Ces derniers jours, les frappes entre Israël et l’Iran ont connu une escalade inquiétante. Cette intensification des hostilités fait suite à une attaque israélienne visant des sites militaires et nucléaires en Iran. Depuis la montée des tensions survenue vendredi, les appels à la retenue se sont multipliés — des Nations unies aux États-Unis, en passant par le Royaume-Uni et l’Union européenne — sans réussir à infléchir la spirale de violences.
Jusqu’à présent, les hostilités sont restées confinées à Israël et à l’Iran. Mais la violence croissante des frappes fait redouter un embrasement régional, dans une zone stratégique qui figure parmi les principaux exportateurs mondiaux de pétrole brut.
Vendredi, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a affirmé que son armée avait mené des frappes en profondeur sur le territoire iranien, ciblant des installations militaires et nucléaires, et a prévenu que l’opération se poursuivrait jusqu’à l’atteinte de tous les objectifs fixés par Israël.
Les frappes israéliennes ont visé notamment les sites d’Arak et d’Ispahan, le complexe d’enrichissement d’uranium de Natanz, ainsi que la capitale iranienne, Téhéran. En riposte, Téhéran a lancé plus de 200 missiles balistiques contre Israël — et la contre-offensive ne semble pas près de s’arrêter.
L’Iran a par ailleurs suspendu les négociations nucléaires avec les États-Unis et menacé d’attaquer des bases militaires ainsi que des navires américains, britanniques et français présents dans la région, si ces pays venaient à soutenir Israël dans son effort militaire.
Jusqu’ici, les infrastructures pétrolières et gazières iraniennes avaient été épargnées par les frappes israéliennes. Mais dans un contexte aussi volatile, ce scénario semble de moins en moins improbable. Samedi en fin de journée, Israël a frappé un dépôt pétrolier à Shahran, dans la région de Téhéran, après avoir déjà visé plusieurs gisements de gaz naturel.
Si les infrastructures énergétiques de l’Iran venaient à être visées de manière plus systématique — et que Téhéran choisissait de répliquer en perturbant l’approvisionnement régional ou en cherchant à entraîner les États-Unis dans le conflit — les répercussions sur le marché pétrolier pourraient être significatives.
Dans ce contexte d’escalade rapide et d’incertitude grandissante, cinq scénarios catastrophes se dessinent, entre les options encore ouvertes pour Israël et les réponses possibles de l’Iran.
Israël pourrait frapper le terminal pétrolier stratégique de Kharg
Parmi les scénarios les plus redoutés figure une attaque israélienne contre le terminal pétrolier de Kharg, situé sur l’île du même nom, à une vingtaine de kilomètres des côtes nord-ouest de l’Iran. Cette installation névralgique assure à elle seule plus de 90 % des exportations de pétrole brut du pays.
Une frappe réussie sur ce site pourrait avoir des conséquences immédiates. L’approvisionnement iranien vers la Chine — premier importateur mondial de brut — serait fortement perturbé, avec un risque réel de tensions sur les marchés.
Une telle interruption ne se limiterait pas à une flambée des prix à court terme : les contrats à terme sur le pétrole, à quatre ou six mois, pourraient également bondir, tant la remise en service du terminal s’annonce complexe et longue.
Israël pourrait viser la chaîne d’approvisionnement nationale de l’Iran
Plutôt que de s’en prendre à une cible emblématique comme le terminal d’exportation de Kharg, Israël pourrait opter pour une stratégie d’usure en s’attaquant à la chaîne d’approvisionnement énergétique nationale de l’Iran. L’attaque du dépôt pétrolier de Shahran à Téhéran, menée samedi, alimente cette hypothèse.
Un élargissement de cette tactique pourrait inclure des frappes sur un réseau plus vaste de terminaux et de hubs pétroliers dans la province méridionale d’Hormozgan, qui abrite également deux zones franches sur les îles stratégiques de Kish et de Qeshm. Kish accueille par ailleurs la Bourse iranienne du pétrole — unique en son genre — où les transactions ne s’effectuent pas en dollars américains.
Autre cible potentielle : la raffinerie d’Abadan, située à la frontière irako-iranienne, de l’autre côté du fleuve Shatt al-Arab. Bien que les chiffres précis de production soient difficiles à obtenir, des estimations relayées par des médias comme le Financial Tribune avancent une capacité d’environ 400 000 barils par jour.
Au-delà de son rôle économique — elle couvrirait près de 25 % de la demande intérieure en carburant —, Abadan revêt une valeur hautement symbolique : c’est la plus ancienne raffinerie du pays, construite en 1909 par l’Anglo-Persian Oil Company, l’ancêtre de BP. Toute interruption prolongée de son activité aurait un impact direct sur la population iranienne et sur les capacités logistiques de l’armée.
Le terminal pétrolier de Mahshahr, situé sur le canal de Khor Musa, constitue une autre cible sensible. Il assure le stockage et le transfert des produits raffinés à Abadan, tout en jouant un rôle clé dans la construction d’infrastructures pétrolières. Si l’un de ces sites venait à être touché, la chaîne d’approvisionnement énergétique de l’Iran pourrait être gravement désorganisée, forçant Téhéran à redéployer ses ressources.
