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Surtaxe, CVAE, Dutreil… les mesures du budget 2026 qui redessinent la fiscalité des entreprises

Hausse de la surtaxe sur les grandes entreprises, incertitudes autour du Pacte Dutreil, suppression accélérée de la CVAE… Le projet de loi de finances 2026 risque de changer les rapports entre l’État et les entreprises. Derrière la rigueur affichée, un nouvel équilibre s’installe entre responsabilité budgétaire et survie du secteur privé.

En 2026, le gouvernement veut reprendre la main sur les comptes publics. L’objectif affiché est de ramener le déficit à 4,7 % du PIB, puis repasser sous les 3 % d’ici 2029. Pour y parvenir, Bercy promet près de 40 milliards d’euros d’économies et un « rééquilibrage de l’effort » entre l’État, les ménages et les entreprises.

Mais derrière le choix de la rigueur se joue une réalité politique plus complexe. Comment freiner la dépense sans briser la dynamique économique ? C’est dans ce dilemme que tentent de s’inscrire les principales mesures du budget 2026.

 

Les grands groupes sous le couperet de la surtaxe

Il s’agit de l’amendement le plus explosif du budget 2026. Sous la pression des députés, le gouvernement a relevé la surtaxe sur les bénéfices des grandes entreprises. Le taux pour les sociétés réalisant plus de 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires montera donc à 35,3 %, contre 20,6 % dans le texte d’origine. Le nouveau rendement sera donc porté à 6 milliards d’euros, soit 2 milliards de plus que prévu.


Mais si le compromis voulu par Bercy épargne les ETI, la pilule reste amère pour les grands groupes. L’Association française des entreprises privées (Afep), qui regroupe les 117 plus grandes sociétés du pays, dénonce « un reniement de l’engagement du gouvernement à limiter cette disposition dans le temps » et prévient que « les orientations adoptées affecteront les projets d’innovation et d’investissement ».

Ce débat politiquement houleux a révélé des fractures au sein même de la majorité : Gabriel Attal, désormais président du groupe Renaissance à l’Assemblée, a voté contre l’amendement, tandis que plusieurs députés du même bord se sont abstenus. La gauche, quant à elle, a salué « un premier pas vers plus de justice fiscale ». Il est clair que l’État cherche de nouveaux leviers de recettes, et cette fois, les grands groupes devront en assumer le coût.

L’article 11 du budget, à l’inverse, apporte une respiration fiscale avec la suppression accélérée de la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), désormais fixée à 2028. C’est une victoire pour le patronat, qui y voit un signal favorable à l’investissement dans un contexte d’incertitude.

Une autre mesure prépondérante a été votée : la prolongation jusqu’à 2030 des exonérations fiscales pour les entreprises implantées dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Inscrite à l’article 12, elle répond à une logique d’équité territoriale – maintenir un levier d’emploi dans les zones les plus fragiles tout en évitant une rupture brutale de soutien. Ces deux mesures traduisent la volonté du gouvernement de cibler les soutiens là où l’effet économique est mesurable.

 

Un pacte Dutreil au bord de la réforme

Au cœur du débat budgétaire, le sort du Pacte Dutreil, dispositif phare pour la transmission des entreprises familiales, est un autre dossier qui divise. Instauré en 2003, celui-ci permet aux héritiers de bénéficier d’une exonération de 75 % des droits de succession sous condition de conserver l’entreprise et d’y exercer une fonction pendant plusieurs années.

Mais dans un rapport récent, la Cour des comptes a pointé son coût élevé, soit 5,5 milliards d’euros, et son efficacité « discutable ». Dans un budget où chaque milliard compte, le dispositif devient une cible potentielle de réduction des dépenses. Ceux qui défendent le Pacte Dutreil ne cachent pas leur inquiétude.

« Ce n’est pas une niche fiscale ou un avantage fiscal, assure Arlette Darmon, notaire chez Monassier & Associés, auprès de 20 Minutes. Sans ça, plein d’entreprises mettraient la clé sous la porte. ».

Du côté du gouvernement, la ligne reste complexe. Le ministre des PME, Serge Papin, temporise dans La Tribune dimanche :

« On ne peut pas fermer les yeux sur certains abus manifestes, […] Le Pacte Dutreil reste un pacte de confiance entre les entreprises familiales et la nation. ».

Un amendement déposé par la majorité prévoit d’élargir le dispositif aux salariés repreneurs de TPE, tout en resserrant les conditions pour les transmissions familiales. Il devrait être examiné au début de la semaine prochaine. L’équilibre demeure donc fragile, à l’heure où près de la moitié des entreprises familiales françaises devraient changer de main d’ici 2033, selon Bpifrance.

 

Rigueur contre compétitivité

En ajoutant la hausse de la surtaxe sur les bénéfices à la réduction des niches fiscales et à l’éventuelle révision du Pacte Dutreil, le gouvernement s’expose à un risque : pénaliser les acteurs les plus contributifs tout en comptant sur le secteur privé pour soutenir la croissance.

Pour le gouvernement Lecornu II, l’objectif est de recentrer les aides publiques sur les dispositifs jugés efficaces, comme la transition écologique, l’innovation ou la réindustrialisation, quitte à rogner sur ceux dont l’impact économique est jugé compliqué.

Mais dans les faits, la contraction de la dépense publique et le gel du barème de l’impôt sur le revenu pourraient peser sur la demande intérieure et freiner l’activité des PME. « La consolidation budgétaire ne doit pas se transformer en asphyxie productive. », met en garde la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) dans un communiqué.

 

La fin du pilotage automatique pour les entreprises

Le budget 2026 incarne un véritable changement de méthode :

  • Les grands groupes contribueront davantage via la surtaxe ;
  • Les ETI bénéficieront d’un allègement partiel ;

  • Les PME et entreprises familiales voient leur avenir suspendu aux débats sur le Pacte Dutreil ;

  • Les entreprises implantées dans les QPV profitent d’une visibilité prolongée jusqu’en 2030.

Il s’agit donc d’un budget de sélectivité dont les effets redistributifs s’annoncent conséquents. Pour le gouvernement, ce nouveau budget n’est pas celui de la récession, mais celui du réalignement. L’Hexagone cherche à concilier exigence budgétaire et attractivité économique, sans toutefois détruire la dynamique entrepreneuriale.

Mais en appuyant trop fort sur la surtaxe et en fragilisant certains dispositifs de transmission, le gouvernement prend le risque de briser la confiance entre l’État et les entreprises. Dans un contexte où la croissance plafonne à 1 %, la stabilité réglementaire et fiscale vaut désormais autant qu’une baisse d’impôt.

 


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