Forbes France a échangé avec Charles Kantor, entrepreneur visionnaire et cofondateur de H Company, pour discuter de sa mission de réinventer l’IA et d’amener des solutions intelligentes au service des professionnels et du grand public. H Company vient tout juste de dévoiler ses premiers agents IA, marquant ainsi une étape importante dans le développement de la société. De ses débuts en mathématiques à la création d’agents IA, Kantor nous dévoile son parcours et sa vision de l’avenir de l’intelligence artificielle.
Fondée fin 2023 à Paris par Charles Kantor et quatre anciens chercheurs de DeepMind, H Company a rapidement émergé comme un acteur majeur de l’intelligence artificielle en France. En mai 2024, la startup a réalisé une levée de fonds exceptionnelle de 220 millions de dollars, plaçant H Company parmi les plus valorisées du secteur, aux côtés de Mistral AI et Poolside. Cette levée a attiré des investisseurs de renom tels qu’Amazon, Samsung, Eric Schmidt, Xavier Niel, Eurazeo et Aglaé Ventures. L’ambition de H Company est de développer des agents IA dits « agentiques », capables non seulement de comprendre, mais aussi d’agir dans des environnements complexes, transformant ainsi les processus métiers.
Forbes France : Vous êtes le cofondateur et le CEO de H Company. Quel a été le déclic qui vous a poussé à créer cette entreprise ?
Charles Kantor : Je suis Français à la base, passionné de mathématiques, notamment de théorie de la mesure et des probabilités. Très jeune, je m’interrogeais sur la manière de mesurer des choses infiniment grandes, ce qui reste fascinant pour moi. Quand j’étais adolescent, je faisais aussi du tennis à haut niveau, participant à plus de 100 matchs par an. J’ai atteint un niveau semi-professionnel, mais à un moment donné, je devais choisir entre les études et le sport, et c’est là que les premières décisions importantes ont été prises.
Depuis toujours, j’ai eu des activités entrepreneuriales. Au lycée, j’avais créé une plateforme de trading. Ensuite, j’ai imaginé un projet pour interagir comme Snapchat, mais avec la voix. En 2016, avec l’arrivée du deep learning, j’ai vu un énorme potentiel pour quantifier, générer et comprendre du contenu. Quand je suis allé à Centrale, j’ai travaillé sur des projets d’IA pour classifier la faune et la flore, un projet fascinant qui m’a poussé à explorer encore plus profondément le domaine.
Mon rêve était de travailler à la Silicon Valley, et j’ai eu la chance d’être accepté à Stanford. J’y ai rencontré des gens brillants et découvert les “transformers” (ndlr : type d’architecture de réseau neuronal introduit en 2017 pour révolutionner la manière dont les systèmes d’IA comprennent et génèrent le langage humain). C’est là que j’ai eu une conviction personnelle : au-delà des prédictions, l’IA va franchir un cap, celui de l’action.
Quand H Company a démarré, il y avait cette idée de créer un modèle d’action pour l’IA. C’était un pari audacieux, car l’écosystème IA en France était loin d’être aussi avancé qu’aux États-Unis. Mais j’étais convaincu qu’il y avait un écosystème français à développer.
Vous avez récemment dévoilé vos premiers agents IA. Pouvez-vous nous en dire plus ?
C. K. : Nous avons développé trois types d’agents pour commencer :
- Runner : C’est un agent qui interagit avec des applications. Il peut envoyer des mails, entrer des informations dans Word ou Excel, automatiser des tâches sur Notion, Slack ou Google Drive. Il peut aussi interagir avec d’autres agents, un peu comme un chef d’orchestre qui coordonne des actions à travers différents outils.
- Surfer : Cet agent est capable de naviguer sur le web comme un humain. Il peut planifier un parcours de navigation, cliquer sur des liens, scroller et interagir avec des pages. Nous avons aussi développé une version interne qui permet de naviguer sur un ordinateur.
