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Décarbonation des systèmes de santé : faut-il en faire une priorité ?

La crise climatique est la cause de plus de 5 millions de décès par an. Les nouveaux défis qu’elle a engendrés affectent davantage la capacité des systèmes de santé à fournir des soins fiables et performants, tout comme ils continuent d’aggraver les inégalités locales et globales. Paradoxalement, en générant jusqu’à 4,6 % des émissions totales de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale, c’est le secteur de la santé lui-même qui contribue de manière significative à accélérer le changement du climat. Il est urgent d’identifier et de développer des stratégies de réduction d’émissions de carbone.

Par Arielle Cohen Tanugi-Carresse et Loick Menvielle

 

Quels sont les enjeux réels de la décarbonation du système de santé ? Quels sont les projets et les perspectives ?

 

Les solutions pour un système de santé écologique durable

Certains pays à revenu élevé ont déjà amorcé des actions concrètes pour engager un processus de décarbonation. Objectif : opérer une transition écologique de l’ensemble du système en réduisant son impact environnemental, en France, comme à l’échelle mondiale.

Engagement en faveur d’un système moins énergivore

L‘Accord de Paris de 2015 vise à limiter le réchauffement climatique mondial à un maximum de 1,5 degré au-dessus des niveaux préindustriels. Pour atteindre cet objectif ambitieux, mais essentiel, il faut réduire de moitié les émissions d’ici 2030 et atteindre zéro émission nette d’ici 2050.

Dans cette perspective, les processus engagés pourraient s’inscrire dans une dynamique extrêmement bénéfique pour la santé, en corollaire de l’engagement du secteur de la santé à réduire ses propres émissions.

Lors de la dernière conférence des Nations Unies sur le climat (COP26) à Glasgow, cinquante pays se sont engagés à développer des écosystèmes de santé à faible empreinte carbone, quand quatorze d’entre eux se sont accordés sur une date cible pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.

 

Mutation des acteurs : les initiatives vertueuses

Bilan carbone zéro : le NHS fait des émules

Les différents facteurs géopolitiques, tels que les modèles de système de santé et la dépendance économique aux énergies fossiles, limitent l’approche universelle.

Aux États-Unis, les dirigeants du secteur de la santé visent une réduction de 50 % des émissions d’ici 2030, mais le NHS britannique a des objectifs plus ambitieux : zéro émission nette d’ici 2040.

Pionnier du « zéro carbone net », il opère la réforme de tout son écosystème :

  • le verdissement de sa flotte de véhicules,
  • la réduction des déchets médicaux,
  • ou encore la construction d’hôpitaux neutres en carbone.

 

Le NHS investit en effet dans des solutions d’ingénierie pour moderniser ses bâtiments. Par exemple, tout dernièrement, le Royal Manchester Children’s Hospital a économisé £80 000 et réduit de 380 tonnes ses émissions de carbone en réalisant des travaux de transformation énergétique.

Il évalue également l’impact carbone des nouveaux modèles de soins dans son programme de transformation numérique.

Enfin, le NHS sensibilise et forme son personnel aux liens entre santé et climat, une initiative adoptée par l’AP-HP avec l’atelier « Plan Health Faire » pour les techniciens hospitaliers.

Ces transitions incitent à revoir les modèles de soins et de paiement, notamment aux États-Unis, où en matière de santé, les dépenses très élevées sont inversement corrélées aux résultats.

À l’instar du NHS, d’autres systèmes de santé internationaux commencent par évaluer leurs émissions totales de gaz à effet de serre pour établir un point de départ et identifier les principales sources d’émissions.

 

Rapport sur le bilan carbone de l’AP-HP

En France, l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a récemment achevé l’évaluation de son empreinte carbone qui révèle son bilan 2019 :

  • L’énergie représentait 12 % de ses émissions totales d’1,2 million de CO2e, soit l’équivalent de 1,2 million d’allers-retours Paris-New York en avion,
  • Les traitements (production et achats de médicaments, dispositifs médicaux, matériel médical à usage unique, gaz anesthésiques) constituaient 56 % de ses émissions.

Ces données ont permis d’identifier les principales sources d’émissions, facilitant l’établissement et la priorisation d’objectifs publics qui visent la neutralité carbone d’ici à 2050.

L’AP-HP suit le NHS en améliorant la performance énergétique de ses installations à la lumière de la loi ELAN qui encadre l’objectif d’une réduction en deux étapes :

  • de 40 % de la consommation énergétique des hôpitaux d’ici à 2030,
  • puis de 50 % en 2040 et de 60 % en 2050.

 

Quelles perspectives de réduction d’émissions de CO2

La concertation active et engagée autour du changement climatique et des soins de santé conduit les acteurs de la santé à investir dans des stratégies de décarbonation.

Bien que des progrès aient été réalisés, les responsables des secteurs de la santé à l’international ont concentré leurs actions sur l’atteinte de la neutralité carbone dans les Scopes 1 et 2. Mais la majeure partie de la charge carbone repose sur le Scope 3, la chaîne de valeur du secteur de la santé.

C’est l’engagement de toutes les parties prenantes du système de santé qu’il faudra mobiliser pour atteindre cette neutralité dans le Scope 3.

Les entreprises pharmaceutiques qui représentent une part importante des émissions de gaz à effet de serre (de 10 % à 55 % des émissions de gaz à effet de serre) ne seront pas en reste.

De surcroît, pour obtenir des résultats probants, il faudra évaluer les différents niveaux de développement sanitaires sur les territoires nationaux. Un point essentiel pour favoriser une plus grande équité en matière de santé et garantir le bon accès à la couverture sanitaire universelle (CSU ou Universal Healthcare Coverage (UHC), en particulier dans les pays émergents et les États-Unis.

 

Les programmes de soins à zéro émission devront également pouvoir compter sur la mise en place d’infrastructures, de process et de résilience communautaire pour relever les nouveaux défis générés par la crise climatique.

Il est urgent que les acteurs des systèmes de santé internationaux repensent la manière dont leurs soins sont dispensés, ainsi que toutes les infrastructures, les chaînes de fabrication, l’usage et leurs pratiques. La formation des responsables, le management et l’économie de la santé sont au cœur de cette transition vitale. S’inspirer des bonnes pratiques, collaborer à l’international, inventer de nouvelles visions constituent les clés des modèles d’avenir.

 

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