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Quels modèles d’organisation des entreprises industrielles pour s’adapter au monde de demain ?

organisation@Gettyimages

Des années 1980 aux années 2010-15, les modèles d’organisation des entreprises industrielles avaient peu évolué. Ces modèles, fondés sur la logique de business unit et de spécialisation par fonction ou métier ont permis aux entreprises de se mondialiser tout en déployant une approche résolument tournée vers le client.

Mais, depuis les années 2010-2015, sous l’émergence d’une concurrence international exacerbée et de l’avènement des nouvelles technologies (digital, data…), les entreprises globales ont fait évoluer leur modèle organisationnel : spécialisation et concentration de centres de services partagés internes, amaigrissement des fonctions supports au juste nécessaire, professionnalisation des fonctions, approche réellement matricielle, et accroissement du fonctionnement glocal (décision globale / action locale).

Cependant, dans le monde de demain, les modèles du 20ème siècle atteignent leur limite pour répondre aux nouvelles exigences d’agilité décisionnelle, de flexibilité, d’approche transversale des problèmes, comme celui de la réduction des émissions par exemple, ou bien aussi pour répondre aux exigences d’une offre de plus en plus servicielle sur le cycle de vie. L’essor du numérique, et en particulier celui de la maitrise de la donnée, or noir des entreprises de demain, a déjà bouleversé les processus, compétences et modes de travail. Lorsque pleinement déployé, le digital bouleversera aussi les schémas actuels d’organisation, en permettant l’émergence de modèles plus transversaux, multiformes et adaptables à chaque business.

 

Vers une nouvelle donne organisationnelle

Jusqu’alors, tous les modèles d’organisation ont été bâtis pour gérer les actifs de l’entreprise, à savoir des actifs principalement physiques ou humains. C’est la gestion de ces actifs fondamentaux qui a donné lieu aux fonctions. La fonction logistique gère les moyens logistiques (entrepôts, système de transport), la fonction vente, les actifs humains des forces de vente, la fonction production, les actifs industriels (machines, bâtiments…), la fonction R&D, les bureaux d’études, les centres de tests, etc. La révolution de la data entraîne un véritable changement : il va être désormais indispensable de prendre en compte l’actif numérique comme élément structurel de l’organisation des entreprises, en plus des actifs physiques et humains. L’association des actifs physiques et numériques peut en effet donner naissance à de nouvelles plateformes organisationnelles focalisée sur des domaines critiques de l’entreprise (« Offre expérientielle client », « Usage et souveraineté des matériaux », « Utilisation des moyens industriel », « Contrôle à distance des Opérations », etc…), qui s’appuient sur des jumeaux numériques dédiés. Ces plateformes par domaine ont une finalité précise (servir un client, produire, maintenir un savoir-faire, innover…).

A chaque domaine est associé l’ensemble des données qui le décrivent sur tout le cycle de vie de l’objet en question (création, utilisation, évolution, fin de vie…) et les indicateurs de performance que l’entreprise souhaite améliorer, via le jumeau numérique. Ces plateformes sont transversales aux différentes fonctions et métiers de l’entreprise, et impliquent également les clients, les fournisseurs et les partenaires, qui ont accès aux données du domaine via une représentation virtuelle commune. Depuis quelques années, dans les entreprises, des plateformes de données commencent à émerger, mais peu ont réellement mis en place un modèle en plateformes organisationnelles, plutôt que le modèle classique en fonction et/ou Business Unit. Certaines entreprises, comme Michelin, ont fait récemment basculer leur organisation et quitté le modèle en Business Unit pour adopter un modèle qui se rapproche davantage des organisations en plateformes, avec des équipes pour les lignes produits, d’autres pour les opérations ou l’engineering, etc. Les modèles constitués de plateformes organisationnelles spécialisées sur leur domaine, à l’instar d’une organisation cellulaire, permettront de profiler des organisations radicalement différentes et multiformes de ce que nous connaissons aujourd’hui. Elles seront résolument agiles, flexibles mais aussi ambidextres.

