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Immobilier : faut-il profiter de la baisse des taux pour investir ?

Immobilier : faut-il profiter de la baisse des taux pour investir ?
Immobilier : faut-il profiter de la baisse des taux pour investir ?

Alors que la Banque centrale européenne enchaîne une septième baisse consécutive de ses taux directeurs, une question reste en suspens : cette stratégie va-t-elle réellement relancer le crédit immobilier et redonner du souffle au marché ? Forbes a interrogé deux expertes du secteur, Caroline Arnould (CAFPI) et Sandrine Allonier (Comnipresence), pour décrypter les véritables effets de cette politique monétaire sur le pouvoir d’achat des emprunteurs.

 

Forbes France : la BCE a baissé ses taux directeurs pour la septième fois d’affilée. Qu’est-ce que cela implique pour les taux de crédit immobilier ?

Caroline Arnould : À court terme, rien. La baisse des taux de la BCE devrait avoir un impact pour les particuliers. Mais cet effet n’est jamais immédiat ou garanti parce que les taux de la BCE sont des taux courts. Et pour fixer leurs crédits, les banques se basent plutôt sur l’OAT à dix ans. Depuis le début de l’année 2025, l’OAT reste à un niveau élevé, avec des fluctuations marquées. Ces variations traduisent la confiance – ou la méfiance – des investisseurs envers l’État français et les marchés.

Sandrine Allonier : Quand la BCE baisse ses taux, c’est dans le but de relancer la croissance via le crédit. Quand on fait un crédit, on crée de la richesse et de la monnaie et c’est ce qui va permettre de relancer l’économie et de recréer de l’activité. La BCE abaisse également le taux de dépôt, le taux auquel les banques sont rémunérées lorsqu’elles placent. Plus ce taux est bas, plus les banques vont être incitées à prêter leur argent plutôt que de le mettre à la BCE. À l’inverse, quand les taux de dépôt étaient à 4 %, il valait mieux pour les banques de placer auprès de la BCE, où le risque est à zéro. Elles sont sûres de récupérer leur argent.

 

Quid des OAT (obligations assimilables du Trésor, ou les emprunts d’État français) ?

Caroline Arnould : L’OAT est aujourd’hui à un niveau élevé, ce qui reflète les soubresauts géopolitiques liés aux États-Unis, mais aussi la difficulté de la France à mettre en place un budget et à réduire ses déficits. Nous sommes donc dans une situation assez inédite dans laquelle on a des taux courts qui baissent beaucoup et des taux longs qui restent à un niveau élevé. La BCE, elle, baisse ses taux parce qu’elle est parvenue à ramener l’inflation à 2% et parce qu’elle constate que la croissance n’est pas au rendez-vous. On a donc effectivement des prévisions de croissance de 0,8% sur 2025.

Sandrine Allonier : Les taux d’emprunt d’État ont une grande importance. La bonne nouvelle, c’est que ces taux ont bien baissé après avoir fortement monté au mois de mars. Ils avaient alors atteint 3,56. Et là, ils sont descendus à 3,20. Cela peut aussi permettre aux banques d’assouplir à nouveau leurs taux au mois de mai. 

 

Comment évoluent les taux de crédit immobilier dans un contexte économiquement contrasté ?

Caroline Arnould : L’action d’une banque centrale pour redynamiser l’économie, c’est de baisser ses taux. Depuis juin 2024, la BCE a entamé une série de baisses continues de ses taux. Tous les observateurs, y compris le gouverneur de la Banque de France, prévoient encore d’autres baisses des taux en 2025. Elle souhaite soutenir l’économie européenne et par extension, l’économie française. Il y a une réelle volonté de soutenir la croissance. Pour l’instant, les taux de crédit immobilier résistent. On a constaté une baisse continue de ces taux, mais il faut noter qu’ils ont baissé de plus d’1% par rapport à l’année dernière. Il va falloir attendre plusieurs assouplissements de la BCE avant d’avoir vraiment une stabilité des taux, en particulier sur les crédits immobiliers. Mais cela reste positif pour l’immobilier.

Sandrine Allonier : La baisse des taux de la BCE est quelque chose de très positif pour le marché. Ça va aider les banques à maintenir des taux attractifs. L’OAT a également son importance dans le contexte actuel. Le discours en avril de François Bayrou, lors duquel il disait devoir trouver 40 milliards d’économies, a pu rassurer un peu les investisseurs et faire baisser à nouveau les OAT. Cela démontre une certaine volonté de la part du gouvernement français de suivre la tendance de l’Europe.

 

Qu’est-ce que cela implique pour les emprunteurs ?