Israël pourrait tenter de paralyser l’industrie gazière iranienne
Plutôt que de concentrer ses efforts sur le pétrole, Israël pourrait choisir de s’attaquer à un autre pilier de l’économie iranienne : le gaz naturel. L’Iran produit un peu plus de 270 milliards de mètres cubes de gaz par an, destinés presque exclusivement à la consommation intérieure.
Des frappes récentes contre deux champs gaziers, dont la phase 14 du vaste gisement de South Pars, laissent entrevoir cette nouvelle orientation stratégique. Si de telles attaques venaient à se multiplier, elles auraient un impact limité sur le marché mondial du gaz, bien que le gisement soit partagé avec le Qatar, acteur majeur de la filière.
L’Iran représente environ 6 % de la production mondiale de gaz naturel. Une interruption significative de ses capacités nationales pourrait forcer Téhéran à se tourner vers des importations de gaz naturel liquéfié (GNL) pour combler ses besoins. Une solution qui s’annonce toutefois complexe, voire irréaliste, en raison du régime de sanctions internationales qui pèse lourdement sur le pays.
L’Iran pourrait tenter de fermer le détroit d’Ormuz
Parmi les mesures de rétorsion redoutées, la fermeture du détroit d’Ormuz revient régulièrement dans les discussions. Ce passage maritime stratégique relie le golfe Persique au golfe d’Oman et constitue une artère vitale pour les exportations de pétrole et de gaz naturel liquéfié (GNL) en provenance du Moyen-Orient.
Chaque jour, environ 30 % du pétrole commercialisé dans le monde — en provenance d’Iran, d’Arabie saoudite, du Koweït, de l’Irak et, dans une moindre mesure, des Émirats arabes unis — transite par cette voie étroite. À cela s’ajoutent les volumes massifs de GNL expédiés depuis le Qatar. Autant dire que toute perturbation dans le détroit aurait des conséquences immédiates à l’échelle mondiale.
Téhéran dispose des capacités militaires pour tenter une fermeture du détroit, mais une telle décision reste improbable à ce stade. D’une part, cela pénaliserait directement ses propres exportations de pétrole. D’autre part, une action de cette ampleur provoquerait très probablement une riposte militaire majeure, menée par les États-Unis — dont la cinquième flotte est stationnée à Bahreïn —, exposant le littoral et les ports iraniens à de potentielles frappes aériennes et navales.
Un blocus prolongé irriterait également Pékin, principal client du brut iranien. En 2024, l’Iran a exporté en moyenne 1,65 million de barils par jour vers la Chine. Par ailleurs, près de la moitié du pétrole transitant par le détroit — soit environ 20,5 millions de barils par jour — est également destiné au marché chinois. Face à une telle pression diplomatique et économique, il serait difficile pour Téhéran de maintenir une fermeture durable du détroit.
L’Iran pourrait attaquer les bases militaires et les installations pétrolières du Golfe
Dans une tentative d’élargir le conflit et d’y entraîner les États-Unis, l’Iran pourrait cibler — directement ou par l’entremise de ses alliés régionaux en Irak, au Yémen, au Liban, en Cisjordanie et à Gaza — les infrastructures pétrolières et gazières des États du Golfe.
Ce ne serait pas une première. Téhéran a déjà été accusé d’avoir orchestré l’attaque contre les installations pétrolières saoudiennes en 2019, puis celles des Émirats arabes unis en 2022. Si des frappes directes restent envisageables, la capacité de nuisance de ses principaux mandataires — le Hezbollah et le Hamas — est actuellement affaiblie par l’intense campagne militaire israélienne. En revanche, les rebelles houthis au Yémen, restés opérationnels, pourraient intensifier leurs attaques contre la navigation commerciale et les cargaisons de pétrole et de gaz dans la mer Rouge — une stratégie déjà amorcée depuis 2023.
Téhéran a également élevé le ton samedi, menaçant de s’en prendre aux bases militaires américaines, britanniques et françaises déployées dans la région si ces pays venaient à intervenir en faveur d’Israël. Ces puissances disposent de forces spéciales et d’importantes implantations diplomatiques dans le Golfe, ce qui en fait des cibles sensibles. En réponse, le Royaume-Uni a d’ailleurs annoncé le déploiement supplémentaire d’avions militaires sur ses bases régionales, évoquant un renforcement de sa capacité de réaction d’urgence.
Ce scénario d’escalade est pris très au sérieux par les services de renseignement occidentaux. Une guerre régionale élargie perturberait durablement les flux énergétiques, avec des conséquences immédiates sur les marchés mondiaux. Toute attaque majeure — notamment sur le terminal stratégique iranien de Kharg — pourrait provoquer une flambée des prix du pétrole et du gaz, alimentant une nouvelle vague d’instabilité économique à l’échelle internationale. La Chine, principal client énergétique de la région, pourrait alors se retrouver contrainte d’intervenir diplomatiquement pour éviter une crise prolongée.
Une contribution de Gaurav Sharma pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie
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