (38 % d’entre eux disent épargner dans ce but), ils partagent la même réticence à l’égard des placements jugés volatils, et privilégient les supports connus et perçus comme « sans danger ».
Des incertitudes économiques qui renforcent l’immobilisme
Au-delà des représentations culturelles, les incertitudes économiques renforcent la prudence. L’inflation, bien que ralentissant en 2024, a durablement marqué les esprits. L’étude d’OpinionWay pour XTB souligne que 71 % des Français attribuent cette inflation à la hausse des prix de l’énergie, et 67 % à celle des matières premières, des hausses perçues comme liées aux conflits géopolitiques (47 %). Ce climat anxiogène renforce la tentation de l’épargne « de précaution », au détriment de l’investissement actif.
Cette prudence généralisée s’observe aussi chez les entreprises. Le baromètre Bpifrance-Rexecode d’octobre 2024 montre que seuls 43 % des dirigeants prévoient d’investir, contre plus de 50 % l’année précédente. Chez les particuliers, c’est la même dynamique : l’intention d’épargner progresse (près de 60 % selon La Finance pour Tous), mais sans se tourner vers des supports plus dynamiques.
Autre constat marquant du sondage OpinionWay pour XTB : les Français ne font pas naturellement le lien entre risque et rendement. Pour 35 % d’entre eux, l’or est le placement le plus performant pour les 20 prochaines années… alors qu’ils ne sont que 11 % à citer les actions, pourtant historiquement plus rémunératrices sur le long terme. Les ETF ne sont cités que par 2 % des sondés, traduisant un déficit flagrant de connaissance sur ces produits. Le potentiel est donc là, mais mal compris, voire ignoré.
Construire une stratégie d’épargne qui conjugue prudence et efficacité
Face à cette prudence généralisée, il existe un dispositif permettant de concilier sécurité et performance : le PEA. Ce produit, conçu pour favoriser l’investissement à long terme dans les actions européennes, offre un cadre fiscal très attractif : les plus-values sont exonérées d’impôt après cinq ans. Contrairement aux idées reçues, il n’est pas réservé à des investisseurs aguerris. Il peut accueillir des stratégies prudentes, via des ETF indiciels ou des fonds thématiques, et permet une diversification progressive, adaptée aux profils hésitants.
Cette alternative ne vise pas à convertir les épargnants à la spéculation, mais à leur permettre de mobiliser leur capital de manière plus efficiente. L’enjeu est pédagogique : il s’agit de construire une trajectoire d’investissement adaptée, encadrée et compréhensible.
L’hésitation des Français à investir ne relève pas d’un simple manque d’intérêt : elle s’appuie sur des craintes rationnelles, souvent nourries par un manque d’information ou une mauvaise compréhension des risques. Pourtant, le contexte économique – inflation, incertitude sur les retraites, évolution des taux – oblige à repenser cette stratégie d’attente. Il est donc essentiel de faire évoluer les perceptions et d’accompagner les épargnants dans cette transition.
À lire également : 5 raisons pour lesquelles le temps est votre meilleur outil financier

Abonnez-vous au magazine papier
et découvrez chaque trimestre :
- Des dossiers et analyses exclusifs sur des stratégies d'entreprises
- Des témoignages et interviews de stars de l'entrepreneuriat
- Nos classements de femmes et hommes d'affaires
- Notre sélection lifestyle
- Et de nombreux autres contenus inédits