Caroline Arnould : Je pense que les emprunteurs sont dans un bon momentum. Si les taux baissent encore, la demande va s’accélérer et les prix de l’immobilier risquent d’augmenter de nouveau. Dans certaines villes, des soubresauts ont pu être constatés et l’on se souvient que les prix de l’immobilier se sont envolés lorsque les taux étaient bas. Aujourd’hui, les emprunteurs constatent que les banques sont ouvertes au crédit. Ce n’était pas le cas en 2023. En 2025, les banques cherchent à relancer leur activité de crédit. L’offre est hétérogène en termes de taux, donc les banques font jouer la concurrence et sortent des offres pour accompagner le lancement du nouveau prêt à taux zéro pour les ménages modestes.

 

Dans le contexte actuel, l’immobilier peut-il être considéré comme une valeur refuge ?

Caroline Arnould : Les taux sont aujourd’hui à des niveaux acceptables. Les prix de l’immobilier restent stables malgré l’environnement anxiogène au niveau international et les prévisions de croissance pessimistes, même si l’inflation est basse. L’immobilier est donc manifestement une valeur refuge. Le prêt à taux zéro a été relancé parce que les jeunes souhaitent acquérir leurs biens, notamment à travers les maisons individuelles.

Sandrine Allonier : Oui, absolument. On le constate déjà avec le retour des investisseurs, et notamment des jeunes, que j’appelle des primo-investisseurs. Ce sont des jeunes qui, auparavant, pouvaient faire le choix d’investir dans les crypto-monnaies ou dans la Bourse. Maintenant, ils font plutôt le choix d’investir dans l’immobilier et de racheter des petites surfaces, notamment. Cela peut donc être vu comme une valeur refuge.

 

Pensez-vous qu’il y a un risque de remontée des taux d’emprunt d’État ?

Caroline Arnould : C’est une possibilité. Lorsque la France a connu les changements de gouvernement, l’OAT est remontée avec force avant de redescendre quelques semaines plus tard. La situation est incertaine donc les investisseurs pourraient vouloir investir en Europe plutôt qu’aux États-Unis. Il pourrait y avoir en effet une défiance des investisseurs sur les dettes américaines. L’OAT est relativement haute depuis les annonces de Donald Trump sur les droits de douane. On revient dans un contexte plus pragmatique et on commence à revenir à un principe de réalité.

Sandrine Allonier : Si l’on a réellement une guerre commerciale, ça pourrait entraîner un ralentissement de l’économie mondiale et donc inciter la BCE à baisser à nouveau ses taux. Mais dans la mesure où l’État a fait son Budget 2025 avec une prévision de croissance de 0,9 et que cet objectif ne sera sûrement pas atteint, s’il y a une défiance des investisseurs ou une baisse de la notation, on pourrait effectivement avoir une hausse des taux d’emprunt d’État. Plusieurs paramètres doivent être pris en compte dans la fixation des taux de crédit des banques. Deux forces peuvent s’opposer et c’est le cas dans le contexte actuel. Les services financiers, qui sont chargés de s’assurer de la rentabilité des crédits, étudient l’ensemble des taux des marchés financiers en fonction de la façon dont les banques se refinancent. Les banques peuvent se refinancer sur le marché, et pour que les investisseurs aient envie d’investir, il faut qu’elles soient proches des taux d’emprunt d’État. S’ils sont très élevés, ils donnent beaucoup de rentabilité aux investisseurs. Donc quand les taux d’emprunt d’État augmentent, les taux de crédit augmentent. Mais les banques se refinancent également à court terme. Plus la BCE baisse ses taux, plus les banques peuvent se refinancer à des coûts attractifs.

 

Quelles sont vos perspectives pour le marché immobilier en 2025 ?

Caroline Arnould : En 2025, on est sur un vrai redémarrage. Après la guerre en Ukraine et le choc inflationniste, on a traversé une période de forte augmentation des taux. On est donc sur une période de stabilisation où la demande devrait continuer à être soutenue. Il ne faut pas comparer le marché immobilier aujourd’hui à ce qu’il a pu être par le passé, mais le vrai redémarrage devrait arriver en 2026.

Sandrine Allonier : J’ai demandé aux agences L’Adresse avec qui je collabore si elles pensaient que l’année 2025 serait mieux que 2024. 70 % des agences pensent que oui. Fin 2024, elles n’étaient que 50 % à le penser. Il faut reconnaître que nous sommes dans un mouvement de reprise qui force l’optimisme. Néanmoins, c’est aujourd’hui très incertain à cause de ce qui se passe aux États-Unis. Mais je pense qu’au contraire, la situation peut favoriser l’attrait de l’immobilier en France par cet aspect de valeur refuge. Les banques, elles, vont tout faire pour maintenir des taux avantageux pour ne pas rompre la dynamique du crédit.

 


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