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La Fin Programmée De L’Horloge Biologique

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La clinique RBA est située dans la banlieue d’Atlanta, c’est là que sont développées les stratégies et les offres de Prelude Technology. Pour les visiteurs, cette clinique ressemble à tous les autres centres médicaux : salles d’examens, murs peints de couleurs pastel…

Derrière ces murs, les équipes sont penchées sur des microscopes dans de grands laboratoires, d’autres travaillent sur des ordinateurs entourés de grands incubateurs et de salles de stockages remplies de containers de Cryo-préservation. Chaque container est rempli de nitrogène liquide afin de garder les embryons et les ovocytes bien au frais (-200 degrés Celsius).

 

Oeuf fécondé - Source Pixabay
Oeuf fécondé – Source Pixabay

 

Il y a encore peu de temps aux Etats-Unis, le nombre de femmes qui avait choisi de congeler leurs ovocytes afin de se soustraire à leur horloge biologique était encore faible (6200 en 2014). C’est après les annonces par Apple et Facebook qui ont proposé à leurs employées des congélations d’ovocytes en guise de prime ou quand certaines célébrités (comme Sofia Vergara ou Kim Kardashian) ont clairement annoncé qu’elles avaient utilisé ce procédé que la demande a explosé.

Il ne fait aucun doute que chez une femme encore jeune l’extraction d’ovocyte a les meilleurs résultats -en quantité comme en qualité. Chez RBA, le docteur Zsolt Peter Nagy, qui est également un des pionniers de cette technique confirme que l’extraction des ovocytes chez une femme de 32 ans permet de générer entre 15 et 20 ovocytes ce qui peut se transformer en 10 à 14 ovocytes fécondés pour donner ensuite 4 à 8 embryons implantables. Chez une femme de 40 ans, le nombre d’ovocytes récolté varie entre 4 à 15 pour terminer avec 3 embryons maximum voire parfois aucun. Une FIV pratiquée à partir d’ovocytes récoltés à 32 ans a 50% de chances de déboucher sur une naissance alors qu’à partir d’ovocytes récoltés quand la patiente a 42 ans, le pourcentage de réussite tombe à 20.

 

Mais cette idée doit aussi faire face à de nombreuses critiques car même si l’extraction des ovocytes est sans danger la plupart du temps, l’intervention nécessite des injections d’hormones qui peuvent avoir des effets secondaires et dans certains cas, peu fréquents, conduire à l’hospitalisation des patientes. Cela est dû au fait que certaines hormones injectées aux Etats-Unis n’ont jamais été approuvées pour l’extraction d’ovocytes. Selon Marcy Darnovsky, directrice du Center for Genetics & Society, la critique est sans appel : «Le risque à long terme va de moyen à très sévère et pire que tout, les risques à long terme sont encore méconnus car aucune étude n’a vraiment été faite sur ce sujet. ».  Pour d’autres, cette industrie fait volontairement l’abstraction de la sécurité au profit de l’argent.

Les coûts sont aussi très dissuasifs car la majorité des ovocytes congelés ne sera pas utilisée. En 2014 seulement 1,6 % des bébés nés aux États-Unis ont été conçus par FIV (selon la SART après une étude qui a couvert plus de 90% des cliniques). Mais se focaliser sur les coûts nous fait passer à côté des réels problématiques car les jeunes femmes ne congèlent pas leurs ovocytes dans le but d’une FIV dans le futur, elles les congèlent pour avoir une sécurité -comme je l’expliquais : plus une police d’assurance- qui leur permettra de se détacher de la pression de leur horloge biologique. Elles pourront ainsi se focaliser sur leur carrière aussi librement que les hommes. Cette option de congeler leurs ovocytes leur permettra de ne pas faire de compromis dans leurs choix de vie jusqu’à ce qu’elles décident de concevoir un enfant. Si ces femmes n’ont pas besoin de leurs ovocytes congelés pour procréer, le coût de leur stockage aura été celui de leur tranquillité d’esprit.

