Entrés en vigueur le 1er août, les droits de douane de 15 % imposés par les États-Unis sur une large part des exportations européennes bousculent les équilibres industriels. Des groupes européens comme Mercedes-Benz, Sanofi ou Pernod Ricard jusqu’aux géants américains General Motors ou Whirlpool, les effets se font déjà sentir des deux côtés de l’Atlantique.
Signé le 27 juillet entre Donald Trump et Ursula von der Leyen, l’accord commercial rebat les cartes du commerce transatlantique. En taxant à 15 % près de 70 % des produits européens exportés vers les États-Unis, la nouvelle politique tarifaire fragilise des pans entiers de l’économie, notamment dans l’automobile, la pharmacie, les biens de consommation et les technologies. En retour, certaines entreprises américaines voient leurs coûts grimper, leurs chaînes logistiques se tendre, et les marges se réduire. Si aucune mesure de rétorsion européenne n’a été mise en œuvre, un mécanisme de contre-mesures est désormais validé par Bruxelles en cas de durcissement unilatéral. Tour d’horizon des groupes les plus exposés à ce choc tarifaire.
Les entreprises européennes les plus impactées
Volkswagen (Allemagne)
Le groupe allemand subit de plein fouet les nouveaux tarifs. L’impact tarifaire direct est estimé à 1,3 milliard d’euros pour le premier semestre 2025. Cette hausse pèse lourdement sur ses marges nord-américaines et l’oblige à revoir à la baisse ses prévisions annuelles. Traton, sa filiale poids lourds, prévoit une baisse de 5 à 10 % de ses ventes, en particulier aux États-Unis.
Sanofi (France)
Avec près de 50 % de son chiffre d’affaires réalisé aux États-Unis, Sanofi est l’un des groupes pharmaceutiques européens les plus exposés. Les importations pharmaceutiques représentent la première catégorie de biens européens achetés par les États-Unis (600 milliards de dollars en 2024). Le coût estimé des nouveaux tarifs pour le secteur européen est compris entre 13 et 19 milliards de dollars. Sanofi demande des dérogations ciblées pour ses traitements de fond.
Stellantis (France / Italie)
Le constructeur prévoit un impact tarifaire compris entre 350 millions de dollars et 1,5 milliard d’euros sur l’ensemble de l’année 2025. Contrairement à ses concurrents allemands, Stellantis reste très dépendant de la production en Europe pour les modèles vendus aux États-Unis. Des suspensions temporaires de production au Canada et au Mexique ont été décidées pour ajuster les flux.
BMW (Allemagne)
BMW anticipe un surcoût de 1 milliard d’euros en 2025. Sa stratégie logistique mixte (production en Allemagne, Mexique et USA) limite légèrement l’impact direct, mais les modèles haut de gamme importés restent pénalisés. Le constructeur envisage de renforcer ses lignes américaines pour ses SUV.
- Mercedes-Benz (Allemagne)
Moins exposé grâce à son usine de Tuscaloosa (Alabama), Mercedes-Benz subit néanmoins un impact estimé à 418 millions de dollars, en particulier sur les modèles haut de gamme produits en Allemagne. Le constructeur a révisé sa marge cible à la baisse pour son activité automobile (4–6 %).
Rémy Cointreau, Pernod Ricard, Campari, Diageo (France, Italie)
En 2024, l’UE a exporté l’équivalent de 9 milliards d’euros vers les États-Unis, dont près de 5 milliards pour les vins, et 5,1 milliards pour les spiritueux et liqueurs. Face à cette réalité structurelle, les grands noms du secteur comme Rémy Cointreau, Pernod Ricard, Campari ou encore Diageo se retrouvent en première ligne. Selon une analyse de Bernstein relayée par le Wall Street Journal, 29 % du chiffre d’affaires net de Rémy Cointreau provient des spiritueux européens exportés vers les États-Unis. Le ratio est également significatif pour Campari (11 %), Pernod Ricard (10 %) et Diageo (5 %). Le tarif de 15 % affecte directement les volumes exportés et les marges, surtout sur les gammes premium. La France, exportatrice massive de ces produits, devrait se retrouver à la peine.
- Aston Martin (Royaume-Uni)
Le constructeur britannique a lancé un avertissement sur résultat : le tarif et le repli de la demande en Chine provoquent une quasi disparition du bénéfice en 2025. La marque reste extrêmement dépendante des exportations vers les marchés hors UE.
