Alors que la dette est devenue le principal dossier en cette rentrée politique, Forbes France revient sur 5 faits à connaître sur les créances de la France.
Haro sur la dette publique. Le mot est sur toutes les bouches en cette rentrée 2025. Surtout sur celle du Premier ministre qui a fait de sa réduction son cheval de Troie. « Notre pays est en danger parce que nous sommes au bord du surendettement », expliquait-il lors de sa conférence de presse du 25 août avant d’annoncer qu’il demanderait la confiance des députés le 8 septembre.
La dette publique française dépasse désormais les 114,1 % du PIB — au 1er trimestre 2025, un record depuis la Seconde Guerre mondiale. Pourtant, cette trajectoire cache des paradoxes historiques : des sommets inégalés, un déficit permanent depuis un demi-siècle et des investisseurs étrangers plus présents qu’on ne l’imagine. Voici 5 faits surprenants à garder en tête.
En 1944, la dette atteignait près de 270 % du PIB
Au premier trimestre 2025, la dette s’élevait à 3 345 milliards d’euros. Soit le plus haut niveau jamais connu. Mais lorsqu’on décide de rapporter ce chiffre au PIB, la réalité est tout autre. Entre 1914 et le début des années 1920, celle-ci grimpe fortement et atteint environ 150 % du PIB autour de 1919-1921, après avoir été proche de 65-70 % à la veille de la guerre. La Première Guerre mondiale et son économie de guerre est passée par là. Les années qui suivent permettront de reconstruire le pays tout en réduisant le déficit grâce à la mise en place de nouvelles taxes. L’impôt sur le revenu, instauré en 1914 pour financer l’effort de guerre, ne cesse d’augmenter jusqu’en 1924. Si bien que cette année-là, il atteint, pour les tranches les plus hautes, 72% de leurs revenus.
En 1939, le niveau de dette a été ramené autour de 100-110 % du PIB. Mais la Deuxième Guerre mondiale coûte bien plus cher à la France. En 1944, la dette est estimée à environ 270 % du PIB — certaines sources évoquent « près de 290 % ». Un record absolu dans l’histoire du pays. L’après-guerre marque une nouvelle période de reflux. Malgré des investissements toujours plus conséquents, la forte croissance des Trente Glorieuses permet sa réduction.
« Historiquement, le ratio d’endettement français n’a pu fortement baisser que grâce à une combinaison de croissance économique forte et d’inflation élevée », expliquent trois chercheurs dans une note sur l’histoire de la dette en France.
La France n’a plus connu d’excédent budgétaire depuis 1974
Plus de cinquante ans que la France n’a pas réussi à boucler un exercice dans le vert. Le budget de 1974 est le dernier à être excédentaire. Cette année-là, les recettes de l’État sont autour de 291 milliards de francs. Les dépenses sont, elles, de 290,7 milliards. D’où un solde légèrement positif.
L’année suivante, en pleine crise pétrolière, la France entre en récession pour la première fois depuis 1945, marquant la fin des Trente Glorieuses. Le déficit public atteint alors 2,9 % du PIB et devient structurel : chaque année suivante s’accompagne de nouveaux déséquilibres budgétaires. Avec quelques pics cependant. En 1993, lors de la récession liée à la crise du Système monétaire européen, le déficit dépasse 6 % du PIB ; puis en 2009, après la crise financière internationale déclenchée par les subprimes aux États-Unis, il franchit les 7 %.
Enfin, la pandémie de Covid-19 en 2020 établit un record historique : avec l’économie mondiale quasiment paralysée et des mesures massives de soutien, le déficit public français grimpe à 9 %, son plus haut niveau depuis l’après-guerre.
Près d’un euro de dette sur deux est détenu par des étrangers
Au premier semestre 2025, 54,7 % de la dette négociable de l’État français était détenue par des investisseurs étrangers, d’après la Banque de France. Cette part, en hausse depuis quatre ans, s’élevait à environ 53 % fin 2024 et 50 % fin 2022. Toutefois, la tendance reste globalement à la baisse sur le long terme : en 2010, près de 70 % de la dette française était détenue hors du territoire national.
Difficile de savoir cependant qui détient nos créances. L’Agence France Trésor ne publie en effet pas de répartition par nationalité. Elle fournit néanmoins des indications générales, reprises par le gouvernement dans ses communications. Selon le ministère des Comptes publics, la dette se partage globalement en quatre parts équivalentes : un quart détenu par des investisseurs installés en France, un quart par la Banque de France, un quart par des acteurs de la zone euro et un quart par des créanciers situés hors d’Europe.
Faut-il s’inquiéter de voir plus de la moitié de nos créances détenues par des étrangers ? Pas vraiment selon les experts. Certains y voient même un signe « plutôt rassurant ».
« Cela signifie que les étrangers ne se délestent pas de la dette qu’ils détiennent à ce stade. Si les banques françaises en détenaient plus, ce serait un signe de faiblesse, explique Anthony Morlet-Lavidalie, économiste à l’institut Rexecode auprès de Public Sénat. Quand les finances publiques sont fragilisées et que le secteur financier de l’État concerné détient beaucoup de titres de cette dette, cela entraîne une spirale négative. On peut se réjouir que notre secteur financier ne soit pas tant exposé que cela. »
La charge de la dette va-t-elle devenir le premier poste de dépense du pays ?
Lors de sa conférence de presse, François Bayrou a alerté sur le poids croissant du service de la dette pour la France, qui pourrait devenir le premier poste de dépense du pays. En 2026, cette charge pourrait atteindre environ 75 milliards d’euros selon les trajectoires gouvernementales, ce qui en ferait le deuxième poste du budget de l’État, les remboursements et dégrèvements d’impôts, mais devant l’Éducation ou la Défense.
Les dépenses de l’État pour le remboursement de sa dette ont fortement progressé ces dernières années : elles ont avoisiné 58 milliards d’euros en 2024 (exécuté), sont attendues autour de 55-55,5 milliards d’euros pour 2025 au périmètre État, et pourraient s’orienter vers 70-75 milliards d’euros en 2026-2027 selon les hypothèses de taux. Attention aux périmètres : certains chiffres citent la charge d’intérêts de l’ensemble des administrations publiques (APU), plus élevée que la seule ligne budgétaire de l’État.
Néanmoins, cette méthodologie est critiquée par certains économistes, car elle ne prend pas en compte la hausse des prix. En 2024, par exemple, la charge d’intérêt était de 58 milliards d’euros. En revanche, il existe des calculs du « coût réel » des intérêts qui neutralisent l’inflation ; ce n’est pas la référence retenue en comptabilité publique. L’Insee mesure une inflation moyenne annuelle de 2 % en 2024. L’effet de l’inflation a pu contribuer, sur 2022-2023, à alléger le poids « réel » de la dette, mais il ne s’agit pas d’un « bénéfice » budgétaire comptable.
La France est aujourd’hui 3ᵉ en Europe pour la dette/PIB
La France figure parmi les mauvais élèves européens en matière d’endettement : elle occupe aujourd’hui la 3ᵉ place du classement européen pour le ratio dette publique/PIB, derrière la Grèce et l’Italie — avec respectivement 152,5 % et 137,9 % de dette par rapport à ce qu’ils produisent au 1er trimestre 2025.
Pendant ce temps, des économies considérées comme plus solides, comme l’Allemagne, maintiennent un niveau d’endettement nettement plus bas, à environ 62,3 % du PIB au 1er trimestre 2025. L’Espagne se situe à 103,5 % et la moyenne de la zone euro à 88,0 % à la même date.
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