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Portugal, Irlande, Croatie… ces bons élèves européens qui ont réussi à redresser leurs comptes publics

Portugal, Irlande, Croatie... ces bons élèves européens qui ont réussi à redresser leurs comptes publics
Portugal, Irlande, Croatie... ces bons élèves européens qui ont réussi à redresser leurs comptes publics
Plusieurs pays européens ont réussi à redresser leurs finances publiques grâce à des réformes structurelles et une discipline budgétaire stricte. Ces succès ont cependant eu un coût social important, laissant certains pans de la population fragilisés.

Les précédents gouvernements français avaient pour objectif de redresser les comptes publics. Mais tous s’y sont, pour le moment, cassé les dents. Alors que le déficit public est attendu légèrement en dessous de 5 % du PIB en 2025 en France, d’autres pays ont démontré qu’il était possible de redresser la barre. Forbes revient sur la trajectoire de quatre États européens qui ont réussi à sangler leurs finances publiques – parfois avec perte et fracas.

 

Portugal : la lumière au bout du tunnel 

Le Portugal s’apprête à dégager un excédent budgétaire pour la deuxième année consécutive. Une première depuis 1974 et l’avènement de la démocratie dans ce pays du sud de l’Europe. La dette publique portugaise devrait poursuivre sa baisse, passant de 93,6 % du PIB en 2023 à 90,2 % en 2025, puis à 87,5 % en 2026 selon les prévisions du FMI. 

Pourtant, quand on regarde quinze ans en arrière, difficile d’imaginer pareil dénouement. En 2010, le déficit public s’élevait à 9,1 % du PIB dans un contexte de crise de la dette dans les pays du sud de la zone euro. Le Front monétaire international (FMI) et la Banque centrale européenne avaient alors dû intervenir : c’est l’épisode de la Troïka. En échange de prêts concessionnels, Lisbonne avait accepté une sévère cure d’austérité.


L’EDF portugais (EDP) fut privatisé, plusieurs banques restructurées, le nombre de fonctionnaires réduit, tandis que la TVA et l’impôt sur le revenu augmentaient. Une potion amère qui provoqua une contraction du PIB trois années de suite entre 2011 et 2013, une baisse de revenus pour de nombreux ménages, une hausse du chômage et un creusement des inégalités.

Revenu au pouvoir en 2015, le gouvernement socialiste d’Antonio Costa instaure de nouvelles taxes sur les plus hauts revenus afin de financer des mesures sociales. Dès 2017, le Portugal semble enfin inverser la tendance.

« La période 2017-2019 est considérée comme le “miracle économique portugais”(…), rendu possible par une meilleure attractivité auprès des investisseurs étrangers et des touristes », souligne la Direction du Trésor dans une étude relayée par BFM Business.

Les entreprises étrangères affluent, attirés par un salaire minimum le plus bas d’Europe. Avec 17 milliards d’euros investis en 2022, la France est le deuxième investisseur étranger après l’Espagne. Selon l’Institut Rexecode, les emplois perdus dans l’agriculture et la construction ont été « compensés par la progression dans l’hôtellerie-restauration, le commerce, les services aux entreprises et le secteur public ».

Le Portugal prévoit une croissance de 2 % en 2025, soit plus du double de celle attendue en France, avant d’accélérer à 2,3 % en 2026. Dans le même temps, le taux de chômage devrait continuer de reculer pour s’établir autour de 6 % l’an prochain.

 

Irlande : la stratégie de baisse de fiscalité 

L’Irlande a également connu des périodes compliquées. Entre 2008 et 2010, son déficit public passe de 7 % à 32 %, dans un contexte de crise de la dette en zone euro, plongeant le pays sous la tutelle de la Troïka. Face à l’urgence, Dublin opta pour une thérapie de choc : la fonction publique est taillée dans le vif, les salaires diminuent, le temps de travail s’allonge, les prestations sociales sont gelées puis réduites, et l’âge légal de départ à la retraite est relevé à 66 ans dès 2014. 

Mais la clé de la stratégie irlandaise résidait ailleurs : dans la fiscalité des entreprises. En ramenant l’impôt sur les sociétés à 12,5 % – l’un des plus bas d’Europe – Dublin attira une vague massive d’investissements étrangers. Facebook, Apple ou Microsoft installèrent leurs sièges européens sur l’île, profitant d’un système d’optimisation fiscale leur permettant de rapatrier une partie des bénéfices réalisés ailleurs en Europe.

