Rechercher

Respirer au bureau : le privilège oublié qui coûte des milliards

gettyimages 103925083
Respirer au bureau : le privilège oublié qui coûte des milliards

Alors que le gouvernement vient d’annoncer l’extension de la réglementation sur la qualité de l’air intérieur à de nouvelles catégories d’établissements dès janvier 2025, les entreprises françaises semblent encore ignorer l’impact économique colossal de l’air qu’elles font respirer à leurs collaborateurs. Cette nouvelle obligation concernera notamment les structures sociales et médico-sociales, mais qu’en est-il des millions de mètres carrés de bureaux où s’active quotidiennement la force productive de notre pays ?

Une contribution de Jacky Brondin, directeur général de Rentokil Initial

Dans un monde où chaque seconde compte et où la performance est reine, nous scrutons avec obsession les moindres détails susceptibles d’optimiser notre productivité. Formations coûteuses, outils digitaux dernier cri, aménagements ergonomiques sophistiqués… Les entreprises investissent des sommes colossales pour gagner quelques précieux points de productivité.

Pourtant, elles négligent systématiquement le carburant même qui alimente le moteur humain : l’air que nous respirons.


Alors que nous analysons méticuleusement la composition de notre eau en bouteille et que nous débattons des mérites comparés du café bio équitable versus la tisane détox, nous inspirons chaque jour, sans y prêter attention, près de 12 000 litres d’un air dont la qualité reste largement ignorée. Cette indifférence collective n’est pas seulement paradoxale, elle est économiquement suicidaire.

 

L’air du bureau : ce poison invisible que nous respirons 8 heures par jour

 

La pollution de l’air coûte à l’économie française entre 20 et 30 milliards d’euros par an. Derrière cette statistique vertigineuse se cachent des réalités concrètes : absentéisme, baisse de productivité, erreurs de jugement, décisions stratégiques altérées.

Imaginez un instant que vous mettiez un pilote de Formule 1 dans une voiture alimentée avec un carburant de mauvaise qualité. L’absurdité de la situation vous sauterait immédiatement aux yeux. Pourtant, c’est précisément ce que nous faisons quotidiennement avec nos collaborateurs : nous exigeons d’eux excellence et performance tout en les privant du carburant premium dont leur cerveau a besoin.

L’air intérieur que nous respirons dans nos bureaux est jusqu’à cinq fois plus pollué que l’air extérieur. Cette pollution invisible – mélange de particules fines, de composés organiques volatils et de pathogènes – s’infiltre dans nos organismes, diminuant notre concentration et altérant notre jugement. Elle sabote silencieusement la performance que nous cherchons désespérément à maximiser par ailleurs.

La pandémie de COVID-19 a momentanément braqué les projecteurs sur cette réalité longtemps ignorée. Mais à mesure que la crise sanitaire s’éloigne, nous semblons collectivement retomber dans notre amnésie confortable.

C’est une erreur stratégique majeure. Car si 72% des personnes se disent aujourd’hui plus préoccupées par la qualité de l’air qu’elles respirent, c’est parce qu’elles ont pris conscience d’une vérité fondamentale : la qualité de l’air que nous respirons détermine directement notre capacité à penser, créer et produire.

 

L’air pur, nouveau levier de performance

 

Les entreprises avant-gardistes l’ont bien compris. Elles intègrent désormais la qualité de l’air dans leur stratégie globale de performance. Et les résultats sont sans appel : jusqu’à 11% d’augmentation de la productivité, réduction significative de l’absentéisme, amélioration mesurable de la satisfaction des collaborateurs.

Ces gains ne nécessitent pas des investissements pharaoniques. Des solutions accessibles existent, de la simple sensibilisation aux pratiques d’aération jusqu’aux systèmes sophistiqués de purification et de monitoring de la qualité de l’air. Le retour sur investissement est parmi les plus rapides et les plus tangibles que l’on puisse observer dans le domaine de l’amélioration des conditions de travail.

Pourtant, la résistance persiste. Peut-être parce que l’air reste invisible. Peut-être parce que ses effets, bien que profonds, se manifestent de manière diffuse et progressive. Ou peut-être, plus fondamentalement, parce que nous considérons encore la respiration comme un acquis, un droit naturel, et non comme un privilège qui peut, et doit, être optimisé.

Les 3,5 millions d’asthmatiques en France, les 40 000 décès annuels liés à la pollution de l’air ne sont pas que des statistiques sanitaires, ce sont aussi des indicateurs économiques qui devraient alerter tout dirigeant soucieux de la performance de son organisation.

 

L’air du bureau, le nouveau tabagisme passif du 21ème siècle

 

Respirer ou produire : faut-il vraiment choisir ? La dichotomie entre bien-être et productivité, entre santé et performance économique, est un faux dilemme que nous devons définitivement abandonner. L’air pur n’est pas une concession faite au confort des collaborateurs au détriment de l’efficacité, c’est précisément ce qui rend cette efficacité possible.

Nous n’avons plus à choisir entre respirer et produire. Au contraire, c’est en respirant mieux que nous produirons plus et mieux. Cette équation simple, presque triviale, pourrait bien être la clé d’un nouveau paradigme managérial où la performance ne s’obtient plus par la pression et la contrainte, mais par l’optimisation intelligente des conditions fondamentales du travail intellectuel.

Alors que nous investissons des sommes considérables dans l’intelligence artificielle pour augmenter nos capacités cognitives, n’oublions pas que l’intelligence humaine, elle, dépend d’abord et avant tout de la qualité de l’air que nous respirons. C’est peut-être là, dans cette vérité élémentaire trop longtemps négligée, que réside le secret d’une performance durable et humaine.

Sources

Comment respirer un air de meilleure qualité
Hygiène mondiale : le renouveau
L’hygiène de l’air – Invisible, mais essentielle
Gamme Hygiène de l’Air

 


À lire également : Épuisement professionnel : un enjeu collectif de santé et de performance

Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook

Abonnez-vous au magazine papier

et découvrez chaque trimestre :

1 an, 4 numéros : 30 € TTC au lieu de 36 € TTC