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Quand les start-up réinventent la France des territoires

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A mature Caucasian businesswoman wearing a beige coat and suit walking in front of a corporate building, using a smartphone. She carries a small brown bag. The location features reflective glass windows.
Nos territoires sont à la croisée des chemins. Désertification commerciale, pression croissante sur les ressources naturelles, fragmentation du lien social, dépendance logistique... les fragilités se multiplient. Et pourtant, dans ces zones de tension, un souffle nouveau s’élève. Il vient d’un monde que l’on jugeait parfois trop fragile, trop jeune ou trop idéaliste pour peser sur le réel : celui des start-up à impact.

Une tribune écrite par Charles Christory, CEO et cofondateur de Le Fourgon

 

Face à l’urgence écologique et sociale, une nouvelle génération d’entrepreneurs s’est engagée dans une autre voie. Leur ambition n’est pas seulement de croître vite, mais de croître juste. Ce qui les anime, c’est l’envie de construire des modèles plus durables, ancrés localement, utiles socialement et soutenables écologiquement. Ces start-up ne veulent pas opposer économie et territoire. Elles veulent les réconcilier.

 


Un écosystème de start-up durables en forte croissance

Ce phénomène, qui aurait pu rester marginal, prend aujourd’hui une ampleur significative. En France, l’écosystème compte aujourd’hui plus de 1 260 start-up à impact (1), soit une hausse de +10 % depuis 2023. Ce n’est pas qu’un signal statistique : c’est le signe d’une bascule. Chaque année, ces entreprises génèrent environ 34 200 nouveaux emplois, un chiffre en constante augmentation. Elles attirent aussi les capitaux : en 2024, elles ont levé 6,7 milliards d’euros (2), portées par la dynamique de l’indice Impact 40/120.

Mais ce qui frappe surtout, c’est la géographie de cette croissance. En effet, 57% de ces start-up (3) sont installées en dehors de l’Île-de-France. On observe des pôles dynamiques en Rhône-Alpes, en Occitanie, dans les Hauts-de-France ou encore en Nouvelle-Aquitaine. Cette dispersion n’est pas un hasard, elle dit quelque chose d’essentiel. Les territoires ne sont pas à la traîne de l’innovation. Ils en deviennent les moteurs. Loin d’un modèle centralisé où Paris concentre toute la valeur, un autre récit émerge, celui d’une économie de proximité, diversifiée et adaptée aux enjeux concrets des territoires.

 

L’impact au service des besoins du territoire

Ce nouveau tissu entrepreneurial ne cherche pas seulement à limiter son empreinte. Il conçoit des modèles qui répondent aux besoins fondamentaux des territoires. Les start-up à impact créent des emplois enracinés, non délocalisables, dans des domaines aussi variés que la logistique de proximité, la réparation, la production d’énergie locale, l’agriculture urbaine ou les services à la personne. Elles réinvestissent également des fonctions clés (production, distribution, conseil) et participent ainsi à redonner aux territoires une autonomie économique et écologique.

Leurs activités s’appuient sur des principes de sobriété et de circularité comme la mutualisation, la réutilisation, les circuits courts, autant de leviers qui réduisent la dépendance aux ressources importées. Ce ne sont pas seulement des choix techniques ou environnementaux, ce sont des choix politiques.

Mais au-delà des technologies, c’est une philosophie de l’usage plutôt que de la possession qu’elles défendent. Une économie qui remet de la cohérence et de la proximité dans les gestes du quotidien et qui redonne du sens à notre manière de consommer. Leur objectif n’est pas simplement de “faire mieux”, mais de faire autrement. De réhabiliter une économie du quotidien, plus cohérente, plus humaine, plus soutenable.

 

Les effets systémiques entre évolution des comportements et dynamiques locales

L’impact ne s’arrête pas à la porte des entreprises. Il infuse dans les comportements. Il change les pratiques, les attentes et les normes. Les citoyens adoptent massivement des réflexes autrefois marginaux : usage plutôt que possession, consigne, réparation, seconde main, etc. Ce changement de comportement n’est pas anecdotique puisqu’il modifie en profondeur les attentes vis-à-vis des marques, des services et des pouvoirs publics.

Et face à cette évolution, les collectivités territoriales s’adaptent elles aussi. Elles développent des stratégies en faveur de la logistique circulaire, soutiennent les filières de l’économie sociale et solidaire, reconfigurent leurs aides publiques. De leur côté, les grandes entreprises s’ajustent à leur tour, intégrant ces pratiques dans leurs chaînes de valeur.

À l’échelle nationale, les perspectives sont immenses. Selon plusieurs experts, une stratégie circulaire ambitieuse pourrait permettre de réduire de 45 % notre empreinte carbone (4), consolider 600 000 emplois existants et en créer 500 000 de plus, tout en réindustrialisant nos territoires. Nous sommes à un moment charnière, où les initiatives pionnières peuvent devenir des références, puis des normes.

Ce que révèlent ces start-up avant tout, c’est qu’un autre avenir est possible. Leur action ne relève pas du hasard, mais d’une intention claire : réinventer notre rapport au travail, à la production, à la consommation et à l’humain. À travers des modèles sobres, ancrés et résolument tournés vers l’utilité sociale, elles déplacent les lignes à la fois culturelles et économiques. Bien plus que des entreprises innovantes, ce sont des leviers de transformation en profondeur de nos territoires.

Mais pour que cette dynamique dépasse le stade de l’exception, il est urgent de passer à la vitesse supérieure. Cela implique de repenser les circuits de financement, d’engager une action publique plus agile, et surtout, de réévaluer ce que nous appelons une entreprise “utile”. Et leur plus grand impact est peut-être là, soit nous rappeler que l’économie peut, et doit redevenir un bien commun.

 

Sources : 

(1) BpiFrance – Mapping 2025 des startups françaises à impact
(2) Novethic – Malgré des vents contraires et un contexte économique morose, les start-up de l’impact, elles, se portent bien.
(3) Impact France – Les start-ups à impact continuent de démontrer leur robustesse
(4) Le Monde – « Des entreprises et acteurs locaux font tous les jours la démonstration qu’il est possible de décorréler création de richesses et prédation de nos ressources naturelles »

 


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