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Pourquoi La France Doit Rester Présente Dans La Gouvernance Des Brevets Européens

Par Getty Images

Philippe Cadre est Directeur de la Propriété Industrielle à l’Institut National de la Propriété Industrielle et représente la France au sein des institutions européennes et internationales en charge de la propriété industrielle. Il est un acteur majeur et de longue date de la propriété industrielle au plan international, ayant auparavant été consultant pour l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle et pour la Commission Européenne.

 42 % de l’activité économique totale de l’Union européenne, soit environ 5 700 milliards d’euros par an, est générée par les secteurs à forte intensité en droits de propriété intellectuelle, tandis qu’environ 35 % de tous les emplois dans l’UE (au nombre de 82 millions sur un total de près de 216 millions d’emplois) sont à inscrire au crédit de secteurs faisant un usage supérieur à la moyenne en droits de propriété intellectuelle.* Des chiffres qui confirment que la propriété intellectuelle est un élément clé pour la compétitivité des entreprises en Europe.

Avec près de 7 000 agents, l’Office européen des brevets (OEB) est l’une des plus grandes institutions publiques européennes. Cette organisation intergouvernementale regroupe 38 Etats membres. La qualité du brevet européen, notamment grâce au travail de qualité des examinateurs de l’OEB, en fait une référence mondiale.

À la veille du brevet unitaire, dont le régime permettra aux entreprises d’obtenir un brevet unique, valable dans 26 pays membres de l’UE, et à l’aube de la transformation du paysage européen et de l’émergence d’un marché unique européen de la technologie, la France doit rester un acteur majeur de la gouvernance de cette organisation intergouvernementale créée le 7 octobre 1977.

Parce qu’historiquement, la France a été, avec quatre autres pays, à l’origine de la création de l’OEB ; elle en a occupé à plusieurs reprises la présidence exécutive. Aujourd’hui, la France est le plus grand pays européen investi dans le développement de l’OEB, au regard du nombre de brevets déposés et du travail d’étude des demandes nationales confié par la France à l’OEB.**

 

Une harmonisation complète du système européen des brevets entraînerait une hausse respective de 2 % et de 15 % du commerce vers et entre les pays de l’UE.

Parce qu’actuellement, la gouvernance de l’OEB connaît un renouvellement profond. Au 1er  juillet, Monsieur António Campinos (Portugal) a succédé à Monsieur Benoît Battistelli (France) à la présidence exécutive de l’Office. Dans la foulée, trois des quatre postes de Vice-Président(e)s exécutifs sont à pourvoir, avec une forte probabilité de voir élire deux germanophones pour les postes de la Direction Générale en charge des questions juridiques/ affaires internationales et de la Direction Générale en charge des services généraux.

Le troisième poste de Vice-Président, en charge de la procédure de délivrance des brevets, est essentiel, car il est le garant de la qualité de la protection de l’innovation en Europe et sera en charge de l’examen du futur brevet unitaire. Il est essentiel de rappeler l’importance du travail des ingénieurs examinateurs de l’OEB en la matière. Ce vice-président doit avoir pour mission de valoriser leur travail et de leur redonner confiance.

Soyons présents sur ce sujet qui pourrait considérablement améliorer le transfert de technologies dans l’Union Européenne, et stimuler le commerce et les investissements directs étrangers (IDE). Une harmonisation complète du système européen des brevets entraînerait une hausse respective de 2 % et de 15 % du commerce vers et entre les pays de l’UE dans les secteurs de haute technologie, la progression annuelle du commerce et des IDE s’élevant respectivement à 14,6 milliards d’euros et à 1,8 milliard d’euros. ***

Sur la protection de l’innovation en Europe – qui observait déjà des différences avec les Etats-Unis en termes de brevetabilité des logiciels et des méthodes économiques – les nouvelles technologies, qui permettent aux systèmes d’apprendre et proposer de nouveaux développements, vont poser des problèmes juridiques. Ne soyons pas absents du débat, alors qu’une étude de l’OEB sur la quatrième révolution industrielle et l’intelligence artificielle montre que l’Europe figure en bonne position, en particulier la France.****

 

La France à la tête de la direction générale en charge des brevets ?

Les défis auxquels devra faire face l’OEB sont nombreux : une renommée basée sur la qualité alors que des voix s’élèvent pour la mettre en doute, un dialogue social extrêmement détérioré, un outil interne vieillissant, un écosystème qui sera bouleversé par l’intelligence artificielle, le big data et la blockchain, un volume de dépôts restant inférieur à celui des quatre autres grands offices (Etats Unis, Chine, Corée et Japon), une poussée attendue des brevets chinois dont les dépôts en Chine avoisinent les 1,5 million et représentent 50 % des demandes déposées dans le monde en 2017.

Le gouvernement français souhaite ardemment positionner un de ses ressortissants, car la France connait bien toutes ces problématiques, pour y avoir été confrontée à l’INPI. L’office français finalise la dématérialisation totale de ses procédures et de ses dépôts. Il sera le premier à le faire. La réingénierie des processus impactant les équipes s’est faite dans un climat social serein. L’INPI, qui entretient un lien étroit avec les déposants pour prendre en compte les évolutions de leurs besoins, a par ailleurs largement contribué aux changements nécessaires introduits dans la loi PACTE (brevet provisoire notamment), qui sera débattue à l’assemblée nationale la semaine prochaine.

C’est dans ces conditions que le gouvernement français m’a demandé de me porter candidat au poste de Vice-Président en charge de la procédure de délivrance des brevets de l’OEB.

Il est certain que les 38 états membres de l’OEB, qui voteront le 11 octobre prochain, comprendront leur intérêt à être représentés à ce poste par la France, dans le cadre d’une relation fluide entre eux, indispensable au fonctionnement efficace de l’OEB.

Par Philippe Cadre

* étude d’octobre 2016 sur l’impact des droits de propriété intellectuelle sur l’économie européenne, menée conjointement par l’Office européen des brevets (OEB) et l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).   

** La France est le 2è déposant de brevets en Europe après l’Allemagne, loin devant le Royaume-Uni, avec plus de 12 600  brevets déposés auprès de l’Office européen des brevets en 2017. Elle lui confie par ailleurs une partie de la procédure des demandes nationales de brevet.

*** « Brevets, commerce et investissements directs étrangers dans l’Union européenne » étude de novembre 2017 menée par une équipe d’économistes de l’OEB, de l’Université du Colorado à Boulder et de la London School of Economics.

****  « Les brevets et la quatrième révolution industrielle (4RI) », décembre 2017.

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