Heineken (Pays Bas)
Bien que les États-Unis ne représentent qu’environ 3 % de son chiffre d’affaires, Heineken est affecté par la flambée des prix de l’aluminium importé, taxé à 25 % depuis avril. Cette hausse pèse sur les coûts d’emballage, notamment pour les canettes, même lorsque la bière est brassée localement. Depuis l’annonce du nouvel accord transatlantique, l’incertitude tarifaire a fait chuter le titre de plus de 6 % en bourse. Le groupe a également signalé une baisse de volume d’environ 1,2 % en Europe au second trimestre, en partie liée à la pression sur ses marges internationales.
- L’Oréal (France)
L’Oréal a annoncé un repli vers une croissance de 2,4 % au T2 2025, à 10,74 milliards €, légèrement en dessous des attentes. Le groupe importe environ 30 % de ses ventes américaines et a qualifié le nouvel accord tarifaire de « coûteux », envisageant de demander des exemptions spécifiques via les institutions européennes. Il prévoit un impact de 35 à 40 points de base sur sa croissance annualisée, et étudie l’extension de ses quatre usines américaines pour limiter l’exposition aux droits de douane.
- Philips (Pays‑Bas)
Initialement inquiet, Philips a finalement revu à la baisse son estimation d’impact (150–200 millions d’euros), après l’obtention de traitements différenciés pour certains équipements médicaux. L’entreprise réorganise ses chaînes de valeur pour limiter l’exposition.
Les 15 % de droits de douane américains ne frappent pas seulement les entreprises exportatrices européennes, mais se répercutent aussi en chaîne sur les industriels américains. Selon le Washington Center for Equitable Growth, les coûts de fabrication pourraient augmenter de 2 % à 4,5 %, pesant sur des chaînes de valeur incluant les secteurs de l’AI et de l’électronique, avec risque de compression des salaires ou de fermetures d’usines dans des régions comme le Michigan ou le Wisconsin.
Les entreprises américaines les plus impactées
General Motors
Avec 49 % de ses véhicules assemblés à l’étranger, GM est le groupe américain le plus touché. Il a déjà perdu 1,1 milliard de dollars au T2 2025 à cause des nouvelles taxes et estime son impact annuel entre 4 et 5 milliards. Le groupe a lancé un plan d’investissement industriel massif pour rapatrier une partie de sa production.
Stellantis North America
La branche américaine de Stellantis importe environ 35 % de ses véhicules depuis le Canada et le Mexique. L’effet tarifaire est évalué à 350 millions de dollars, notamment sur les marques Jeep, Dodge et Chrysler. Le groupe ajuste ses capacités aux États-Unis pour répondre à la pression.
Whirlpool Corp.
L’entreprise a vu ses bénéfices trimestriels chuter de 40 %, conséquence directe d’un surstockage précipité avant l’entrée en vigueur des tarifs. Ses composants et matériaux importés d’Europe sont désormais taxés, compressant les marges. Whirlpool envisage des rationalisations et des relocalisations partielles.
D’Addario & Company
Fabricant d’instruments de musique, D’Addario dépend fortement de matières premières importées comme le roseau cultivé en France ou en Argentine, aujourd’hui taxé à 10 % et menacé d’une hausse. Le groupe a vu sa facture tarifaire passer de 700 000 dollars à 2,2 millions en 2025, et a mis en place une cellule de crise pour gérer cette instabilité.
Autres PME importatrices
De nombreuses petites entreprises américaines comme MicroKits LLC (kits électroniques éducatifs), Genova Pipe (fournitures en plastique), FISH USA (matériel de pêche), V.O.S. Selections (vins européens) ou Terry Cycling (équipements sportifs) dépendent d’intrants européens ou asiatiques désormais taxés. Elles subissent des hausses de prix non anticipées, une pression sur leur trésorerie et un manque de visibilité. Certaines demandent des exonérations sectorielles temporaires.
L’accord du 27 juillet a permis d’éviter une escalade commerciale frontale entre Bruxelles et Washington, en plafonnant les droits de douane à 15 %. Mais il ne garantit pas une paix durable. L’Union européenne a formellement validé un dispositif de contre-mesures commerciales pouvant s’appliquer sur 93 milliards d’euros de biens américains. Ce mécanisme reste inactif pour l’instant, mais pourrait être déclenché en cas de rupture d’équilibre.
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