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Rencontre avec Stephen Leroux, directeur de la maison Charles Heidsieck

Stephen Leroux

Stephen Leroux est né à Glasgow. Il est arrivé à Reims à l’âge d’un an puis il a vécu en Champagne jusqu’à ses études. Il a d’abord travaillé dans une banque à Paris pendant deux ans puis cinq ans dans les céréales avant d’entrer dans le secteur du champagne en 1997. Bien que son arrière-grand-père était négociant dans le champagne et sa belle-famille producteur, son atterrissage dans ce secteur s’est fait totalement par hasard, grâce à une rencontre. Stephen travaillera en premier lieu en tant que responsable de zone d’exportation pour une maison de champagne puis dans différentes maisons dont Bollinger. Aujourd’hui, Stephen Leroux est directeur général de la maison de champagne Charles Heidsieck depuis janvier 2013.
Charles Heidsieck est une maison de champagne fondée en 1851 par Charles-Camille Heidsieck, située à Reims. Elle fait partie du groupe EPI depuis 2011.

 

La maison Charles Heidsieck est très attachée à son histoire, bien que mouvementée. Elle est devenue l’une des prestigieuses maisons de Champagne reconnue dans le milieu et à l’international. Comment arrive-t-on à un tel succès ?
S.L : C’est une maison qui a été marquée par du sac et du ressac. Dès le départ, la maison a été créée par un entrepreneur qui avait de l’audace et une vision du marché du champagne assez nouvelle, puisqu’il a conquis le marché américain. C’était son tout premier marché. Comme beaucoup de maisons elle a connu des hauts et des bas en raison de plusieurs événements historiques. La dernière génération après Charles Heidsieck a vendu la maison au groupe de cognac Rémy Cointreau, ce qui est regrettable. À ce moment-là, la maison faisait partie des plus grandes maisons en terme de volume. On est passé de cette position très enviable à une position très marginale. On a perdu plus de 90 % de nos ventes en 25 ans de 1990 à 2011. La chute a commencé sûrement pour des raisons de dispersion et manque de priorité et la maison Charles Heidsieck en a souffert. C’est une marque qui a continué à générer beaucoup d’engouement chez les professionnels et les amateurs de vins. En revanche, sur 20 ans, avec la baisse des ventes d’années en années, la notoriété et la visibilité de la marque a fortement baissé. Heureusement, la maison a été rachetée par Descours en 2011. Début 2013, on a pu relancer la marque commercialement en termes de marketing, de relation presse. Ce rachat a été salutaire. Aujourd’hui, la maison Charles Heidsieck est bien vivante, beaucoup de consommateurs connaissent Charles pour les bonnes raisons. On a désormais des bases solides, on est encore discrets, mais on affirme nos positions. Cette année, nous fêtons le bicentenaire de la naissance de Charles-Camille Heidsieck. C’est aussi une manière de célébrer les dix ans du relancement de la maison et le lancement de notre cuvée champagne Charlie. Il y a une forte valeur symbolique. 

 

Pourquoi cette cuvée est-elle emblématique, et que promet-elle ?
S.L : Champagne Charlie est le surnom que les Américains ont donné à Charles-Camille Heidsieck. Au fur et à mesure de ses voyages aux Etats-Unis, il est devenu très célèbre et légendaire de son vivant. La cuvée champagne Charlie a été arrêtée au moment de la vente à Rémy Cointreau. On a décidé avec le chef de cave, il y a quelques années, de la relancer en 2022 et spécifiquement vers le marché américain, car c’est l’ADN de la maison. Cette cuvée sera vendue dans le monde entier, mais 30 à 40 % de la location de cette cuvée en première année sera vendu aux Etats-Unis. C’est une cuvée qui aura une très grande charge émotionnelle et qui satisfera les grands amateurs de vins. Il faut être assez connaisseur de champagne, mais aussi de la marque pour accéder à cette cuvée. Elle va allumer quelques projecteurs dans le cerveau émotionnel, les gens vont reconnaître la signature de Charles. Chez nous, tout est conjugué sous son nom. La cuvée va être vendue essentiellement en direct à des clients que nous connaissons aux États-Unis, des cavistes et des restaurateurs. Elle entrera dans notre gamme de façon définitive tous les ans. 

