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Enquête : L’Engagement Des Femmes Dans Les Associations Professionnelles

Suite à notre précédent article concernant les associations professionnelles féminines, quelques membres actifs de ce type d’associations apportent leur éclairage afin de comprendre au mieux leurs motivations. Il existe différentes associations, certaines bien connues, nationales voire internationales à vocation souvent généraliste, d’autres plus spécialisées, régionales ou liées à un secteur professionnel particulier. Parmi les femmes interrogées, certaines sont représentantes ou bien membres des associations suivantes : 

  • Club Comelles qui est un réseau de professionnelles de la Communication et du Marketing favorisant les échanges d’expérience, l’enrichissement des connaissances, le développement des carrières au féminin et portant la parole des femmes au sein du secteur;
  • Femme & Société, s’adressant aux femmes et aux hommes diplômé(e)s et futur(e)s diplômé(e)s de Sciences Po, qui vise à promouvoir l’échange, la réflexion autour des questions liées au fait féminin en général et à la mixité du management en particulier;
  • Les Elles des Hauts de France, le réseau des femmes de la Caisse d’Epargne HDF, qui s’inscrit en faveur de la mixité dans l’entreprise avec 3 ambitions : rendre visible les femmes de talent, donner l’envie aux femmes de l’entreprise d’oser se révéler, favoriser l’entraide entre membres;
  • Pink Innov’, un réseau de femmes autour de l’innovation orienté observatoire d’actualité et partage de best practices;
  • PWN qui aide les femmes cadres à monter plus vite dans la hiérarchie, jusqu’aux instances de gouvernance de l’entreprise et accompagne les entrepreneures dans le développement de leur entreprise;
  • Social builder, start-up sociale dont la vocation est de former les femmes aux métiers du numérique et de fédérer un réseau de femmes dans la Tech;
  • Women Essec / Club gen Startuppeuse, dont l’objectif est de promouvoir la mixité dans les instances de pouvoir et l’entrepreneuriat.

Je tiens à remercier ces associations d’avoir répondu à l’appel pour nous permettre d’éclaircir les motivations qui animent leurs actions !

A l’exception de Femme & Société, ces associations sont généralement dédiées uniquement aux femmes, pour tenter de trouver une réponse à une problématique que seules les femmes rencontrent dans la sphère professionnelle, à savoir :

  • Les jugements, biais et stéréotypes dont elles peuvent être victimes, qui contribuent au maintien d’une forme systématique de décrédibilisation, voire de dénigrement, de leurs actions ou paroles, et qui minimalisent insidieusement leur posture dans les organisations, et écrasent leur liberté d’expression en leur imposant une forme d’autocensure.
  • La sous-représentation des femmes dans la plupart des organes de décision ou d’influence professionnels
  • L’existence d’un plafond de verre qui ne favorise pas l’ascension professionnelle des femmes

Ainsi la majorité des associations s’engage dans des actions visant à accompagner les femmes dans leur développement professionnel et personnel, à favoriser les échanges entre femmes, à assurer une forme de représentation et de lobbying pour mieux faire entendre leurs voix, à donner une meilleure visibilité, en espérant susciter une meilleure considération professionnelle.

Tout ceci s’opère sous la forme de conférences, de rédaction d’articles, d’ouvrages collectifs, des études ou travaux, de formations, du coaching ou mentorat, d’actions de lobbying, des partenariats, des événements tels que des rendez-vous mensuels, des ateliers, des dîners ou afterworks…

Violaine Colombier, du groupe Femme & Société, indique que les événements réservés aux femmes concernent généralement le développement personnel, comme les soirées de networking, les ateliers de coaching. Selon elle, « lors de ces événements, le fait d’être uniquement entre femmes développe le climat de confiance et la connivence. Les femmes partagent plus facilement entre elles leurs expériences, leurs doutes, leurs frustrations, leurs envies… ». Constatation que partage Isabelle Dufossé, Présidente des Elles de Hauts de France, et bien d’autres.

Quelles motivations pour intégrer ce type d’association?

Les motivations principales qui animent les femmes membres de ces associations reposent d’abord sur le besoin d’écoute active, d’échange non biaisé entre pairs, de trouver du soutien, des conseils dans un mouvement bienveillant, et l’envie de progresser personnellement. Mais aussi, de s’engager collectivement autour de la valorisation de la position des femmes dans la société et dans la sphère professionnelle.

De toute évidence, ces motivations ne se placent pas dans une lutte contre les hommes, elles se veulent avant tout humanistes, avec comme idéal de parvenir à un savoir vivre et travailler ensemble dans le respect des aptitudes, compétences et complémentarités de tout être humain, indépendamment de son genre. Il s’agit de se nourrir des différences et des traits communs pour faire grandir la société et envisager un monde plus éthique et équitable.

Quelles satisfactions ressortent de la participation à ces réseaux ou associations?

Outre la notion de réseautage qui permet d’enrichir son carnet d’adresses, d’une même voix, les femmes engagées dans ces mouvements expliquent avoir gagné en confiance en soi, tant du point de vue personnel que professionnel. Et ce, du fait d’avoir pu accéder à un espace de confiance, de partage de valeurs communes et d’expériences, et un espace de liberté de parole où la pression du jugement est bien moins perceptible.

De plus, la notion de transmission, d’utilité, de création d’une force collective bienveillante et visant à transformer la société, à son échelle, donne également un sens et une dimension non négligeables à cet engagement.

