Grâce à un système législatif qui applique une version souple et moderne de la charia, la société dubaïote s’avère résolument « women friendly ». Notamment dans l’univers de l’entreprise et de la tech. Enquête et portraits de quatre femmes qui participent au « miracle émirien ».
Un article écrit par Yves Derai, issu du numéro 31 du magazine Forbes.
Si, comme le dit et l’écrit l’économiste Jacques Attali, toutes les époques ont eu leur « centre du monde », la nôtre a sans doute choisi Dubaï. Géographiquement déjà, ce petit émirat se situe à moins de huit heures d’avion de quatre continents, l’Asie, l’Europe, l’Afrique et l’Océanie. Ses deux aéroports connectent une centaine de compagnies aériennes sur 269 destinations. Seule l’Amérique lui est éloignée. Cette situation de hub mondial contribue fortement à son expansion vertigineuse qui se matérialisera bientôt dans l’érection d’un nouvel aéroport susceptible de recevoir 250 millions de personnes par an !
Ensuite, il y a les choix politiques du cheikh Al Maktoum. Après avoir lancé Dubaï dans les années 80 grâce à la fête et son corollaire, l’acceptation de l’alcool pour les étrangers, ce leader visionnaire a opéré un virage stratégique impressionnant : business first. Qui dépasse largement son cadre fiscal, très favorable aux entreprises, avec 0 % d’impôt sur le revenu et 5 % de TVA. En effet, tout l’écosystème est conçu pour rendre l’implantation des grands groupes à Dubaï très avantageuse, tant au niveau des infrastructures que sur le plan des ressources humaines. Dubaï a d’ailleurs été classée 9e destination la plus tendance par Mastercard.
Des networks bien organisés
Depuis quelques années, l’émirat s’est aussi doté des outils lui permettant d’organiser l’épanouissement des start-up. Alia Al Mur, porte-parole de la fondation du Futur, connait parfaitement le sujet, la jeune femme étant elle-même au cœur d’un dispositif qui ne cesse de progresser.
« La Dubai Future Foundation a été l’une des premières dans la région à initier des programmes d’accélérateurs dirigés par le gouvernement grâce au lancement de Dubai Future Accelerators. Ce modèle a réuni des startups et des entités gouvernementales pour établir de nouveaux partenariats tout en co-créant des solutions dans des conditions réelles. C’est une occasion puissante tant pour le secteur public que pour les startups, d’évoluer avec nos cadres réglementaires au rythme des transformations mondiales. Des initiatives comme Sandbox Dubai poursuivent cet élan en fournissant un environnement réglementaire de test favorable pour que de nouvelles technologies et modèles d’affaires soient expérimentés de manière responsable et à grande échelle – faisant de Dubaï l’un des environnements les plus agiles et prêts pour l’avenir au monde.. »

Cette politique audacieuse qui soutient le rayonnement de Dubaï à l’international intègre aussi une dimension sociale et même sociétale susceptible d’attirer les talents du monde entier, Dubaï voulant être le paradis des « expats », constituant 90 % de la population de l’émirat. Celle-ci a récemment atteint les 5 millions d’habitants et ambitionne de doubler ce chiffre d’ici une vingtaine d’années. Dans ce cadre dont l’attractivité ne cesse de croître, une dimension est passée sous silence : Dubaï est devenu l’espace le plus « women friendly » de la région, notamment dans l’univers des affaires. On trouve des femmes dans toutes ses strates, aussi bien parmi les experts que les leaders. Pour quelle raison ? La réponse est unanime et c’est sans doute Nadine Mezher, Venture Partner chez Antler, qui l’exprime le mieux : « J’ai travaillé dans beaucoup de pays de la région que je ne citerai pas mais aucun n’a une attitude aussi respectueuse et bienveillante que les EAU [Émirats arabes unis] à l’égard des femmes », explique-t-elle.

Malgré un rapport à la loi islamique qui reste important dans les émirats, les femmes sont considérées comme les égales des hommes dans les réunions, rendez-vous d’affaires et autres processus de décision, contrairement à certaines idées reçues. La tenue vestimentaire elle-même n’est pas impactée par l’environnement religieux.
« Je ne porte pas de voile mais je m’habille sobrement lorsque j’ai des rendez-vous business, explique Stéphanie Reichenbach, présidente-fondatrice du groupe touristique Nara. Comme je le ferais si j’étais en Europe ou aux États-Unis. Dans ce genre de situation, je ne m’imagine pas, où que ce soit, en minijupe et décolleté plongeant. Ce ne serait pas professionnel et cela ne me correspond pas. »
Même son de cloche du côté d’Agnès Lopez-Cruz, directrice de la chambre de commerce France-EAU, qui note de son côté qu’il existe plusieurs réseaux de femmes d’affaires très dynamiques aux EAU.
« Il y a une centaine de nationalités présentes à Dubaï, rappelle-t-elle, et donc les networks sont très transversaux. Le Dubaï Business Women Council, par exemple, marche très bien. Nous-mêmes, à la CCFEAU, nous avons notre propre réseau dans lequel on retrouve aussi bien l’épouse de l’ambassadeur de France aux EAU qu’une princesse émirienne. »
La sécurité, un élément clé
Au sommet de la pyramide, le gouvernement donne l’exemple en organisant la parité parmi ses ministres. Des quotas ont aussi été instaurés dans les boards d’entreprise et aux postes exécutifs ; il n’est pas rare de croiser d’authentiques « power girls ». Comme Amel Chadli, présidente de Schneider Electric sur la zone Afrique/Moyen-Orient (Voir portrait).
« Je ne vois pas de différence entre les hommes et les femmes quand j’arrive dans un comité de direction, assure-t-elle. Les discussions sont très fluides, personne n’a jamais contesté mon leadership parce que je suis une femme. » Elle ajoute dans un éclat de rire : « Pourtant, je ne suis même pas ingénieure, je viens de la finance ! »
Ce rapport aux femmes spécifique aux émirats participe de la vision du cheikh Al Maktoum qui souhaite attirer des talents dans tous les domaines, scientifiques, culturels ou entrepreneuriaux. En clair, quand une femme vient travailler à Dubaï, c’est souvent une famille qui s’installe. L’émirat doit donc être prêt à cet accueil. « La première chose qui nous a attirés, c’est la sécurité, explique Loulou Khazen, consultante pour les start-up et podcasteuse à succès. Je peux sortir seule à n’importe quelle heure sans être embêtée. Nos enfants sont tranquilles, c’est très important pour moi. »
La qualité des écoles est aussi vantée par les expatriés pour qui l’environnement pédagogique est une priorité. « Les diplômes qu’ils obtiennent ici leur permettront par la suite d’intégrer les meilleures universités dans le monde », précise Loulou Khazen. Pour revenir, in fine, travailler à Dubaï ? Possible, surtout s’il s’agit de jeunes femmes…
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