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TikTok et sa maison-mère chinoise : que va-t-il advenir des autres applications ?

TikTok
Le logo TikTok en premier plan, et le président américain Donald Trump en arrière-plan. Source : Getty Images
La législation américaine impose l’interdiction de CapCut, Gauth, Lemon8, Coze et de nombreuses autres applications appartenant à ByteDance, sauf si elles sont cédées dans le cadre de l’accord TikTok annoncé hier par le président américain Donald Trump.

Il semble que la solution choisie par Donald Trump pour limiter l’influence culturelle chinoise via les applications ne soit pas une rupture totale entre TikTok et sa société mère, ByteDance. Il s’agit plutôt de vendre une participation majoritaire dans les activités américaines de TikTok, en respectant les restrictions imposées par la législation chinoise.

Lors d’une conférence de presse hier après-midi, le président Trump a signé un décret autorisant la cession de cette participation majoritaire à un consortium d’investisseurs américains largement proches de lui.

Cette vente forcée fait suite à plusieurs années de controverses, après que des scandales ont révélé que les données personnelles des utilisateurs américains de TikTok étaient facilement accessibles aux employés de ByteDance en Chine, et que certains d’entre eux utilisaient l’application pour surveiller des journalistes de Forbes afin de réduire au silence les lanceurs d’alerte divulguant des informations sur l’entreprise.

Lors de la conférence de presse, Trump et d’autres responsables de la Maison Blanche ont toutefois laissé sans réponse plusieurs questions cruciales sur la forme exacte que prendra l’accord. (Le vice-président américain J.D. Vance a indiqué que des détails supplémentaires seraient communiqués « dans les jours à venir ».)


L’une des interrogations principales concerne le sort des autres applications détenues et exploitées par ByteDance aux États-Unis. Ces applications sont soumises à la même législation qui a contraint ByteDance à vendre TikTok sous peine d’interdiction, et elles rencontrent un grand succès. CapCut, application de montage vidéo très populaire, compte plus d’un milliard de téléchargements sur l’App Store d’Apple. Gauth, une application d’aide aux devoirs pour les enfants dès 4 ans, est actuellement la meilleure application éducative de l’App Store et affirme avoir déjà aidé plus de 200 millions d’élèves.

Bien que les boutiques d’applications ne publient pas les téléchargements par région, CapCut représente une part suffisamment importante du portefeuille américain de ByteDance pour que l’entreprise envisage de créer une version spécifique aux États-Unis, au cas où elle serait incluse dans la vente.

Au cours des neuf derniers mois, le président américain Trump a ordonné à son département de la Justice d’ignorer la loi qui interdirait ces applications, tout en tentant de négocier la vente forcée de leur homologue plus connue. Si les applications ne font pas partie d’un accord, la question reste toutefois de savoir si Trump continuera à ignorer le mandat du Congrès ou s’il finira par appliquer une interdiction qui mettrait fin à leur présence aux États-Unis. Ni la Maison Blanche ni ByteDance n’ont répondu à une question sur le sort des applications au moment de la publication.

Lors de la conférence de presse, le vice-président J.D. Vance a affirmé : « Cet accord signifie que les Américains peuvent continuer à utiliser TikTok, mais avec plus de confiance qu’auparavant, car leurs données seront sécurisées et ne seront pas utilisées comme outil de propagande contre nos concitoyens. »

Pourtant, certains restent sceptiques, estimant que l’accord ne résout pas entièrement les problèmes de confidentialité des données ni la menace de propagande. Il devrait toutefois contribuer à améliorer la protection des données à l’avenir : à notre connaissance, ByteDance n’aura plus accès aux informations des utilisateurs de TikTok une fois la vente finalisée. En revanche, la Maison Blanche n’a pas précisé ce qu’il adviendra des données déjà collectées par ByteDance, et ses responsables ont tenu des propos contradictoires concernant le contrôle du moteur de recommandation de la plateforme.

La loi stipule qu’après la vente, le nouveau TikTok (et toute autre application issue de cette transaction) ne devra entretenir « aucune relation opérationnelle » avec ByteDance, y compris pour le fonctionnement de l’algorithme de recommandation. Mais l’algorithme qui alimente la page « Pour toi » ne fera pas partie des actifs transférés : ByteDance continuera à le détenir, et le nouveau TikTok américain devra acheter une licence pour l’utiliser.

