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Les contradictions sur le développement durable compliquent la prise de décision pour les entreprises

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Les contradictions sur le développement durable compliquent la prise de décision pour les entreprises. Getty Images

Autrefois, la gestion des réglementations en matière de développement durable semblait plus simple pour les chefs d’entreprise, qui se contentaient de critiquer des règles perçues comme excessives ou incohérentes. Entre les obligations de reporting, parfois mondiales, parfois facultatives, les processus complexes de diligence dans les chaînes d’approvisionnement ou encore les rapports sur les émissions de gaz à effet de serre, la tâche semblait déjà ardue.

 

La situation s’est toutefois complexifiée lorsque les régulateurs eux-mêmes ont entrepris de modifier leurs propres dispositifs : clarifications, simplifications, révisions ou réorientations ont introduit une instabilité supplémentaire, rendant le cadre réglementaire encore plus difficile à appréhender.

 


Une incertitude réglementaire alimentée par des signaux contradictoires

Au sein de l’Union européenne, des documents ayant récemment fuité ont mis en lumière des désaccords persistants entre les États membres sur plusieurs points clés du paquet « Omnibus » de simplification — une initiative lancée en début d’année visant à harmoniser et à alléger les obligations existantes en matière de développement durable. L’introduction même de ce projet a suscité la controverse, nombre de pays estimant que le cadre réglementaire était déjà abouti. Sa remise en question n’a fait qu’alimenter les tensions. Parallèlement, le Groupe consultatif pour l’information financière en Europe (EFRAG), chargé de rédiger les orientations techniques initiales et désormais mobilisé sur la révision des normes européennes d’information sur le développement durable (ESRS) dans le cadre du paquet Omnibus, a récemment vu une partie de son plan de travail rejetée par des membres du Conseil, entraînant de nouveaux retards.

Aux États-Unis, le paysage réglementaire est devenu encore plus difficile à décrypter pour les entreprises, à mesure que l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis (EPA) engageait une vaste opération de déréglementation et que la Securities and Exchange Commission (SEC) renonçait à ses projets de nouvelles règles de divulgation climatique. Si certaines entreprises en ont profité pour prendre leurs distances vis-à-vis des engagements en matière de développement durable, de nombreux investisseurs et parties prenantes ont au contraire renforcé leurs exigences en matière de transparence sur les objectifs climatiques et environnementaux.

Dans ce contexte mouvant, la mise en conformité ne s’apparente plus à un parcours linéaire, mais à une navigation prudente entre des risques réglementaires de plus en plus difficiles à anticiper.

 

Les données demeurent le seul repère solide

Pour les entreprises prises dans la tourmente réglementaire, la meilleure réponse reste de se recentrer sur les risques et les opportunités liés à la durabilité et à la résilience de leur modèle économique. Car si l’Union européenne peine encore à trancher sur la mise en œuvre de la Directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) ou de la Directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CSDDD), et si les États-Unis freinent sur la transparence climatique, cela ne signifie en rien que les enjeux climatiques et sociaux ont disparu. Bien au contraire.

Le socle juridique, notamment en Europe, reste solide. Et quel que soit le sort réservé aux textes en débat, les entreprises — qu’elles soient européennes ou non — devront tôt ou tard s’y aligner. Dans ce climat d’instabilité réglementaire, les données tangibles doivent servir de boussole. Des indicateurs précis sur les risques liés aux événements climatiques extrêmes, aux émissions de dioxyde de carbone, à la sécurité au travail, aux droits humains ou encore à la gestion du capital humain permettent aux entreprises de garder le cap. Ce sont ces éléments concrets — bien plus que les hésitations politiques — qui façonneront leur résilience et leur compétitivité dans les années à venir.

 

La norme de reporting volontaire offre une alternative

Pensée au départ pour les petites entreprises non cotées souhaitant s’aligner volontairement sur la directive CSRD, la norme de reporting VSME élaborée par l’EFRAG séduit désormais bien au-delà de sa cible initiale. Face au relèvement des seuils d’application de la CSRD — qui ne concerne plus que les entreprises de 1 000 salariés ou plus — la VSME s’impose peu à peu comme un guide de référence pour celles qui, exclues du champ d’application, avaient pourtant déjà entamé leur préparation. Grâce à son approche structurée, elle devient un outil pratique pour structurer une démarche de transparence, même hors du cadre obligatoire.

Certes, certains pourraient être tentés de ralentir sur leurs engagements en matière de développement durable, profitant des retards réglementaires, des revirements politiques ou d’un climat apparent de déréglementation. Mais sur le terrain, les attentes des parties prenantes – investisseurs, salariés, clients ou partenaires – demeurent fortes. Elles portent toujours sur la responsabilité, la transparence, et la mise à disposition de données fiables, comparables et structurées. Les entreprises qui poursuivent leurs efforts dès aujourd’hui, malgré l’incertitude, seront les mieux armées pour faire face aux risques concrets et durer. Car être durable, c’est aussi être capable de s’adapter, d’évoluer et de créer de la valeur sur le long terme.

 

Une contribution de Mary Foley pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie


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