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Tesla : les fonds de pension pointent du doigt Musk et son conseil d’administration

Musk
Elon Musk tient une conférence de presse avec le président Donald Trump à la Maison Blanche pour la fin de son mandat spécial au gouvernement supervisant le service DOGE, le 30 mai 2025. Getty Images

Une nouvelle enquête sur le moral des consommateurs révèle que la majorité d’entre eux préférerait voir un autre dirigeant à la tête du constructeur de véhicules électriques.

 

La semaine dernière, Elon Musk est apparu à la Maison Blanche aux côtés du président Donald Trump, lors d’une cérémonie marquant la fin de son mandat controversé à la tête de l’initiative fédérale DOGE de suppression d’emplois. Mais si cette page se tourne, les dégâts causés à son image — et à celle de Tesla — par ses prises de position politiques risquent, eux, de perdurer.

Pour certains des plus grands actionnaires de Tesla, le problème ne vient pas uniquement d’Elon Musk, mais de ceux qui le laissent faire. Des syndicats puissants comme l’American Federation of Teachers (AFT) — qui représente 1,8 million de membres et dont les fonds de pension pèsent près de 4 000 milliards de dollars d’actifs, dont 8,8 milliards en actions Tesla — pointent du doigt le conseil d’administration du constructeur. « Les gens n’aiment pas Elon Musk », déclare Randi Weingarten, présidente de l’AFT, au magazine Forbes. « Ces derniers mois, notre position est claire : le conseil d’administration doit faire son travail. Le secteur financier aussi. Il est temps que chacun prenne ses responsabilités en matière de gouvernance chez Tesla. »


« Assurez-vous qu’il est à la hauteur. Sinon, trouvez un autre PDG », déclare-t-elle. Randi Weingarten et l’American Federation of Teachers (AFT) intensifient la pression. Le syndicat a interpellé les gestionnaires des principaux fonds de pension publics ainsi que des géants de l’investissement comme BlackRock, Fidelity, Vanguard, T. Rowe Price et TIAA. Objectif : les pousser à réévaluer leurs participations dans Tesla et à exiger du conseil d’administration qu’il reprenne la main. « Nous ne voulons pas que Tesla échoue. Si cela arrive, des millions de retraités perdront une partie importante de leurs économies », alerte Randi Weingarten. Avant de marteler : « Si vous voulez que Musk reste, assurez-vous qu’il soit vraiment présent. Ne le laissez pas s’éparpiller dans des activités annexes. Soit il s’implique, soit il faut un autre PDG. »

Les inquiétudes grandissent aussi du côté des autorités publiques. En avril, neuf trésoriers et contrôleurs d’État ont adressé une lettre à Robyn Denholm, la présidente du conseil d’administration de Tesla, pour alerter sur les risques encourus par les fonds publics si l’entreprise vacille à cause d’une gouvernance défaillante. « Aucun autre PDG d’une entreprise cotée n’aurait pu se désengager aussi ouvertement de ses responsabilités quotidiennes », dénonce Michael Frerichs, trésorier de l’Illinois et signataire de la lettre. « Et si un dirigeant s’était livré à des activités personnelles ternissant aussi gravement l’image de l’entreprise, aurait-il bénéficié de la même indulgence ? »

CalPERS, le plus grand fonds de pension public des États-Unis — qui gère les retraites des fonctionnaires californiens — n’a pas souhaité commenter directement la situation de Tesla. Il a simplement rappelé que ses placements « suivent une stratégie indicielle optimisée à l’aide de modèles systématiques et quantitatifs » et « ne sont pas dictés par les événements d’une période isolée ». Il n’empêche : le fonds a vendu 4,5 millions d’actions Tesla au troisième trimestre 2024. Lors de sa dernière déclaration annuelle, il détenait encore 9,4 millions de titres, valorisés à 3,2 milliards de dollars au 3 juin.

L’action Tesla a reculé de 2,9 % mercredi, à 332,05 dollars. Depuis le début de l’année, elle a perdu près de 18 %.

Depuis des années, Elon Musk jongle entre ses fonctions de PDG de Tesla et ses responsabilités à la tête de SpaceX, X, The Boring Company, Neuralink et xAI. Cependant, sa participation à l’administration Trump semble avoir porté un coup plus dur que les autres, à l’image de Tesla. Manifestations dans les magasins, véhicules vandalisés, installations dégradées : la marque paie le prix fort de ses engagements politiques.

