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Revaloriser les métiers techniques : un défi national pour réussir la renaissance industrielle

La relocalisation, la souveraineté et la transition énergétique dominent aujourd’hui le discours. L’État investit massivement dans la relance industrielle, les projets fleurissent, les ambitions sont là. Mais il manque un maillon clé à ce grand récit : les compétences techniques. Sans électriciens, sans techniciens, sans monteurs, sans câbleurs… pas d’industrie. Pas de chantiers. Pas d’avenir.

Une tribune écrite par Stéphane Noiret, Président du groupe LesBienCâblés

 

La France rêve d’industrie, mais oublie ceux qui la font tourner.

Aujourd’hui, 55 %(1) des recrutements dans l’industrie sont jugés difficiles. Pour certaines fonctions, la situation est pire encore. Prenons les techniciens en maintenance électrique et en automatismes, ils sont en 2e position des recrutements les plus difficiles. Et pourtant, ce sont eux qui rendent les usines opérationnelles, qui permettent aux machines de tourner et aux projets de voir le jour. Ces métiers sont au cœur de notre souveraineté industrielle.

Le problème, c’est que les petites entreprises le vivent déjà au quotidien : elles refusent des projets faute de bras pour les réaliser. Ce ne sont pas les commandes qui manquent, mais les compétences pour les exécuter. Revaloriser ces métiers, ce n’est pas un luxe : c’est la condition pour que la réindustrialisation soit réelle, durable et robuste.


 

L’attractivité, ça ne se décrète pas. Elle se construit.

L’industrie française, et en particulier la filière électrique, ne manque pas de métiers, elle manque de récits. Pendant des décennies, on a enfermé les métiers techniques dans une image poussiéreuse : voie de garage, métiers pénibles, sans perspectives. Ce stigmate freine les vocations là où la réalité terrain pourrait les faire naître. Or, les parcours existent : qualifiants, évolutifs, ancrés dans la transition énergétique et, surtout, porteurs de sens. Ces métiers bougent, s’adaptent, innovent, mais l’image qu’on en renvoie reste figée.
Aujourd’hui, on célèbre uniquement les réalisations. Rarement ceux qui les rendent concrètes. Pourtant, sans les techniciens, rien ne s’allume, rien ne fonctionne.

Il est temps de montrer la réalité : derrière chaque usine qui redémarre, chaque hôpital modernisé, chaque infrastructure sécurisée, il y a des femmes et des hommes qui agissent dans l’ombre. Ce sont eux, les vrais moteurs de notre souveraineté.

 

Miser sur les compétences, c’est miser sur la robustesse.

Réindustrialiser ne se fera pas uniquement avec des aides publiques ou des machines dernier cri. Il faut investir dans la compétence de terrain, dans la transmission, dans la formation.

À l’heure où la transition énergétique, la modernisation des infrastructures et la relance de la production locale imposent une montée en puissance des savoir-faire techniques, la France a l’occasion de transformer une fragilité en force. Cela suppose un choix politique clair : considérer les métiers techniques comme des piliers de notre avenir industriel.

Concrètement, cela veut dire repenser l’orientation, reconnaître la valeur de ceux qui fabriquent, câblent, installent, entretiennent. Cela veut dire aussi investir dans la transmission, dans la formation et dans des modèles sociaux qui permettent aux PME de jouer pleinement leur rôle.

Pour qu’une industrie plus robuste, plus humaine et plus durable émerge, il est impératif d’assumer ce choix en remettant la valeur du geste, du savoir-faire et de l’expertise au centre du jeu. Il faut collectivement donner à voir leur utilité dans le quotidien des citoyens, raconter les trajectoires, créer de la projection. L’industrie ne redeviendra désirable qu’à condition de remettre à l’honneur celles et ceux qui la font avancer au quotidien. Ce sont eux, les vrais moteurs de notre souveraineté.

Cette dynamique ne pourra réussir qu’à condition d’être partagée – pouvoirs publics, industriels, fédérations professionnelles, écoles : chacun a un rôle à jouer pour construire une politique des compétences à la hauteur des enjeux industriels. La réindustrialisation n’est pas seulement une affaire technique. C’est une ambition de société.

Et si tous décidaient enfin de s’unir pour redonner aux métiers techniques la place qu’ils méritent ? Pour créer des vocations, permettre aux entreprises de recruter davantage et, par conséquent, donner plus de dynamisme à nos territoires.

 

Sources : 

(1) France Travail – Top 10 en part de recrutement difficiles en 2025 par secteurs regroupés 

 


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