Au cours des dix dernières années, la consommation électrique des datacenters est restée relativement stable grâce aux gains d’efficacité permis par l’innovation technologique. Mais l’essor de l’IA a changé la donne. Par exemple, une seule requête ChatGPT consomme aujourd’hui près de 10 fois plus d’énergie qu’une recherche Google.
Une contribution de Gabriel Ferreira, Director, Systems Engineering de Pure Storage France
Dans ce contexte, selon l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), la consommation mondiale d’électricité des datacenters devrait plus que doubler d’ici 2030, l’IA jouant un rôle déterminant. De plus, d’après la banque d’investissement Goldman Sachs, la demande mondiale en électricité des datacenters pourrait grimper à 84 GW en 2027, soit une hausse de plus de 50 % en seulement deux ans. D’ici 2030, la capacité pourrait atteindre 122 GW. La densité énergétique croît également, passant d’environ 1 743 kW/m² aujourd’hui à près de 1 894 kW/m² d’ici 2027. Une grande partie de cette hausse est due au matériel spécifique à l’IA.
La production d’électricité peut-elle suivre ?
L’appétit croissant des datacenters se heurte à des infrastructures vieillissantes et peu efficaces. En France, le parc bénéficie d’un atout décisif : le nucléaire, qui sécurise l’approvisionnement de ces infrastructures. À cet avantage s’ajoute une dynamique d’innovation où la France est à la pointe de la fusion nucléaire, cette technologie capable de reproduire l’énergie des étoiles. Cette filière émergente, si elle tient ses promesses à l’horizon 2030-2035, pourrait offrir à terme une énergie quasi illimitée, bas carbone et parfaitement adaptée aux besoins énergivores du numérique.
Aux États-Unis, près de la moitié du pays fait face à un risque accru de coupures d’électricité au cours des dix prochaines années, selon la North American Electric Reliability Corporation, en raison de la mise hors service de centrales, de retards dans les nouvelles constructions et d’une demande en forte croissance. Au Royaume-Uni et dans l’UE, plus de la moitié des centrales électriques actuelles devraient fermer d’ici 2040, alors que la demande d’électricité devrait augmenter de près de 80 % entre 2022 et 2050. Cette évolution reflète la volonté de réduire la dépendance aux énergies fossiles comme le charbon. En France, RTE estime que près de 100 milliards d’euros devront être investis d’ici 2040 pour moderniser et renforcer le réseau, afin de répondre à cette hausse de la demande et intégrer les capacités bas carbone.
Le nucléaire est-il la solution ?
Face à ce déficit annoncé, l’énergie nucléaire apparaît comme un acteur clé du futur mélange énergétique, à la fois pour répondre à la demande et soutenir la décarbonation. L’Agence Internationale de l’Energie prévoit que la part du nucléaire dans la production mondiale d’électricité aura quasiment doublé d’ici 2050. L’AIE signale qu’à l’heure actuelle, 63 réacteurs nucléaires sont en construction dans le monde, pour une capacité combinée de plus de 70 GW. Toutefois, l’essentiel de cette activité se concentre en Russie et en Chine. À l’inverse, les pays du G7 réduisent leurs investissements et ferment leurs installations vieillissantes. La France fait figure d’exception, avec le projet de relance annoncé par le gouvernement : six nouveaux réacteurs EPR2 devraient voir le jour d’ici 2035 et huit autres sont à l’étude.
Les SMR, un nucléaire adapté aux datacenters
Une avancée prometteuse réside dans les petits réacteurs modulaires (SMR), des réacteurs nucléaires à fission compacts produisant jusqu’à 300 MW, avec des microréacteurs limités à 10 MW. Les SMR sont conçus pour être préfabriqués, plus faciles à déployer et plus rapides à mettre en service que les centrales traditionnelles.
Les SMR pourraient être co-localisés avec des datacenters pour fournir une électricité dédiée et sans carbone. Alors qu’une centrale nucléaire classique prend 8 à 10 ans à construire, un SMR pourrait être déployé en seulement 2 à 3 ans. Cela reste plus long que la construction d’un datacenter, mais c’est un progrès notable.
Le défi demeure toutefois le manque d’expérimentation des SMR à grande échelle, avec très peu d’exemples en exploitation commerciale, mais cela pourrait changer rapidement dans les années à venir, à mesure que la demande s’intensifie
Le besoin d’une efficacité immédiate
Si le nucléaire peut contribuer à résoudre les défis de capacité à long terme, les datacenters ont aussi besoin de solutions immédiates pour réduire leur consommation énergétique. Cela implique d’analyser en détail chaque domaine de consommation d’énergie dans le centre de données, depuis les réseaux jusqu’au stockage des données, en passant par le calcul, ainsi que tous les besoins associés en matière de refroidissement et d’alimentation électrique. Ce n’est qu’en utilisant les solutions les plus efficaces sur l’ensemble du datacenter que les entreprises pourrontespérer atténuer l’impact de l’IA et les pénuries d’énergie.
Une partie de la solution pourrait consister à éliminer les disques durs mécaniques (HDD) anciens et inefficaces au profit de solutions de stockage entièrement flash. Le flash est nettement plus économe en énergie que les HDD, qui représentent encore une grande partie du stockage des datacenters actuels. Contrairement aux HDD, le stockage flash ne comporte aucune pièce mobile et consomme 5 à 10 fois moins d’énergie.
Si tous les systèmes de stockage flash sont plus efficaces que les disques durs, les systèmes de stockage flash avancés peuvent offrir des avantages encore plus importants. Certains fournisseurs de stockage proposent désormais des modules flash haute densité conçus pour fonctionner au sein de systèmes intégrés. Ces innovations permettent une efficacité énergétique jusqu’à 5 fois supérieure aux SSD standards, avec 85 % d’émissions de carbone en moins. Autrement dit, l’efficacité immédiate dans les datacenters est à portée de main, et le stockage tout-flash avancé en est l’une des clés.
Réflexions finales
À mesure que les charges de travail IA se développent et que la demande énergétique des datacenters explose, il n’existe pas de solution unique : plusieurs stratégies seront nécessaires. L’énergie nucléaire, en particulier les SMR, pourrait contribuer à combler l’écart d’approvisionnement à long terme. Pour la France, la relance de son parc nucléaire, associée à l’innovation technologique dans les datacenters, sera un levier déterminant. À court terme, des technologies de datacenters plus efficaces, telles que le stockage tout-flash, offrent une voie claire et immédiate vers une meilleure efficacité.
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