De nos jours, l’entrepreneuriat féminin n’est plus ni une exception ni un sujet de niche, mais une force de transformation qui s’affirme de plus en plus.
Une contribution de Thibaud Artur, CEO et Fondateur d’Angel
Une dynamique féminine engagée, mais encore en sous-régime
Selon l’Insee en 2024, 42% des entreprises créées en France l’ont été par des femmes, contre 33% en 2014. Cette progression constante témoigne d’un basculement générationnel, avec un investissement entrepreneurial dans tous les secteurs, des services à impact social à la technologie.
Au-delà des chiffres, ce sont les profils, les ambitions et les pratiques qui évoluent. Une nouvelle génération de fondatrices incarne un leadership différent : plus collaboratif, plus résilient et plus attentif aux enjeux sociétaux et environnementaux. Elles défendent, loin des modèles traditionnels de croissance, des visions d’entreprise combinant dimension identitaire et performance économique. Ce mouvement est d’autant plus précieux qu’il s’accompagne d’une transformation des imaginaires collectifs économiques, dans lequel évolue, change et se diversifie ce que représente une “fondatrice”.
Mais si l’élan est bien là, les dynamiques de croissance restent entravées par des freins structurels encore trop institutionnalisés.
Des freins systémiques qui ralentissent l’accès à la croissance
Les entrepreneures font encore et toujours face à des freins structurels qui limitent leur accès à la croissance. En 2024, les start-ups fondées par des femmes n’ont levé que 814 millions d’euros, contre 38,3 milliards pour celles créées par des hommes, soit à peine 2 % des fonds levés, selon les données de Pitchbook. Ce déséquilibre s’explique par des biais d’évaluation, un manque d’investisseurs sensibilisés, et une sous-représentation des femmes dans les postes clés du capital-investissement.
Le manque de rôles modèles féminins visibles contribue à l’isolement et freine les ambitions. Ce phénomène s’observe particulièrement dans les secteurs comme la deeptech, l’IA ou l’industrie, avec les 11,4% des financements de la deeptech qui reviennent à des start-ups avec au moins une femme fondatrice (Étude EIT sur les fondatrices de startups dans le monde des Deeptech). De plus, seuls 15 % des partenaires de fonds VC sont des femmes, ce qui limite l’accès aux bons réseaux.
S’ajoutent à cela des contraintes sociales persistantes : charge mentale, conciliation des temps et normes culturelles qui pèsent sur le leadership. Ces freins ne bloquent pas nécessairement l’élan entrepreneurial, mais ils en réduisent inévitablement l’impact. Une transformation systémique est donc nécessaire pour libérer pleinement ce potentiel, avec l’IA comme levier stratégique à explorer.
L’intelligence artificielle : un accélérateur d’autonomie entrepreneuriale
Des leviers tels que l’intelligence artificielle représentent une opportunité majeure pour alléger certains obstacles auxquels font face les entrepreneures. En facilitant des tâches complexes comme la rédaction d’un business plan, la gestion comptable ou la recherche d’aides étatiques, l’IA agit comme un véritable partenaire entrepreneurial. Conversationnelles et accessibles sans arrêt, sans jugement ou filtre social, elles offrent un accompagnement personnalisé aux femmes qui n’ont pas accès aux réseaux traditionnels. L’IA permet de gagner en efficacité, en clarté stratégique, mais surtout en autonomie.
Loin de remplacer l’humain, elle se positionne en renfort, à la fois méthodologique et psychologique, dans un parcours souvent marqué par la solitude ou la surcharge. En rendant l’accès à l’entrepreneuriat plus fluide, l’IA ouvre un nouveau champ des possibles. À condition d’être pensée comme un outil au service des fondatrices, elle peut accélérer leur impact et, par répercussion, celui de toute l’économie entrepreneuriale.
Une stratégie IA combinée à l’entrepreneuriat féminin : un levier économique pour la France
Allier entrepreneuriat féminin et intelligence artificielle, c’est aussi miser sur un levier puissant de croissance et de justice économique. Selon une étude de McKinsey datant de 2015, atteindre l’égalité économique entre les sexes pourrait ajouter jusqu’à 10 % au PIB français d’ici 2040, soit environ 200 milliards d’euros supplémentaires. Pour cela, il est crucial que les femmes ne soient pas seulement utilisatrices de l’IA, mais surtout actrices de sa conception : en participant au développement des outils, produits ou services, répondant à des besoins concrets souvent ignorés.
Des solutions pensées par et pour des entrepreneures, telles que des aides à la levée de fonds, des IA juridiques, ou des outils de pilotage, sont déjà en cours de développement. Mais pour pouvoir obtenir une large diffusion, une réelle volonté politique est primordiale. Les collectivités, incubateurs et réseaux d’accompagnement doivent impérativement intégrer ces technologies dans leurs offres, en particulier pour les femmes éloignées du numérique ou situées hors des grands centres urbains. Si l’IA peut amplifier les inégalités, elle peut aussi les corriger si l’on en fait un outil d’inclusion.
Un changement de paradigme, et non pas un rattrapage de retard
Il ne s’agit donc plus de combler un retard sociétal, mais de changer de modèle. L’entrepreneuriat féminin, soutenu par les bons outils technologiques, peut devenir le pilier d’un nouveau modèle économique : plus inclusif, plus agile et plus durable. L’intelligence artificielle ne doit pas être perçue comme une simple innovation technique, mais comme un levier d’émancipation et de transformation sociale. Encore faut-il que son développement et son déploiement soient pensés pour servir l’ambition des fondatrices. Valoriser les trajectoires féminines, ouvrir l’accès aux outils d’aide à la création et former les réseaux d’accompagnement sont les conditions non négociables pour que l’IA tienne ses promesses.
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