Dans le développement logiciel, les licences peuvent être très variées. Certaines sont très ouvertes, laissant au licencié une grande liberté sur le code ; d’autres imposent des restrictions sur ce qui peut être modifié. Pour le moment, on ne sait pas encore quel type de licence sera appliqué dans ce cas.

Pour être légale, la vente forcée doit correspondre à ce que le Congrès considère comme une cession approuvée. Mais le Congrès a laissé au président le soin de décider si une vente remplit ce critère, un point que les partisans de l’accord ont souligné à plusieurs reprises ces derniers jours : « C’est à lui de décider ! »

Les sceptiques doutent que l’accord suffise à rompre complètement les liens entre le nouveau TikTok et ByteDance, surtout que Trump avait demandé à son département de la Justice d’ignorer cette loi pendant les neuf premiers mois de son premier mandat.

Trump était initialement favorable à l’interdiction de TikTok avant de changer d’avis. En fait, lors de son premier mandat, il fut le premier président à exiger que ByteDance vende TikTok aux États-Unis sous peine d’interdiction. Le président Joe Biden a ensuite repris cette position, et le Congrès a adopté à une large majorité une loi la confirmant. Ce n’est qu’après cette adoption, alors que Trump briguait un second mandat, qu’il a promis de « sauver TikTok » de la loi qui menaçait de l’interdire.

L’annonce de la vente intervient dans un contexte de consolidation médiatique sans précédent. Ces derniers mois, l’administration Trump a tenté d’exercer un certain contrôle sur les médias via des poursuites judiciaires et des autorisations légales historiquement non partisanes. Au début de l’année, Paramount, société mère de CBS News, a fusionné avec Skydance, fondée par David Ellison, fils de Larry Ellison, le fondateur d’Oracle. (Oracle devrait faire partie du consortium qui achètera TikTok aux États-Unis dans le cadre de la vente imposée par Trump.)

Pour finaliser cette fusion, Paramount avait besoin de l’accord de la FCC (Commission fédérale des communications) sous l’administration Trump. Quelques jours avant d’obtenir cette autorisation, la chaîne a annulé l’émission du comédien Steven Colbert, connu pour se moquer souvent de Trump. Colbert et son partenaire de longue date, Jon Stewart, ont dénoncé cette décision comme une tentative de la chaîne de se mettre dans les bonnes grâces du président.

L’année dernière, Trump a poursuivi ABC News (propriété de Disney), affirmant que la chaîne l’avait diffamé lorsqu’un commentateur avait qualifié de viol un jugement civil le concernant pour abus sexuel sur l’écrivaine E. Jean Carroll. Même si l’argument de Trump contre la chaîne était faible, ABC News a préféré conclure un accord à l’amiable, versant 15 millions de dollars au président élu. La semaine dernière, en réponse à une menace voilée du président de la FCC, Brendan Carr, ABC News a suspendu le comédien Jimmy Kimmel, un autre satiriste critiquant fréquemment Trump. Ce dernier s’est réjoui de cette suspension, affirmant (en apparente violation du Premier amendement) que les chaînes devraient perdre leur licence si elles le critiquaient trop.

Dans ce contexte, certains commentateurs redoutent que l’accord conclu par Trump avec TikTok ne constitue une tentative de contrôler un nouvel acteur médiatique par l’intermédiaire de ses alliés politiques. Parmi les investisseurs qui devraient prendre le contrôle des activités américaines de TikTok figurent Oracle, la société de capital-risque Andreessen Horowitz et Lachlan Murdoch, dirigeant de Fox News. S’ils façonnaient TikTok pour refléter leurs opinions politiques, à l’instar de ce qu’Elon Musk a fait avec X, ils pourraient profondément transformer un acteur central du débat public américain.

Lors de la conférence de presse, Trump a déclaré qu’il rendrait le contenu de la plateforme « 100 % MAGA si je le pouvais, mais malheureusement, ce ne sera pas possible ».

On ignore si les nouveaux dirigeants de TikTok chercheront à modifier la politique éditoriale de la plateforme. Une telle démarche risquerait de déplaire aux utilisateurs, d’effrayer les annonceurs et de réduire les revenus : les entreprises ne peuvent influencer la diversité des opinions sur leurs plateformes qu’à certaines limites avant de perdre leur audience.

Mardi, Jimmy Kimmel a relancé son émission nocturne, après une série d’annulations sur Disney+ et un mouvement sur TikTok où les superfans de Disney critiquaient la société.

 

Un article de Emily Baker-White pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie


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