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Oklo : comment l’engouement pour l’IA a fait naître deux nouveaux milliardaires

Oklo
Source : Getty Images
La start-up nucléaire Oklo vaut désormais 21 milliards de dollars. Ses relations avec le secrétaire d’État américain à l’Énergie, Chris Wright et le PDG d’OpenAI, Sam Altman, y ont certainement contribué.

Les actions de la société Oklo, spécialisée depuis 12 ans dans la fission nucléaire, ont augmenté de 47 % au cours de la semaine dernière et de plus de 400 % au cours des six derniers mois, grâce à l’engouement suscité par le potentiel de l’énergie nucléaire pour alimenter l’essor de l’IA. Cette dernière hausse fait suite à la signature d’un accord jeudi 18 septembre entre les gouvernements américain et britannique visant à investir près de 350 milliards de dollars (dans les deux sens) dans l’IA, l’informatique quantique et l’énergie nucléaire.

Malgré cette hausse, il n’est pas encore certain que les accords nucléaires profiteront directement à Oklo. Lundi 22 septembre, l’entreprise basée à Santa Clara a également lancé la construction de sa première centrale nucléaire, au sein du laboratoire national de l’Idaho contrôlé par le département d’État américain à l’Énergie. À la clôture du marché, la capitalisation boursière d’Oklo s’élevait à 21 milliards de dollars.

La croissance fulgurante d’Oklo fait de ses cofondateurs Jacob DeWitte, PDG, et Caroline Cochran, directrice des opérations, un duo de nouveaux milliardaires. Ils ont fondé l’entreprise en 2013, alors que Jacob DeWitte était doctorant en génie nucléaire au MIT. Caroline Cochran, diplômée du MIT avec une maîtrise en génie nucléaire en 2010, venait de terminer un contrat en tant que consultante en marketing et ingénierie.

Le nom de l’entreprise vient des gisements minéraux riches en uranium d’Oklo, au Gabon, réputés pour avoir subi une fission auto-entretenue il y a deux milliards d’années. Selon les estimations de Forbes, la fortune de chaque fondateur s’élèverait désormais à 1,7 milliard de dollars, sur la base de leur participation combinée de 16 % dans Oklo et des quelque 30 millions de dollars provenant de la vente d’actions. Caroline Cochran, âgée de 42 ans, fait partie des trois douzaines self-made-women milliardaires aux États-Unis, et des six âgées de moins de 50 ans.


Malgré la flambée de son action et le fait qu’elle vient de lancer la construction de sa première centrale électrique, la société n’a encore généré aucun chiffre d’affaires et continue de perdre de l’argent, environ 25 millions de dollars au deuxième trimestre et 55 millions de dollars pour l’année se terminant en juin.

Elle bénéficie toutefois d’une relation de longue date avec le secrétaire d’État américain à l’Énergie, Chris Wright, qui a siégé au conseil d’administration d’Oklo jusqu’à sa nomination à son poste au sein du gouvernement en février. Cela a probablement contribué à obtenir le soutien apparent de Donald Trump. « Le marché en a besoin et le souhaite. Le nucléaire est une manifestation de la domination énergétique », a déclaré Jacob DeWitte au président américain dans le Bureau ovale en mai, où Donald Trump a signé des décrets visant à accélérer le développement du nucléaire.

Depuis, le département d’État à l’Énergie a mis en place un calendrier ambitieux pour que trois nouveaux modèles de réacteurs nucléaires à petite échelle atteignent leur première criticité d’ici le 4 juillet 2026. Les relations entre Oklo et le gouvernement américain n’ont pas toujours été au beau fixe : en 2022, la Commission de réglementation nucléaire des États-Unis a rejeté la demande d’Oklo concernant son réacteur, en partie parce qu’Oklo n’avait pas fourni suffisamment d’informations.

À l’heure où le département d’État à l’Énergie cherche à soutenir les start-up nucléaires comme alternatives énergétiques, Oklo bénéficie désormais du soutien fédéral dont elle a besoin. Elle participe actuellement à un programme pilote avec le département d’État à l’Énergie, né des décrets présidentiels de Donald Trump en mai. Oklo n’a pas répondu à la demande de commentaires de Forbes avant la publication de cet article.

Oklo entretient également des liens étroits avec Sam Altman, cofondateur et codirigeant d’AltC, la SPAC qui a introduit Oklo en bourse l’année dernière. Sam Altman a également occupé le poste de président du conseil d’administration d’Oklo de 2015 à avril dernier, date à laquelle il a démissionné, peut-être afin de faciliter la conclusion d’un accord entre Oklo et OpenAI, « alors qu’Oklo explore des partenariats stratégiques pour déployer à grande échelle des énergies propres, notamment pour permettre le déploiement de l’IA », a écrit Sam Altman dans un communiqué.

