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“On fait le pari de l’IA” : le succès en bourse de Duolingo vu par son fondateur Luis von Ahn

duolingo introduction en bourse
Duolingo explose en bourse à Wall Street

Avec une hausse de 150 % en un an, l’action de Duolingo s’est envolée au Nasdaq. Le cofondateur et CEO, Luis von Ahn, revient pour Forbes France sur les leviers qui ont permis à la plateforme de s’imposer comme l’un des poids lourds de l’apprentissage en ligne.

La petite chouette verte est devenue en quelques mois l’une des étoiles montantes du Nasdaq : son cours a bondi de plus de 150 %, atteignant plus de 540 dollars début mai 2025. Introduite en bourse en juillet 2021 à 102 dollars, l’action a été multipliée par plus de cinq. Le 2 mai, elle a gagné 21,6 % en une seule séance, à la faveur de résultats financiers meilleurs que prévu. La valorisation dépasse désormais 22 milliards de dollars, à hauteur d’entreprises comme Kering ou ArcelorMittal.

« En bourse, les investisseurs voient que nous avons un modèle solide, une vision long terme, et une capacité à innover très vite, notamment sur des sujets comme l’IA, qui vont redéfinir notre industrie. », explique Luis von Ahn à Forbes France.

Une dynamique portée par les abonnements et l’audience

Cette performance repose sur plusieurs indicateurs de croissance. Duolingo compte désormais plus de 10 millions d’abonnés payants, et a battu son record d’utilisateurs actifs quotidiens au premier trimestre 2025 : 46,6 millions selon les derniers résultats financiers. Le chiffre d’affaires a atteint près de 750 millions de dollars en 2024, contre 162 millions en 2020. Les projections pour 2025 visent désormais un chiffre proche du milliard. « Je pense que notre succès vient d’abord du fait que nous avons su créer un produit que nos utilisateurs aiment vraiment utiliser. C’est rare dans le domaine de l’éducation », estime Luis von Ahn. 


Si certains analystes jugent la valorisation actuelle excessive — environ 1 700 dollars par abonné payant — d’autres, comme JPMorgan, misent sur un potentiel de croissance élevé. Duolingo revendique 97,6 millions d’utilisateurs mensuels, soit environ 7 % des apprenants linguistiques dans le monde, en hausse de 35 % sur un an. Le marché reste donc largement ouvert.

« Nous avons une croissance organique très forte, une communauté extrêmement engagée, et une marque qui a su créer un lien émotionnel avec ses utilisateurs. C’est aussi une question de rigueur : nous mesurons tout, nous testons sans cesse, et nous ne nous reposons jamais sur nos acquis », insiste-t-il.

Apprendre de manière ludique

Fondée en 2011 aux États-Unis par Luis von Ahn, ingénieur guatémaltèque, et Severin Hacker, informaticien suisse-américain, Duolingo se présente avant tout comme « une entreprise technologique ». Son succès repose sur une méthode d’apprentissage gamifiée, transformant chaque session en expérience interactive. L’interface, portée par la mascotte verte Duo, incite les utilisateurs à maintenir leur pratique à travers des points, séries de jours (“streaks”) et niveaux à débloquer.

« Nous souhaitons que nos utilisateurs reviennent chaque jour, non pas parce qu’ils doivent apprendre une langue, mais parce qu’ils en ont envie. C’est cette combinaison entre rigueur pédagogique et design engageant qui fait notre force, et affirme notre rôle moteur dans la démocratisation de l’apprentissage, y compris auprès des populations les moins bien desservies. », détaille Luis von Ahn.

L’application couvre aujourd’hui plus de 40 langues : de l’anglais, du mandarin ou de l’espagnol aux langues autochtones comme le navajo, en passant par des langues fictives comme le klingon (utilisé par les extraterrestres dans Star Trek). Duolingo a aussi étoffé son offre avec l’apprentissage du solfège, des mathématiques, des échecs et de la musique.

Un modèle économique « freemium » solide

L’application comptabilise environ 40 millions d’utilisateurs quotidiens, avec une croissance particulièrement forte en France, où la moitié des utilisateurs ont moins de 30 ans. Son expansion s’appuie majoritairement sur le bouche-à-oreille, les réseaux sociaux et la diffusion de contenus humoristiques qui renforcent l’engagement communautaire. « Je crois que ce qui fait notre particularité est que nos utilisateurs aiment l’idée qu’une application puisse à la fois les amuser… et contribuer à leur développement personnel. », confie Luis von Ahn.

Le modèle freemium propose un accès gratuit à l’essentiel des fonctionnalités, tandis que des options avancées nécessitent un abonnement payant. Si seuls 8 % des utilisateurs sont abonnés, ils génèrent environ 70 % du chiffre d’affaires. Le reste provient de la publicité et d’options premium telles que Super Duolingo, qui offre des contenus personnalisés et des outils supplémentaires. Ce modèle permet à l’entreprise d’afficher une croissance organique rapide sans dépendre uniquement du financement externe.

Accélération stratégique vers l’IA

Depuis 2024, Duolingo a accéléré son virage vers une approche « AI-first ». « Une logique d’accélération et non pas de substitution », garantit Luis von Ahn, qui considère l’IA comme « une opportunité immense pour l’éducation ». Concrètement, l’IA générative est utilisée pour produire rapidement du contenu pédagogique personnalisé, créer des dialogues interactifs pour les abonnés premium, et générer des explications grammaticales sur mesure.

« Avant, créer ce contenu nous prenait des mois. Aujourd’hui, grâce à l’IA, nous pouvons faire ça plus rapidement, toujours sous la supervision de nos experts linguistiques et pédagogiques. Cela nous permet d’aller plus vite, d’être plus précis, et de libérer du temps pour que nos équipes se concentrent sur ce qu’elles font le mieux : innover », justifie Luis von Ahn. Ces propos font d’ailleurs écho à ceux déjà tenus dans une précédente interview à Forbes France : « L’IA générative permet une conversation personnalisée, qui aide à mettre en pratique ce que l’on apprend. »

Duolingo affirme avoir lancé 148 nouveaux cours en un an, plus que lors de ses douze premières années cumulées. Cette accélération repose sur une automatisation partielle de la création de contenus. Par ailleurs, les collaborateurs sont désormais évalués selon leur capacité à intégrer les outils IA dans leurs missions, et tout recrutement doit démontrer l’absence d’alternative automatisable.

L’objectif affiché est clair : proposer d’ici cinq ans une qualité d’apprentissage équivalente à celle d’un tuteur humain. Un pari ambitieux, que la direction considère comme stratégique. « En 2012, nous avons misé sur le mobile, et cela a transformé notre entreprise. Aujourd’hui, nous faisons le pari de l’IA avec la même conviction », conclut von Ahn.

 


Lire aussi : Luis von Ahn, CEO de Duolingo : « L’IA générative offre une conversation permettant de mettre en pratique l’apprentissage de langue »

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