Ainsi Hélène Campourcy, Présidente de Pink innov’, fait part de son « plaisir de voir les membres de l’association se réaliser, de les aider dans les moments difficiles pour partager, conseiller et guider. » Cette aide est mutuelle entre les membres. Elle indique encore : « Ce réseau m’enrichit par sa bienveillance, son entre-aide et le fait de découvrir des mondes différents et complémentaires. Une puissance, une énergie du féminin qui fait grandir et qui nous aide à appréhender le quotidien différemment. »

Associations féminines professionnelles et féminisme

Les femmes interrogées sont partagées sur la question des revendications féministes. Une des explications tient probablement dans le fait que l’on reconnaît volontiers différentes formes de féminismes et que cette étiquette est si sujette à controverse qu’il est difficile de se l’approprier sans en faire une explication de texte, pour ne pas être assimilé à des mouvements jugés radicaux.

Il apparaît que pour certains mouvements, une partie des membres est animée par des idéaux féministes, mais les associations, à leur niveau, ne placent généralement pas leurs actions sous un drapeau féministe. Si nombre de ces associations adoptent un mode d’action et d’expression modéré, souvent plus discret, les membres estiment que ces actions sont porteuses de résultats sur le moyen et long terme, avec une évolution progressive des mentalités au travail.

L’ouverture aux hommes ? Qu’en est-il?

Selon leur vocation, certaines associations accueillent volontiers les hommes lors de certains événements qui s’y prêtent. Cela reste toutefois encore marginal, par peur de trahir certaines valeurs ou d’apporter de la confusion dans les actions et messages, ou au sein des membres. La question de l’ouverture aux hommes n’est pas traitée comme une aberration ou un non-sens, au contraire. Cependant cela reste une question épineuse, traitée au cas par cas.

Catherine Bonneville-Morawski dit ainsi organiser les grands projets du Club Comelles avec des hommes et envisage la mixité pour de prochains rendez-vous. Mais le club souhaite « rester un club féminin afin de rester cohérent avec (sa) vocation de garantir une parole libre et non « prise » par les hommes ».

Du côté de Pink Innov’, Hélène Campourcy explique : « aujourd’hui, l’ADN est très fort, la facilité à s’exprimer et faire confiance est profondément ancrée. Je ne sais pas si l’ouverture à des hommes ne perturberait pas cet équilibre et ne renfermerait pas certaines femmes sur elles-mêmes, leur enlevant le lieu d’expression sans jugement et ce lâcher prise que leur apporte Pink innov’ ». Julie Hebting estime aussi qu’ouvrir Social Builder aux hommes n’est pas d’actualité, par souci de préservation de la vocation initiale de l’action.

Pour PWN, la question est difficile : cette discussion de l’ouverture aux hommes existe dans le réseau depuis plus de 5 ans, mais aucune décision n’est encore arrêtée selon Martine Van Went, qui a occupé la présidence de PWN Paris.

Toutefois, même si l’ouverture aux hommes est effective dans certaines associations, de façon récurrente ou plus exceptionnelle selon les cas, force  est de constater que leur participation reste encore marginale ; peu nombreux sont ceux qui se mobilisent sur des événements. C’est ce que constate notamment Violaine Colombier du groupe Femme & Société.

Sur le sentiment de ghettoïsation

Sans surprise, la question de la ghettoïsation des femmes divise. A la question « Ressentez-vous une forme de ghettoïsation des femmes dans la vie professionnelle? Vous sentez-vous traitée différemment du fait d’être une femme? », une moitié estime que oui et l’autre non.

Ces femmes parlent des difficultés rencontrées sur leur parcours et qui ont motivé leur engagement. Le terme de ghettoïsation est cependant jugé un peu fort.

Certaines, comme Viviane De Beaufort (Women Essec / Club gen Startuppeuse), sont parvenues à être reconnues comme expertes dans leur domaine, mais parfois au détriment de l’équilibre entre vie personnelle et professionnelle. Cette quête de reconnaissance implique souvent une part de combat et de sacrifice qui n’est pas jugée normale. Il n’y a pas de raison acceptable qui puisse justifier qu’une femme doive davantage faire ses preuves qu’un homme à compétences, expérience et qualités égales. Il n’est pas souhaitable que les prochaines générations connaissent les mêmes travers pour aboutir à une forme de reconnaissance et de légitimité. Ce schéma doit disparaître. Et c’est ce qui anime de nombreuses associations professionnelles féminines.

D’autres femmes indiquent avoir été confrontées dans leur vie professionnelle, de nombreuses fois, à des remarques ou agissements déplacés, du fait d’être une femme : remarques, regards appuyés sur leur tenue, questions sur l’aptitude à articuler la vie personnelle et professionnelle, ou encore des gestes déplacés….

Si certaines ont eu la chance de ne pas souffrir de tels comportements, elles admettent volontiers avoir eu le sentiment d’être traitées différemment dans certaines situations : la parole ne leur est pas donnée de la même façon qu’aux hommes, et leur impact, la considération de cette parole donnée, sont bien souvent amoindris face aux propos tenus par un homme. De même, une frustration est nettement palpable lorsque l’on aborde la gestion des carrières, l’évolution professionnelle.

Il suffit de se rappeler les statistiques pour attester du problème : peu de femmes dans les conseils d’administration ou dans les comités de direction, peu de femmes dans les postes à haute responsabilité notamment dans les domaines de l’industrie, de la recherche et de l’innovation, des salaires encore bien inférieurs à ceux des hommes.

Le chemin est donc encore long. Les femmes doivent donc s’imposer progressivement dans un monde professionnel où les codes sont encore très masculins.

Est-ce que se constituer en association de femmes renforce cette forme de ségrégation ?

Les femmes interrogées estiment que non. Violaine Colombier indique notamment que selon elle, « les réseaux de femmes en entreprises et les associations de femmes (…) n’ont pas vocation à renfermer les femmes sur elles-mêmes, au contraire ! (…) Je crois que les associations de femmes font avancer la réflexion globale sur la mixité au travail et l’équilibre des temps. Tout le monde a à y gagner. »

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