Un sondage mené en mai par l’institut GBAO, basé à Washington, révèle que 55 % des 2 000 Américains interrogés ont une opinion négative de Musk. Tesla, de son côté, arrive en bas du classement des marques auprès des personnes ayant acheté — ou envisageant d’acheter — un véhicule électrique. Plus révélateur encore : 51 % des sondés disent qu’ils auraient une meilleure image de l’entreprise si Elon Musk quittait la direction. « Quand on observe l’évolution de l’opinion publique vis-à-vis de Musk et de la marque, notamment chez les personnes qu’elle cible, on a l’impression que le mal est fait. Ses chiffres sont catastrophiques », constate Margie Omero, directrice de l’institut GBAO, qui a supervisé l’enquête d’opinion sur Musk et Tesla.

Elon Musk a récemment annoncé qu’il prenait ses distances avec son rôle au sein de l’initiative fédérale DOGE, une décision qui semble avoir rassuré Wall Street. Depuis le 21 avril, le titre Tesla a bondi de plus de 50 %, dopé par les espoirs d’un retour à une direction plus stable alors que l’entreprise s’apprête à lancer, ce mois-ci à Austin, un programme pilote de robotaxis.

Musk a même semblé prendre ses distances avec Donald Trump, qu’il soutenait jusqu’alors, en qualifiant mardi d’« abomination répugnante » le projet de budget surnommé « Big Beautiful » en raison du déficit massif qu’il creuserait.

Mais pour Margie Omero, il est encore trop tôt pour dire si ces gestes suffiront à redorer l’image du milliardaire. « Il peut dire qu’il s’éloigne, mais son rôle aux côtés de Trump — qu’il a aidé à élire puis soutenu dans la mise en œuvre de ses politiques — ne va pas disparaître du jour au lendemain », avertit Margie Omero. Son institut, GBAO, qui se concentre principalement sur un électorat progressiste, souligne que la majorité des clients de Tesla et des acheteurs de véhicules électriques s’identifient plutôt comme démocrates. « En observant l’évolution des opinions à l’égard de Musk et de la marque chez cette clientèle cible, on constate une cassure qui semble irréversible. Les chiffres sont très mauvais. »

« La marque Tesla a été profondément fragilisée, tout comme celle d’Elon Musk — en réalité, les deux sont étroitement liées », renchérit Brooke Lierman, contrôleur de l’État du Maryland et signataire de la lettre envoyée en avril à Robyn Denholm, présidente du conseil d’administration de Tesla. L’agence de retraite du Maryland détient actuellement près de 175 millions de dollars d’actions Tesla via des fonds communs. « En tant que responsable du suivi des performances de notre portefeuille de retraite, je m’assure que l’argent durement gagné par nos retraités est investi de manière responsable, dans des entreprises dont les conseils d’administration inspirent confiance et s’engagent dans des pratiques de gouvernance rigoureuses », ajoute-t-elle.

Le comportement de Musk et ses prises de position controversées sur les questions sociales ne datent pas d’hier. Tout a commencé en 2018, lorsqu’il a affirmé à tort avoir sécurisé des fonds pour privatiser Tesla. La même année, il a traité un critique de « pedo guy », ce qui l’a conduit devant la justice dans un procès en diffamation. En 2020, lors d’une conférence téléphonique sur les résultats, il a qualifié de « fascistes » les mesures sanitaires d’urgence mises en place au début de la pandémie de Covid-19. Plus récemment, il a fait un geste ressemblant à un salut nazi lors d’un rassemblement pro-Trump et, en février, il a brandi une tronçonneuse sur scène lors d’un événement politique conservateur. Des révélations récentes sur sa consommation de drogues, notamment de kétamine et d’Adderall, n’ont fait qu’aggraver son image.

Robyn Denholm, présidente du conseil d’administration de Tesla, n’a pas souhaité répondre aux demandes de commentaire. Quant à Randi Weingarten, Michael Frerichs et Brooke Lierman, ils affirment ne pas avoir obtenu de réponse à leurs lettres adressées au conseil. L’AFT, par la voix de Weingarten, envisage même une action en justice contre ce dernier, sans décision finale pour l’instant. « Musk a infligé d’énormes dommages à la marque Tesla et à sa réputation », déclare Weingarten. « Si les conseils d’administration ne prennent pas leurs responsabilités, les fonds de pension externes, y compris ceux qui nous soutiennent, tenteront de les contraindre à agir. »

 

Un article de Alan Ohnsman pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie


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