 

1- Agiles : raccourcir le délai du temps pour agir

De par leur taille humaine, leur dimension locale, leur pluridisciplinarité et leur accessibilité à toutes les données, les plateformes organisationnelles ont la capacité d’agir très rapidement et de rendre l’entreprise extrêmement agile. La pandémie de Covid-19 a montré combien la rapidité dans la prise de décision était essentielle. La vitesse à laquelle des entreprises ont développé des nouveaux produits (vaccins, respirateurs…) montre le potentiel qui ne demande qu’à être exploité. On parle alors de « edge organization », par analogie au « edge computing » où le temps de latence (pour prendre une décision) est court car l’intelligence est proche de l’exécution. En l’occurrence, avec une plateforme, la majeure partie des décisions sont prises en temps réel par subsidiarité, seule l’information utile est remontée au central.

 

2- « Plateformes flexibles » : la capacité à absorber les chocs et à se reconfigurer rapidement

L’organisation en plateformes peut rendre le modèle beaucoup plus flexible. La plateforme, bénéficiant d’une réelle latitude sur son domaine, a la capacité de choisir son mode de fonctionnement, notamment en décidant de faire ou de faire faire (« make or buy »). Quel dirigeant n’a pas rêvé, un jour, de supprimer tous ses coûts fixes et de n’avoir plus que des coûts variables ? De même, si tout le « delivery administratif et transactionnel » est assuré par une plateforme mutualisée au service de toutes les plateformes locales, celles-ci ont dès lors une bien meilleure flexibilité pour réallouer leurs ressources en fonction de la demande.

Par ailleurs, la structure « cellulaire » des plateformes offre une très grande flexibilité. Il est très facile, en effet, de créer une nouvelle plateforme ou d’en scinder une en deux, par exemple (une plateforme produit qui se scinde en deux sous-segments), pour s’adapter à une évolution de marché. Autre source de flexibilité : la capacité de traiter avec d’autres plateformes internes ou externes, des partenaires ou des free-lances à distance. Cette organisation dite « liquide » permet de se redimensionner en fonction des besoins et des évolutions. Ces futures structures agiront presque sans coûts fixes. En termes d’efficience, si l’on prend une entreprise typique d’aujourd’hui, la transformation vers un modèle intégralement en plateformes doit permettre de réduire de 30 à 50 % le coût de fonctionnement de toute la structure.

 

3- Ambidextre : une organisation davantage multifacette

Les plateformes qui constitueront ces futures organisations pourront prendre différentes formes, au sein d’une même entreprise. Certaines, pour favoriser la créativité et l’innovation, peuvent adopter une organisation « plate » très collaborative avec peu de hiérarchie, à la manière des modèles en équipes autogérés, privilégiant la culture essai-erreur. D’autres pourront adopter un modèle hypernormatif et hypercentralisé, tout écart étant immédiatement identifié par le digital et toute décision contrôlée en central, afin d’avoir un modèle standardisé mondialement. Beaucoup combinent finalement ces deux extrêmes : approche de responsabilisation locale… avec en parallèle une prise de décisions plus centralisée que jamais.

Cette logique de plateformes offrira beaucoup plus de diversité dans le choix des modèles d’organisation. Par exemple, le modèle « start-up géante », constitué de cellules hyper innovantes, ou encore le modèle « delivery monster », capable de livrer le même service partout dans le monde, ou encore l’innovateur en écosystème glocal, avec une stratégie produit mondiale fabriqués localement, etc. Ces organisations nécessiteront aussi un leadership beaucoup plus horizontal et collaboratif. Contrairement à la logique big bang des année 80 (e.g. reengineering des processus, mise en place des business unit), la plateformisation des organisations est une transformation évolutive, incrémentale, qui combine connaissance, technologie et maturité des compétences. Donc une transformation peu visible extérieurement. C’est pourquoi on assistera à une forte polarisation entre les entreprises qui mèneront réellement cette transformation et celles qui n’y parviendront pas, créant ainsi un insidieux écart de compétitivité à terme.

Tribune rédigée par Max Blanchet, directeur exécutif responsable monde de la practice Supply Chain & Operations et  Cédric Vatier, directeur exécutif responsable des activités Strategy & Consulting pour la région France et Benelux

Max Blanchet             

              

Cédric Vatier

 

 

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