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Opinion | Crise industrielle des semi-conducteurs : l’arbre qui cache la forêt

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OPINION // Les semi-conducteurs sont à l’électronique ce que l’eau est au vivant, une condition sine qua non pour exister. Au fil des décennies, nous avons rendu notre industrie vulnérable et dépendante d’un composant de la taille d’un atome.

 

Cet élément est bien essentiel pour la fabrication et le bon fonctionnement des ordinateurs, consoles de jeux vidéo, téléphones, télévisions, automobiles, avions, appareils électroménagers, etc… À mi-chemin entre un conducteur et un isolant, les semi-conducteurs permettent notamment de réguler le flux de courant dans l’électronique. Il est, de fait, fort regrettable d’avoir attendu plus de deux ans de crise pour saisir l’importance de se réapproprier des pans de notre industrie. Imaginer que le bon fonctionnement d’un continent comme l’Europe dépende presque entièrement ou en grande partie d’importations de pays tierces, en matière d’énergie, d’acier, de semi-conducteurs, de pétrole, de gaz, et de textile, fait craindre le pire lorsque le monde est à l’arrêt. Et il est aujourd’hui utopique de penser que les problèmes se règleront cette année, nous devons donc trouver des solutions. Un peu à la manière d’un météorologue, qui prévoit quelque chose qu’il ne maîtrise absolument pas, l’Europe doit saisir l’importance de la donnée si elle veut pouvoir, à minima, s’imposer dans l’industrie du futur. La France, plus particulièrement, après avoir raté le coche des industries 2.0 et 3.0 ne doit plus attendre pour faire partie de l’équation.

 

Aux origines de la crise

Pour tenter de comprendre comment nous en sommes arrivés là, il faudrait tout d’abord s’attarder sur la fabrication d’un semi-conducteur qui ressemble, toute proportion gardée, à un casse-tête de Léonard de Vinci : aussi fascinante que fastidieuse et impliquant nombre d’étapes qui nous dépassent. Généralement fabriqué à partir de silicium et de germanium, des matières premières extraites du sable de mines spécifiques, qu’il faut ensuite purifier à plus de 99% à l’aide de procédés chimiques, un semi-conducteur implique des dispositifs industriels et donc des investissements considérables.

De plus, chaque nouvelle génération de transistors rend caduque, ou presque, les usines déjà existantes. Lorsque l’on sait qu’une ligne de production dernier cri coûte environ 20 milliards de dollars (comme la toute nouvelle usine d’Intel dans l’Ohio), on comprend mieux pourquoi les différents acteurs se répartissent les étapes de fabrication, de la conception à la vente jusqu’à la livraison finale. Certains comme la « fab » taïwanaise, TSMC, sont devenus la pierre angulaire du secteur en se spécialisent uniquement dans la conception et non la fabrication de plus de 92% des semi- conducteurs mondiaux. À l’heure actuelle, seuls les deux géants américain et coréen Intel et Samsung sont capables d’en assumer l’entièreté de la production.

Nous voilà donc début 2020 avec une chaîne d’acteurs tous imbriqués, qui vont faire face à une hausse substantielle de la demande de matériel informatique induite par les confinements successifs. Cette explosion de la demande aurait pu être gérée, mais c’était sans compter sur 2021 et une suite d’événements malheureux dans les principales fonderies du secteur, que certains qualifieraient de « Cygne Noir », entre incendies et tremblements de terre comme à Naka en février et mars 2021 ou pour causes d’intempéries comme au Texas à la même période. Et si l’interdépendance peut avoir du bon quand la synergie est parfaite, elle a aussi et surtout les défauts de ses qualités. En effet, c’est cette interdépendance qui a conduit le secteur tout entier à accumuler des retards de production et donc de livraison qui ne sont toujours pas rattrapés deux ans après le début de la crise mondiale.

 

La sortie de crise ou le mythe de Sisyphe

Si pour beaucoup la résolution de cette crise passe par des ouvertures de fab et une relocalisation de la production, ce n’est en réalité qu’une vision simpliste et court-termiste.

En effet, les processus et les coûts de fabrication des usines sont autant de freins qui rendent cette sortie de crise impossible avant 2023. Et même si le secteur réussit sa mue et à relancer la machine, il se verra confronter à un tout autre problème : le recours aux matières premières, nécessaires à la fabrication de bon nombre de produits. Avec une demande toujours plus accrue, les efforts de production vont logiquement s’accroître, impliquant, de fait, une intense exploitation minière.

 

Mais là n’est pas la question.

En effet, les avancées technologiques permettent d’espérer des jours meilleurs avec des semi- conducteurs de plus en plus petits mais de plus en plus puissants, il nous faut dès aujourd’hui entamer une profonde réflexion aussi bien technique que technologique pour simplifier les chaînes logistiques et de ces problématiques de production et donc d’approvisionnement. C’est d’ailleurs une volonté européenne qui a annoncé son plan à 43 milliards d’euros d’ici à 2030 pour quadrupler ses capacités de production. Mais nous sommes loin d’être les champions de la production, il nous faut donc d’ores et déjà trouver des solutions, puisque selon Margrethe Vestager, commissaire européenne à la concurrence, « l’Europe ne pourra jamais se passer totalement des puissances étrangères pour la fabrication de puces électroniques ». À défaut d’avoir la main mise sur la production, nous avons un besoin impérieux de transparence. Il est donc nécessaire d’avoir la visibilité la plus précise et surtout en temps réel afin de pouvoir anticiper et surtout réagir au mieux face à un impondérable causant le ralentissement ou la fermeture d’une usine. Si une « fab » est temporairement impactée, il faut pouvoir presque instantanément connaitre l’état de ses stocks, des commandes en cours, réacheminer les matières premières vers l’usine la plus proche ou encore décider d’un nouvel itinéraire d’acheminement, afin de perdre le moins de temps possible et d’éviter à tout prix un nouvel effet boule de neige désastreux pour nos industries.

 

Tribune rédigée par Mickaël Devena, VP Europe du Sud & Amérique Latine chez project44

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Mickaël Devena
 
 

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