- Tester : C’est un agent destiné à l’assurance qualité et aux tests produits. Il génère des tests automatiquement pour des sites web, des applications ou des produits, ce qui représente un gain de temps énorme. On n’a plus besoin de faire ces tests manuellement.
Surfer est déjà disponible via Amazon, et la semaine prochaine, il sera aussi accessible via Nvidia. Il a l’avantage d’être “API-agnostic”, c’est à dire que l’agent interagit visuellement avec les interfaces, et n’a pas besoin d’API ou de connexion particulière.
Vous avez mentionné que l’IA doit passer à l’étape de l’action. Comment l’intégrez-vous dans des cas d’usage concrets ?
C. K. : Le but est de sortir de l’IA purement prédictive pour arriver à une IA qui exécute des tâches. Par exemple, dans le domaine de l’assurance qualité, un agent comme Tester permet de générer des tests automatiquement au lieu de les faire à la main. C’est un énorme gain de temps et cela donne aux professionnels des superpouvoirs.
Nous visons surtout des secteurs où l’impact peut être colossal en termes de productivité. Nos agents sont conçus pour interagir avec plusieurs applications et orchestrer des tâches complexes. Nous pensons que l’IA peut avoir un impact majeur sur le monde du travail, en particulier dans des métiers où l’efficacité est cruciale.
Que pensez-vous de la place de la France dans la course mondiale à l’IA ?
C. K. : La France a longtemps été en retard par rapport à des acteurs comme Nvidia ou AMD dans la production de puces. Les États-Unis et la Chine dominent ce secteur. En revanche, nous pouvons importer des puces et créer des infrastructures concurrentielles. Il n’y a pas de raison que nous ne puissions pas mener la danse dans le domaine des agents IA. Chez H Company, nous montrons qu’on peut se différencier, à la fois par nos produits et par notre infrastructure. Je crois fermement que la France peut être plus qu’un simple suiveur dans le domaine de l’IA. Nous avons le potentiel, la créativité et les talents pour réussir.
La France a été aussi un peu en retard avec des projets comme LLAMA, mais encore une fois, sur le terrain des agents IA, il n’y a aucune raison qu’on ne soit pas compétitifs. H Company prouve qu’il est possible de se différencier, non seulement par les produits, mais aussi par l’infrastructure. Elon Musk a décidé de créer son propre supercluster d’1M GPU, et je pense qu’en France, nous pouvons aussi le faire. C’est une question de volonté et de croire en nos capacités.
Vous avez évoqué l’importance de l’interaction avec l’IA dans le futur du travail. Comment imaginez-vous cela dans 2 à 5 ans ?
C. K. : Nous allons voir émerger des “dompteurs d’IA”, ceux qui sauront tirer parti de cette technologie pour en faire un outil puissant dans leur quotidien professionnel. La capacité à prompter de manière claire et efficace deviendra une compétence clé sur le marché du travail. Dans les années à venir, les outils d’IA seront de plus en plus autonomes et capables de s’orchestrer eux-mêmes, mais il sera crucial de comprendre comment les utiliser correctement pour maximiser leur efficacité.
Dans deux à cinq ans, l’IA sera beaucoup plus intégrée dans nos vies professionnelles. On assistera à une révolution des usages, où l’IA sera omniprésente pour automatiser, planifier et exécuter des tâches. La valeur ajoutée en termes de productivité sera déjà évidente, et il y aura une forte demande pour des professionnels capables de comprendre et de guider cette technologie.
Quels conseils donneriez-vous aux entrepreneurs qui se lancent dans l’innovation technologique ?
C. K. : Il faut avant tout faire preuve de résilience. L’entrepreneuriat, c’est un chemin semé d’embûches. Il est essentiel de croire en ses convictions, tout en étant capable de se remettre en question et de s’adapter. L’écosystème français est en pleine transformation, et c’est une grande opportunité pour les entrepreneurs. Il ne faut jamais abandonner, même lorsque les obstacles semblent insurmontables. Cela peut être un long parcours, mais avec des convictions solides, tout devient possible.
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