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Stellantis dans le dur en Europe alors que la guerre des droits de douane fragilise les constructeurs automobiles

Stellantis
Logo de Stellantis. | Source : Getty Images

Après que de grandes entreprises telles que Stellantis ont publié leurs résultats financiers et leurs prévisions pour le reste de l’année, les investisseurs ont fait preuve de confiance quant à l’avenir de leurs investissements, estimant que le pire était désormais derrière eux, du moins pour un temps.

 

Cependant, aujourd’hui, le monde est plongé dans la tourmente par les droits de douane imposés par le président américain Donald Trump et un facteur clé pour évaluer une grande entreprise qui fait du commerce international a été compromis. Si vous ne connaissez pas les prix que vous pouvez pratiquer, vous perdez le contrôle d’un élément clé et votre capacité à prévoir la rentabilité est détruite.

C’est la raison pour laquelle Stellantis, après avoir annoncé une baisse de 14 % de son chiffre d’affaires au premier trimestre (35,8 milliards d’euros) par rapport à la même période l’année dernière, a déclaré ne faire aucune prévision concernant ses bénéfices pour l’année. Stellantis publie ses résultats tous les six mois, et non tous les trimestres.

Stellantis n’était pas le seul constructeur automobile dans ce cas. Mercedes a retiré ses prévisions de bénéfices pour l’année, tout comme Geely, propriétaire de Volvo Cars. Volkswagen a annoncé une baisse de 40 % de ses bénéfices au premier trimestre (3,1 milliards de dollars) par rapport à la même période l’année dernière et une baisse de sa marge bénéficiaire globale de 6 % à 3,7 %.

Volkswagen a déclaré que ses bénéfices avaient été affectés par les incertitudes liées aux droits de douane imposés par Donald Trump et que ses bénéfices pour l’année se situeraient dans la fourchette basse de son objectif de 5,5 % à 6,5 %. De plus, le constructeur automobile allemand a déclaré que les éventuelles répercussions des droits de douane imposés par le président américain n’étaient pas prises en compte dans ses prévisions. BMW n’a pas encore publié ses résultats financiers pour le premier trimestre.

Stellantis est actuellement sans dirigeant, en difficulté financière et soumis à une forte pression pour opérer des changements radicaux. Son PDG, Carlos Tavares, a démissionné en décembre. Un nouveau dirigeant devrait être nommé d’ici la fin du mois prochain.

La marge opérationnelle de Stellantis en 2024 était de 5,5 %, en forte baisse par rapport aux 12,8 % de 2023. Avant les droits de douane imposés par Donald Trump, Stellantis avait déclaré ne pas s’attendre à une amélioration significative en 2025. Les ventes en Europe ont chuté de 7,3 % pour atteindre environ deux millions en 2024, dans un marché global en hausse de 0,8 % selon l’ACEA. La part de marché s’élevait à 15,2 %, derrière le leader Volkswagen et ses multiples marques qui détenaient 26,3 %.

Carlos Tavares a orchestré la fusion entre Fiat Chrysler et le groupe français PSA en 2021, réunissant ainsi 14 marques. Bon nombre de ces marques sont concurrentes sur le même marché, notamment Citroën, Peugeot, Fiat, Vauxhall et Opel sur le marché européen grand public. Lancia, DS, Alfa Romeo et Abarth se positionnent dans le secteur premium, tandis que Dodge, Ram, Jeep et Chrysler sont présentes aux États-Unis. Le célèbre constructeur italien de voitures de sport Maserati figure en tête de liste.

Selon les analystes, il existe une grande marge de manœuvre pour supprimer des marques et réduire les effectifs.

« Le portefeuille de produits obsolète de l’entreprise est un problème persistant qui l’oblige à se lancer dans un cycle agressif de lancement de produits avec 20 nouveaux modèles prévus. Si cette décision est nécessaire pour retrouver sa compétitivité, elle comporte des risques importants, notamment des problèmes de qualité et des retards de production », a déclaré Orwa Mohamad, analyste chez Third Bridge, un cabinet d’études financières.

Les activités européennes de Stellantis constituent une cible vulnérable face à la nouvelle concurrence chinoise.

« Stellantis est confronté à une menace importante de la part des constructeurs chinois de véhicules électriques en Europe, malgré les droits de douane récemment imposés pour protéger les constructeurs automobiles locaux. Les marques chinoises ont rapidement comblé leur retard en matière de qualité des produits, de technologie et de rentabilité, ce qui les rend très compétitives sur les segments du marché grand public où Stellantis est présent », a déclaré Orwa Mohamad.

D’autres analystes s’accordent à dire que Stellantis a besoin de temps pour se stabiliser. En Europe, les marques les plus menacées sont Lancia, Alfa Romeo et DS. Citroën, Peugeot, Fiat, Opel et Vauxhall se disputent les mêmes clients. Au moment de la fusion, cela ne semblait pas poser de problème. Depuis, le marché global s’est contracté, tandis que la concurrence s’est intensifiée avec l’arrivée des constructeurs chinois. Une rationalisation semble inévitable.

Dans un rapport évoquant « quelques points positifs dans un contexte très incertain » au premier trimestre, le cabinet d’analyse Bernstein indique que Stellantis ajuste sa production et cherche à améliorer son approvisionnement afin d’atténuer l’impact des droits de douane. Bernstein a indiqué que parmi les surprises positives du trimestre figurait le prix de vente moyen des véhicules aux États-Unis, à 44 300 euros, soit 1,0 % de mieux que prévu, tandis qu’en Europe, il s’établissait à 23 800 euros, soit 6,1 % au-dessus des estimations des experts.

Selon Orwa Mohamad, Stellantis a toujours des problèmes de stocks et de positionnement de marque aux États-Unis.

« Avec Ford et d’autres concurrents qui doublent leurs gammes de SUV et de camions, Stellantis devra prendre des mesures audacieuses en matière de marketing et de personnalisation pour rester dans la course », a-t-il déclaré.

« À l’avenir, Stellantis sera confronté à un “moment critique” au cours des six à douze prochains mois, qui nécessitera d’importants ajustements stratégiques. Des mesures de réduction des coûts, un meilleur alignement de la production sur la demande et l’amélioration des stratégies en matière de logiciels et d’électrification seront essentiels », a affirmé Orwa Mohamad.

Les experts s’interrogent sur la durée de la crise tarifaire.

Le président américain vise à conclure 90 accords commerciaux pendant une pause de 90 jours sur ses droits de douane réciproques annoncée au début du mois d’avril. Selon Reuters, son gouvernement a répété à plusieurs reprises qu’il négociait des accords commerciaux bilatéraux avec des dizaines de pays.

La position commerciale agressive de Donald Trump a eu des répercussions sur l’économie mondiale depuis son retour au pouvoir en janvier, et la pause de 90 jours a été annoncée après que les craintes de récession et d’inflation ont plongé les marchés financiers dans la tourmente, a indiqué Reuters dans un rapport publié depuis Washington.

 

Une contribution de Neil Winton pour Forbes US, traduite par Flora Lucas


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