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Transition énergétique du transport et de la logistique : la seule stabilité, c’est celle de nos convictions

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Transition énergétique du transport et de la logistique : la seule stabilité, c’est celle de nos convictions

Le secteur du transport et de la logistique fait face à une instabilité réglementaire persistante. Dans ce contexte incertain, nos repères restent les mêmes : notre engagement à transformer nos pratiques pour réduire notre impact environnemental.

Une contribution de Bruno Kloeckner, Directeur général, XPO Logistics – France

 

Il y a quelques mois encore, les Zones à Faibles Émissions (ZFE) étaient présentées comme une évolution inévitable de la mobilité urbaine. Pour les entreprises de transport, c’était un signal clair. Beaucoup ont alors fait le choix, souvent coûteux, d’investir dans des flottes alternatives au diesel.


Pourtant, plusieurs métropoles, comme Rouen, Strasbourg ou Montpellier, ont suspendu ou assoupli leur calendrier de mise en place. Sur les 43 agglomérations concernées, certaines avaient même décidé de mettre leur projet en pause dès 2024. Cette dynamique locale de suspension a désormais trouvé un écho national, avec la suppression des ZFE votée par les députés le 28 mai dernier.

Le cas des ZFE n’est pas isolé. D’autres dispositifs d’accompagnement (aides à l’achat de véhicules alternatifs au diesel, subventions, soutien à l’innovation) sont modifiés, réduits ou supprimés. Les entreprises, elles, avaient déjà lancé leurs projets, adapté leurs plans, mobilisé des équipes.

 

Une transition à géométrie variable

 

Changer de motorisation, réorganiser ses flux, créer des infrastructures de recharge électrique, concevoir des solutions multimodales, accompagner ces changements par la formation et de nouveaux process : tout cela prend du temps. En parallèle, une flotte de poids lourds se renouvelle sur 3 à 10 ans en moyenne, selon les types de véhicules et les usages.

Ce que l’on constate aujourd’hui, c’est une transition à géométrie variable. Les calendriers évoluent, les règles changent, parfois même avant leur mise en œuvre. Ce manque de continuité fragilise les investissements et génère de l’attentisme, là où il faudrait de la constance.

 

Des convictions qui ne fléchissent pas

 

Le secteur du transport, longtemps perçu comme un émetteur net de carbone, peut aujourd’hui devenir un moteur de transformation. En France, 28 % des émissions de gaz à effet de serre du transport proviennent des poids lourds [1]. C’est un levier majeur de décarbonation. Cette transition est portée par plusieurs acteurs du secteur, qui, au-delà des obligations réglementaires, agissent par conviction. Car chaque tonne de CO₂ évitée a un sens et l’urgence climatique est réelle.

Les solutions sont connues : véhicules à faibles émissions, mutualisation des flux, hubs logistiques optimisés, intermodalité renforcée. Le coût d’un poids lourd électrique reste aujourd’hui environ 3 fois supérieur à celui d’un modèle diesel, mais cela n’a pas freiné les investissements ni l’innovation de nombreuses entreprises du secteur. Ce mouvement est engagé, mais il reste tributaire d’un cadre stable pour s’amplifier.

 

L’attente d’une trajectoire lisible

 

À cette incertitude nationale s’ajoute une pression européenne imminente : dès 2027, le transport de marchandises entrera dans le marché européen du carbone (ETS2) [2]. Ce mécanisme, prévu pour faire progresser la décarbonation, pourrait alourdir le coût du gazole de 10 à 20 centimes par litre. Il s’ajoutera aux hausses liées aux biocarburants ou aux certificats d’économies d’énergie, dans un contexte où les marges des transporteurs sont déjà sous tension. Pire : les recettes générées par cette “taxe carbone indirecte” ne semblent pas, à ce jour, entièrement fléchées vers la transition du secteur. Là encore, le cadre manque de lisibilité, de cohérence et de confiance.

Il ne s’agit pas de réclamer davantage d’aides ou d’assouplir les ambitions. Ce qui est attendu, c’est une trajectoire claire, construite avec les acteurs de terrain, qui prenne en compte les réalités industrielles et logistiques. Une stratégie publique qui valorise les efforts engagés, qui sécurise les décisions à long terme et qui offre un cap stable pour accélérer la transition. Car aujourd’hui, chaque revirement réglementaire est un coût caché pour la transition.

 

 

La stabilité n’est pas un confort, c’est une condition de réussite. Sans visibilité, les investissements se figent et les innovations stagnent. Pour avancer, il faut pouvoir croire à ce qui est annoncé, et construire sur ce qui est décidé. Or le temps politique n’est pas le temps industriel et c’est dans cet écart que se joue la réussite de la transition.

 

[1] Ministère de la Transition écologique et du Service des données et études statistiques (SDES) 
[2] Commission européenne – ETS2: buildings, road transport and additional sectors


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