Leila Janah, une entrepreneuse de la Silicon Valley  de 33 ans nous explique qu’elle se sent totalement libérée de ces problématiques depuis qu’elle a pris la décision de faire congeler ses ovocytes. Pour elle, les femmes dans le milieu professionnel font face à de nombreuses problématiques, pas uniquement en ce qui concerne la réussite de leur carrière mais aussi pour leur construction personnelle : « Si nous voulons que les femmes participent et s’impliquent complètement dans une activité professionnelle, nous avons besoin de leur garantir qu’elles auront une famille quand elles le voudront » nous explique t’elle.

 

Martin Varsavsky est tout à fait conscient qu’il s’engage sur un marché émotionnellement très compliqué mais il est poussé par la conviction que les offres actuelles d’aide à la conception sont insuffisantes – que les femmes stériles ne puissent avoir souvent qu’un seul enfant après des traitements longs et pénibles mais veut leur permettre d’en avoir autant qu’elles le souhaitent.

Prélude Fertility est encore une petite structure, si l’on fait abstraction des employés de la clinique RBA et de My Egg Bank, avec juste cinq employés qui ont tous été touchés personnellement par les problèmes de stérilité, ce qui donne vraiment un sens à leur implication, pour eux « mission » dans la société. Pour Tia Newcomer, la directrice commerciale de Prelude Fertility : « Ce sont avec nos émotions que nous faisons notre travail ici. ». Elle aussi a été personnellement touchée par la conception assistée car son mari, qui a subi à un cancer, n’avait pas pensé à congeler son sperme quand il a été diagnostiqué à 18 ans. Ils ont donc été forcés de rechercher un donneur de sperme pour avoir leurs enfants

Installé dans les bureaux d’Allison Johnson au parc Presidio de San Francisco qu’il utilise comme quartier général temporaire, Martin Varsavsky finalise sa campagne marketing en prévision du lancement de Prelude. Il s’est donné comme objectif de travailler sur l’évangélisation et l’éducation du marché plutôt que de s’appuyer sur la crainte des femmes de ne pas être mère. Cela veut dire encourager les femmes et leur gynécologues obstétriciens à faire régulièrement tester les dosage de l’hormone antimüllérienne (AMH) dont le niveau permet de déterminer leur capacité à concevoir. Il envisage une expansion nationale en développant un réseau de cliniques sélectives qui proposeront la méthode Prélude. Cette campagne de lancement est prévue pour ce mois-ci et Martin Varsavsky est confiant : « Le concept de Prelude va être un succès, si nous échouons, ce sera parce que nous n’avons pas réussi à ce que les Millenials se projettent concrètement dans leur avenir».  Il faut cependant garder en tête que les Millénials sont justement bien connus pour obtenir ce qu’ils veulent quand ils le veulent, alors pourquoi cela serait différent quand il s’agit de procréation ? « Les consommateurs ont maintenant le choix de la procréation grâce à Martin » nous déclare  Anne Wojcicki, la fondatrice et CEO de l’entreprise 23andMe qui est aussi l’amie du fondateur de Prelude Fertility.

Une étude récente ne s’est pas inquiétée de savoir si c’était ou non une bonne idée que les femmes jeunes congèlent leurs ovocytes mais c’est posé la question de savoir quel était le meilleur moment pour le faire ! Le docteur Tolga Mesen pense qu’avant de donner une réponse, il faut intégrer de nombreuses variables comme les taux de mariages, de naissances, de fausses couches et même les coûts engagés afin de déterminer la probabilité de succès et le potentiel d’utilisation des ovocytes congelés. Alors que de nombreuses femmes n’auront jamais besoin de congeler leurs ovocytes, le docteur Mesen est certain que ce procédé peut changer la vie de nombreuses autres femmes. L’âge idéal pour pour y avoir recours? Entre 31 et 33 ans.

Un âge parfait pour permettre à Martin Varsavsky  de faire de sa septième startup la plus belle de toutes… si les femmes américaines achètent le concept.

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