L’instabilité économique est devenue la norme. Une nouvelle génération de dirigeants prend le pouvoir. Leur réflexe ? Piloter en ayant comme GPS leur stratégie de valorisation, la seule manière d’activer les bons leviers de croissance.
Une contribution de Géraldine Arnaud, experte en intelligence financière.
Luca de Meo, qui vient d’être nommé à la tête de Kering, incarne cette typologie de patrons. Des dirigeants qui pilotent par la croissance, pas par la dépense. Car piloter uniquement par la dépense est réservé aux dirigeants qui n’ont pas de vraie stratégie.
Luca de Meo a été appelé en renfort pour redresser une situation compliquée chez Kering. Après plusieurs mauvais choix stratégiques, le groupe a perdu plus des deux tiers de sa valeur en Bourse et a vu sa rentabilité chuter, au point d’être sorti du CAC40. Un vrai signal d’alerte. On attend maintenant de lui qu’il relance la machine, comme il l’a fait chez Renault. Son rôle pourrait ainsi dépasser la simple direction pour devenir un vrai levier de management : faire de la valorisation boursière un indicateur global de la performance de l’entreprise.
Désormais deux profils de dirigeants se dessinent. Ceux qui pilotent par la croissance et ceux qui restent prisonniers du pilotage par la dépense.
Crise ou pas crise, la question n’est plus “combien vaut mon entreprise aujourd’hui ?” mais “comment puis-je créer, projeter et incarner de la valeur durable, transmissible, et monétisable ?”.
Valorisation : le GPS indispensable du dirigeant moderne
Chez les grands groupes, la valorisation est un langage stratégique. Indépendamment de s’agir d’entreprises cotées ou non cotées, elle structure les choix, oriente les ressources, cadre la croissance. Dans beaucoup de PME, en revanche, on continue à piloter par la dépense, avec une logique d’optimisation court-termiste, de micro management.
La récente acquisition par Meta de 49 % de Scale AI pour 15 milliards de dollars illustre parfaitement ce qu’être accélérateur de valorisation signifie. Ce n’est pas un actif technologique qu’ils ont acheté, c’est une trajectoire de valeur parfaitement lisible et activable, une acquisition stratégique qui a pour objectif de propulser la valorisation de Meta. Voilà la vraie différence.
Ce que change une stratégie de valorisation au quotidien
Une stratégie de valorisation, ce n’est pas un rapport annuel ni un document de due diligence. C’est une méthode de pilotage ancrée dans le réel, qui permet :
• De clarifier la valeur qu’on cherche à créer en intégrant son aspect multi dimensionnel (et pas seulement à capter) : sociale, commerciale, environnementale, capitalistique.
• D’aligner les ressources sur les bons leviers : croissance, innovation, recrutement, structuration…
• De simplifier les arbitrages : quels piliers de croissance activer ? Faut-il pour cela penser croissance organique ou croissance externe ? Faut-il se diversifier, désinvestir ?
• De fédérer autour d’une vision commune : la valorisation parle à tous, du financeur au manager terrain.
• Et surtout, de transformer une stratégie conceptuelle en plan d’action opérationnel mesurable.
Le paradoxe gagnant : penser la sortie dès le départ pour mieux construire le présent
C’est le secret des dirigeants les plus lucides : penser à la sortie dès le début ne rend pas cynique, ça rend efficace. C’est la méthode adoptée par Y Combinator, l’accélérateur de start-up le plus performant avec un taux de pérennité des entreprises incubées supérieur à 80% (contrairement à 10% pour les autres). Son secret ? Penser sortie dès le début pour construire un equity story qui tienne la route et qui permette d’anticiper les étapes clés de la vie d’une entreprise (croissance, levées de fonds, partenariats).
Penser sortie au quotidien oblige à poser les bonnes questions :
→ Quel est le cap ?
→ Quelle trajectoire de croissance est crédible ?
→ À quel moment devrons-nous lever, transmettre ou céder ?
C’est ce raisonnement qui débouche naturellement sur un equity story cohérent, évolutif, rassurant pour tout investisseur. Et cela fonctionne aussi pour les transmissions familiales : penser valorisation, c’est garantir l’équité entre les enfants et la pérennité du projet. Savoir parler argent, succession de manière décomplexée.
Valoriser, c’est piloter. Et transmettre.
Valoriser, ce n’est pas juste calculer. C’est regarder son entreprise comme le ferait un investisseur exigeant. C’est accepter de faire émerger la valeur réelle, et pas seulement comptable. C’est aussi anticiper les signaux faibles, les points de fragilité, les relais de croissance.
La recette d’une transmission réussie c’est 50% de préparation, 30% de posture et 20% de timing. Aujourd’hui, la plupart des échecs en transmission ne viennent pas d’un manque d’intérêt, mais d’un manque de préparation. Trop de dirigeants attendent le dernier moment pour s’interroger sur la valeur de leur entreprise — économique, humaine, patrimoniale.
En intégrant la valorisation comme une stratégie vivante, pas comme une formalité administrative, les entreprises gagnent en clarté, en attractivité, et en longévité. Vous devenez non seulement un bon gestionnaire, mais un bâtisseur. Et surtout, un vrai leader.
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