Résultat : l’impôt sur les sociétés représente aujourd’hui près d’un tiers des recettes fiscales du pays. Ce modèle, qui fait grincer des dents ses partenaires européens, a toutefois permis à l’Irlande de ramener sa dette publique de plus de 120 % du PIB en 2013 à environ 34,5 % au premier semestre 2025, selon l’Irish Fiscal Advisory Council.

En 2024, l’Irlande a affiché un excédent budgétaire de 24 milliards d’euros et le FMI prévoit un excédent de 2,7 % du PIB en 2025. Une performance spectaculaire, mais fragile : cette prospérité repose largement sur quelques multinationales et sur des recettes fiscales volatiles, exposant le pays à de possibles chocs externes. Dix entreprises assurent à elles seules plus de la moitié de l’impôt sur les sociétés.

 

Croatie : l’élève modèle de la zone euro 

Pour pouvoir intégrer la zone euro, la Croatie a dû engager une politique de maîtrise budgétaire rigoureuse. En l’espace de quatre ans, la dette publique est passée de 87 % du PIB en 2020 à 70,2 % en 2024, et devrait tomber à 63,5 % en 2025, selon la Banque nationale de Croatie.

Cette consolidation des finances publiques s’explique moins par des coupes massives que par une combinaison de plusieurs facteurs. Soumise aux critères de Maastricht, Zagreb a gelé une partie des dépenses, encadré les salaires de la fonction publique et rationalisé certaines aides sociales, tout en préservant l’investissement. La Croatie a aussi appris à mieux mobiliser les fonds européens pour financer ses infrastructures, transférant ainsi une partie de l’effort budgétaire vers Bruxelles. 

Parallèlement, la forte reprise du tourisme post-Covid – qui pèse près de 20 % du PIB – et la hausse des recettes fiscales qui en découle dopent les finances publiques. La confiance retrouvée des marchés, matérialisée par une amélioration de la note souveraine, a également réduit le coût de la dette. Autant de leviers qui ont permis à Zagreb d’assainir ses comptes sans sacrifier la croissance, un équilibre rare au sein de l’Union européenne.

 

Suède : une culture budgétaire stricte de tout instant  

La Suède d’aujourd’hui paraît loin de la crise des années 1990. Déclenchée par l’éclatement d’une bulle immobilière, cette crise a entraîné des défauts de paiement de prêts massifs et une panique bancaire. Le PIB s’est ainsi contracté, la dette a considérablement augmenté et le chômage de masse s’est installé. Grâce à une série de réformes structurelles, le déficit est désormais contenu à 0,6 % du PIB, selon l’OCDE.

Pour y parvenir, Stockholm a ouvert de nombreux secteurs au privé  : éducation, postes, télécoms, maisons de retraite, agences pour l’emploi… Cela a réduit la couverture sociale pour de nombreux Suédois, notamment les plus précaires.

L’accès à l’assurance-chômage a été restreint, et le système de retraite partiellement capitalisé dès 1998. Chaque citoyen dispose ainsi d’une pension de base, d’une pension complémentaire par capitalisation et d’une pension minimum pour les plus fragiles, accessible dès 65 ans. Les gouvernements successifs, y compris sociaux-démocrates, ont maintenu une stricte discipline budgétaire, dépensant avec parcimonie même pendant la pandémie. Si bien que le pays peut se targuer d’avoir l’une des dettes les plus faibles d’Europe, à environ 32 % du PIB.

 

Dette publique en Europe : les bons et les mauvais élèves

Au sein de l’Union européenne, les écarts de dette publique restent vertigineux. Selon les dernières données d’Eurostat (avril 2025, fin 2024 pour les ratios), la dette moyenne s’élève à environ 81 % du PIB dans l’Union et 87,4 % dans la zone euro. Mais certains pays se distinguent par une gestion particulièrement prudente de leurs finances publiques.

  • Estonie : 23,6 % du PIB – la dette la plus faible d’Europe, fruit d’une discipline budgétaire exemplaire.

  • Bulgarie : 24,1 % – dépenses publiques contenues et croissance stable.

  • Luxembourg : 26,3 % – modèle social généreux mais recettes fiscales solides.

  • Suède : 33,5 % – culture budgétaire stricte héritée de la crise des années 1990.

  • Irlande : 35 % – redressement spectaculaire porté par les multinationales.

  • Croatie : 57,7 % – baisse continue depuis 2020, dopée par le tourisme et l’euro.

  • Portugal : 95 % – sortie de crise et excédent budgétaire en vue.

  • France : 113 % – trajectoire toujours tendue malgré les efforts de consolidation.

  • Espagne : 107 % — dette stabilisée mais croissance trop molle pour l’alléger durablement.

  • Italie : 137 % — ratio parmi les plus élevés au monde, maintenu à flot par la BCE.

 


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