Pratiquants non croyants. La formule a de quoi surprendre. Appliquée à l’ESG (Environnement, Social, Gouvernance), le concept est éclairant. La complexité des cadres ESG peut générer une perception d’obligation lourde et technique, réduisant ces critères à un simple exercice réglementaire. Pour les “pratiquants non croyants” de l’ESG (dirigeants, managers ou collaborateurs), ces critères sont perçus comme une contrainte à gérer et non comme un engagement à incarner. Cette posture a plusieurs inconvénients : elle limite la mobilisation des parties prenantes, affaiblit la cohérence et la crédibilité des démarches, creuse le fossé entre discours et actes et expose les entreprises à un risque accru de défiance ou de greenwashing.
Une contribution de L. Vanessa Choquet, dirigeante de Bragiot communication
À l’heure où les défis de durabilité s’imposent à tous, les stratégies narratives ESG sont plus que jamais une nécessité. Elles constituent un levier puissant pour transformer en profondeur la manière dont les entreprises comprennent, communiquent et incarnent leurs engagements. Elles permettent de dépasser le statut de “pratique sans croyance” pour rallier les sceptiques à une vision collective à la fois lucide et ambitieuse, seule capable de relever les défis d’avenir.
Faire face aux difficultés d’adhésion
Les critères ESG ont été formalisés dès 2004 dans le rapport “Who Cares Wins” initié par Kofi Annan. Depuis, l’Europe a renforcé ce cadre en adoptant des réglementations ambitieuses. Pourtant, 70% des grandes entreprises européennes peinent à susciter une adhésion réelle autour des enjeux ESG (Baromètre ESG International 2025 réalisé par Ayming).
Les organisations ont tout intérêt à s’appuyer sur des récits puissants et partagés pour transformer la contrainte en conviction. Il ne s’agit pas simplement de mettre en œuvre des actions conformes, de rédiger des rapports, mais bien de changer de paradigme culturel et narratif pour raconter une histoire collective sincère et mémorable qui donne du sens aux enjeux, intègre la diversité des voix, reconnaît les difficultés et rend compte des progrès de manière transparente ; aussi bien en interne qu’en externe.
À l’image de la “caverne de Platon”, les “pratiquants non croyants” de l’ESG restent dans une perception limitée, parfois réduite à la peur d’être sanctionnés plutôt qu’à la conviction d’agir pour le bien commun. La narration bien conçue est cette lumière qui guide hors de l’ombre, qui donne du sens, éclaire les ambiguïtés et fait vivre la transformation au-delà des simples indicateurs.
L’exemple de Duralex
Duralex est un exemple parlant et populaire. En 2024, l’entreprise change de gouvernance et devient une SCOP (société coopérative et participative détenue majoritairement par ses 148 salariés). Elle parvient à préserver les emplois, renforcer l’ancrage local et porter une vision collective à long terme ; incarnant une démarche ESG portée par un engagement véritable, dépassant la simple conformité réglementaire pour devenir un acteur responsable et résilient. Une belle illustration de transformation culturelle et narrative.
En prenant appui sur des cadres philosophiques solides (le relativisme de Protagoras qui invite à intégrer la diversité des voix, l’âne de Buridan qui illustre les dilemmes difficiles à solutionner et donc à communiquer et l’anneau de Gygès qui dénonce la tentation du greenwashing), les stratégies narratives peuvent devenir un outil sérieux et catalyseur d’engagement. En s’inspirant des griots, figures ancestrales porteuses de mémoire, de culture et de liens sociaux, elles retrouvent une vocation d’art de la transmission et de la mobilisation collective. En articulant vérité, responsabilité et espoir, elles recréent du lien entre des acteurs parfois désorientés face à la complexité du monde.
Les narrations stratégiques ESG créent de la valeur pour l’entreprise. Elles construisent un sens partagé et fédérateur, renforce la crédibilité et la confiance, intègre une approche systémique et relationnelle, prépare à la résilience et stimule une transformation durable et mesurable. Loin d’être un simple outil de communication, le récit devient un moteur d’action partagée et éclairée ; une stratégie de transformation qui fait converger sens, émotions, raison et engagement.
“La source désapprouve presque toujours l’itinéraire du fleuve” nous dit très justement Jean Cocteau.. Alors, osez donner un nouvel élan à votre démarche ESG ! Osez construire une narration stratégique authentique et sincère ! Elle transformera les résistances en adhésion, renforcera la confiance et fera de votre entreprise un acteur crédible et résilient, capable d’incarner une transformation durable et porteuse de sens.
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