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Roland-Garros : Pourquoi Le Marché Des Courts En Terre Battue Frémit

Le tennis sur terre battue est un luxe recherché mais un casse-tête financier pour les clubs.

Alors que le tournoi de Roland Garros est sur le point de s’achever, *le marché de la construction et de la réfection des courts en terre battue va être porté par une aide à l’équipement de la FFT et une demande croissante portée par le ‘tennis santé’. Mais la concurrence va rester rude sur ce segment du marché des équipements de tennis, où le pur court en terre traditionnelle devrait rester un luxe.

Promenez-vous dans n’importe quel club de tennis en France, vous verrez les pratiquants nourrir la même impatience aux premiers jours du printemps : jouer, enfin, sur les « terre », pour peu que celui-ci en dispose. Les « terre », ce sont les courts en terre battue. Au pays de Roland-Garros, pratiquer le tennis sur cette surface est devenu un luxe. Seuls 13% des 31.566 terrains recensés par la Fédération française de tennis (FFT) sont recouverts du tapis rouge qui a consacré Yannick Noah en 1983, soit environ 4500 dans le pays en comptant les courts privés ou hors système. La plupart des voisins européens de la France affichent des chiffres supérieurs.

Pourtant, la demande frémit à nouveau. « Les gens ont envie de jouer sur terre battue, qui est la vraie surface du tennis » affirme Frédéric Lanvin, directeur du constructeur ETBT à La Gode, près de Nice. Les acteurs que nous avons consultés s’attendent à une hausse de la demande d’ici la fin de la décennie, qu’il s’agisse de construction ou de réfection de courts laissés à l’abandon. Mais il reste difficile d’en mesurer l’ampleur, car l’arrivée de solution alternatives à la vraie terre battue amortit le mouvement.

Passer de 4500 à 6000 courts d’ici 2020

Le confort de jeu procuré par la surface est la première raison de ce coup de boost. Les traumatismes aux chevilles, genoux et cuisses favoris par les surfaces dures qui se sont généralisées depuis les années 1980, ont fait émerger la préoccupation d’un ‘tennis santé’.  « L’âge moyen de la pratique du tennis recule, affirme Frédéric Lanvin. Les licenciés préfèrent le confort de la terre. »

La seconde raison est sportive. Plus lente, donc plus exigeante physiquement et tactiquement, la terre battue forme de meilleurs joueurs. La FFT estime que l’absence de victoire française à Roland-Garros depuis 34 ans a un rapport direct avec la rareté de la terre dans les clubs qui forment les petits joueurs français. « Nous voulons atteindre un taux de 20 à 25% des courts le plus rapidement possible », nous dit Stephan Post, vice-président de la FFT. « L’objectif, c’est 6000 terres à l’horizon 2020 », a entendu Didier Dupond, directeur de Supersol, la société qui équipe Roland-Garros.

La majorité portée par le nouveau président Bernard Giudicelli, élu le 18 février, a repris à son compte l’objectif déjà porté par son prédécesseur Jean Gachassin. « La promotion du tennis sur terre battue fait partie du programme du nouveau président, confirme Stephan Post. Nous allons être plus incitatifs sur la construction des courts en surface traditionnelle. » A partir du 1er octobre, le schéma directeur du développement de la pratique du tennis en France va ouvrir un budget de 4 millions d’euros d’aide à l’équipement pour les clubs, en partenariat avec les régions. Il ne sera pas uniquement consacré à la terre battue, mais il tranche avec les 1,5 million de la précédente période.

40.000 euros le court, puis l’entretien annuel

Si les esprits sont mûrs pour une reconquête de la terre battue dans les clubs français, les finances le sont moins. « Depuis trois ou quatre ans, il y a un fort engouement pour la terre battue artificielle, témoigne Frédéric Lanvin. Les subventions communales sont en baisse et les clubs n’ont plus les moyens d’entretenir la terre traditionnelle ». La différence entre terre artificielle et terre traditionnelle est énorme. La terre artificielle n’est rien d’autre que la pose d’une couche de brique pilée sur un terrain en béton poreux. La terre traditionnelle est une superposition complexe de matériaux très réceptifs aux conditions météo. Un court en terre artificielle coûte entre 18.000 et 45.000 euros selon l’état du sol, mais son coût d’entretien est quasi nul, pour une capacité de jeu permanente. Un court en terre traditionnelle est facturé 40.000 euros. Mais il n’est utilisable que six mois au mieux (avril – septembre) et son entretien annuel coûte entre 2500 et 10.000 euros selon les lieux.

La construction et la rénovation des infrastructures de tennis représente un chiffre d’affaires de 785 millions d’euros pour les équipementiers (B2C, B2B et construction rénovation), soit 36% de l’économie française du tennis, selon un rapport de la FFT paru en 2015. « Les aides de la FFT vont nous donner un coup de main et faciliter des ouvertures sur certains travaux, témoigne Stéphane Lambry, directeur général de SLTE à Sannois (Val d’Oise). Mais d’expérience, le marché n’est pas soumis à de grosses variations liées à des effets de mode, plutôt aux budgets des clubs, et ceux-ci souffrent avec la baisse des moyens des municipalités. » Stéphane Lambry a créé SLTE en janvier 2016, après une carrière à Supersol, le fabricant des courts de Roland-Garros, racheté par le groupe Atalian.

Concurrence accrue et solutions alternatives

Frédéric Lanvin a construit plus de trente courts neufs la saison dernière. « Mais c’est grâce au marché de l’Académie Mouratoglou, précise-t-il. Certaines années, il n’y a pas plus d’une ou deux constructions à faire. » L’homme qui équipe les courts des tournois de Monte-Carlo, Madrid et Istanbul constate aussi que la concurrence s’accroît. Pour aider ses clubs à y voir clair la FFT a labellisé six entreprises reconnues pour leur savoir-faire (ETBT, SLTE, Sportingsols, ST Groupe, Supersol, Val de Loire Environnement). Cela n’empêche pas des groupes polyvalents de construction de revêtements sportifs de s’attaquer à un métier qu’ils maîtrisent moins en pratiquant des tarifs plus attractifs.

En attendant, chaque nouveau court créé représente un petit pas supplémentaire pour le dynamisme du secteur. « La réfection des courts représente 40 à 50% du chiffre d’affaires annuel » affirme Stéphane Lambry. La demande de courts en terre battue soutient aussi la demande de solutions alternatives. ETBT va bientôt finir, dans les Hauts-de-Seine, la pose d’un court de type Red Plus, une nouvelle solution « qui garantit la même souplesse que la terre battue ». La solution combine la pose de brique pilée sur un gazon 100% synthétique coloré en rouge. Rien à voir avec la terre battue en somme.

Luc Magoutier et Cédric Rouquette

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