 

La cuvée est partie le 12 avril et sera livrée le 16 juin à New York. Pourquoi avoir choisi le voilier cargo Grain de Sail comme moyen de livrer le champagne ?
Olivier et Jacques Barreau, les fondateurs de Grain de Sail, font le même pari que Charles Heidsieck il y a 170 ans : traverser l’Atlantique sur un voilier. Grain de Sail développe le transport décarboné et est le premier cargo marine marchande à voile. Ils ont tout de suite accepté et l’aventure a démarré il y a quelques mois. On a vu ensemble le bateau partir avec beaucoup d’émotions. On a l’habitude de transporter nos vins dans des porte-conteneurs, mais ce choix-là était totalement en similitude par rapport à l’aventure de Charles. Se retrouver sur son sillage est pour nous un moyen de lui rendre un bel hommage pour fêter le bicentenaire. On aime le temps long chez Charles. Nos vins s’épanouissent très lentement parfois jusqu’à dix ans, quinze ans, trente ans et plus le vin vieillit longtemps plus il développe des arômes complexes qui vont plaire aux amateurs. La voile pour transporter nos vins était donc l’idéal. Cette traversée va aussi permettre de donner à nos champagnes une expérience que les autres n’auront pas. On ajoute une dose de charge émotionnelle. 

 

Qu’attendez-vous lorsque le bateau arrivera à New York ?

On va pouvoir montrer cette cuvée à quelques amateurs avant le lancement officiel le 17 juin. On attend à peu près 150 personnes ce soir-là. On invite quelques-uns de nos confrères, restaurateurs, cavistes et clients amateurs. Le but est que les gens dégustent notre vin élaboré depuis une dizaine d’années et qu’ils ont envie par la suite de l’acheter. On attend des impressions positives et que le bouche à oreille autour de cette cuvée se développe assez rapidement dans les cercles d’amateurs. On attend peut-être des larmes, car Charles Heidsieck est une maison qui touche à l’âme. 

 


Stephen Leroux : Nous destinons nos vins à des gastronomes, des amateurs de vins et de champagne, qui sont capables de reconnaître les caractéristiques


 

Quels sont les objectifs de Charles Heidsieck à long terme ?
S.L : Développer les ventes de cette cuvée et continuer de développer la maison. 
On cherche à devenir une maison moyenne avec de très belles valorisations et des cuvées qui plaisent aux amateurs, avec des cuvées haut de gamme, des millésimes, des millésimes anciens. On vend des millésimes qui ont dix ans, on a des cuvées de prestiges qui ont jusqu’à 20-25 ans et des brut millésimés qui ont cinq-six ans. On a la notion du temps chevillé au corps.

 

Qu’est-ce qui fait un bon vin selon vous et qu’est ce qui vous caractérise chez Charles ?
S.L : Le vin est un produit naturel, mais pour faire un bon vin, il faut en plus des bons raisins, des compétences, de l’histoire et de l’expérience. Chez Charles, on veut faire un vin avec une typicité et un style reconnaissable. La force d’une maison passe par son style. Chez nous, on fait du Charles Heidsieck. On a un certain nombre de principes que l’on retrouve dans nos bouteilles et que les gens reconnaissent. Par exemple, si on a des raisins moyens, on ne va pas les mettre dans notre assemblage, mais surtout, il faut quasiment 20 ans pour faire une bouteille de Charles Heidsieck. La production de nos grands millésimes est très irrégulière, mais ce sont nos principes et nos clients l’exigent. Nous destinons nos vins à des gastronomes, des amateurs de vins et de champagne, qui sont capables de reconnaître les caractéristiques. Notre développement marketing se fait par prescription. Notre augmentation de vente est conditionnée par ce que l’on a en cave.

 

Quel message la maison porte-t-elle ?
Un message de transmission de savoir-faire ; notre recette est unique, elle est transmise par des générations et chefs de cave et de partons de maison, un message de générosité, c’est quelque chose qui caractérise notre maison. L’inclusion plutôt que l’exclusion. Charles-Camille était quelqu’un de très généreux. Le fait aussi de toujours repousser les frontières.

Comment décririez-vous la maison en trois mots ?
Profondeur, générosité, soucis du détail.

 

 

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