Sam Altman est également un actionnaire important, détenant une participation estimée à 880 millions de dollars, dont la majeure partie provient de l’achat d’actions fondatrices d’AltC au prix de 0,002 – dollar par action en 2021. Cela représente un retour sur investissement de plus de 70 000 fois, peut-être même son meilleur à ce jour. Brad Lightcap, directeur général d’OpenAI, était également impliqué dans AltC, mais on ignore s’il occupe toujours un poste chez Oklo.

L’objectif à long terme d’Oklo est de produire de l’énergie nucléaire via des centrales à fission rapide, qui utilisent des neutrons plus rapides pour diviser les noyaux atomiques et ainsi produire de l’énergie, plutôt que les réacteurs conventionnels qui utilisent des neutrons plus lents et, souvent, de l’eau. L’entreprise prévoit de concevoir, posséder, construire et exploiter elle-même ces centrales.

Oklo se concentre également sur les réacteurs à petite échelle, que le département d’État à l’Énergie présente comme plus rentables et plus flexibles, mais qui, selon les détracteurs qui souhaitent que des recherches supplémentaires soient menées, pourraient générer davantage de déchets. Une fois commercialement viable, Oklo espère vendre l’électricité directement aux consommateurs par le biais de contrats d’achat d’électricité, plutôt qu’aux grands services publics (le modèle le plus courant).

Les pertes d’Oklo devraient se poursuivre, son objectif étant de mettre en service une centrale d’ici la fin de la décennie. La société n’a pas non plus conclu de « contrat contraignant avec un client pour exploiter une centrale ou fournir de l’électricité ou de la chaleur », selon les documents réglementaires déposés par Oklo. Pour financer tout cela, Oklo est en train de lever jusqu’à un milliard de dollars de capitaux supplémentaires.

Même dans le domaine expérimental d’Oklo, la concurrence est rude, avec notamment la société TerraPower, soutenue par Bill Gates, X-energy, soutenue par Amazon, et Kairos Power, qui a signé un contrat avec Google en 2024. Une autre start-up, Aalo Atomics, a lancé la construction d’un nouveau site de réacteur dans l’Utah et affirme que son réacteur refroidi au sodium sera achevé l’année prochaine. Oklo, qui n’est encore soutenue par aucune grande entreprise technologique (bien qu’elle ait des liens évidents avec OpenAI), devra probablement rivaliser pour obtenir des contrats auprès de ses investisseurs, car les petites entreprises n’auront pas le budget nécessaire pour acheter directement de l’énergie nucléaire expérimentale à une entreprise.

« Si [nous] achetons de l’énergie nucléaire, elle proviendra du mix énergétique », explique Brian Venturo, directeur de la stratégie de la société de cloud computing CoreWeave. « Nous n’avons pas les moyens financiers de nous permettre de nous tromper plusieurs fois. »

Même Sam Altman, l’allié technologique le plus proche d’Oklo, semble avoir pris ses précautions. Son plus gros pari connu est la start-up de fusion nucléaire Helion, dans laquelle il aurait investi 375 millions de dollars en 2021, soit une grande partie de son capital liquide à l’époque. OpenAI serait en pourparlers pour acheter des quantités « considérables » d’énergie nucléaire à Helion, qui a terminé son prototype Polaris en 2024 et prévoit de livrer l’électricité préachetée à Microsoft dès 2028.

Oklo n’est pas la seule fusion SPAC soutenue par des milliardaires à avoir atteint une capitalisation boursière d’un milliard de dollars sans générer de chiffre d’affaires. La société de voitures autonomes Aurora Innovation a fusionné avec une SPAC soutenue par les milliardaires Reid Hoffman et Mark Pincus et est entrée en bourse dans le cadre d’une transaction de 13 milliards de dollars en 2021. La capitalisation boursière d’Aurora s’élève désormais à environ 11 milliards de dollars, bien qu’elle n’ait déclaré aucun chiffre d’affaires en 2024.

Cofondée par Brett Adcock, le milliardaire à l’origine de Figure AI, et financée par le milliardaire Marc Lore, Archer Aviation, qui fabrique des avions électriques à décollage et atterrissage verticaux, est entrée en bourse en 2021 via une SPAC. Depuis, Brett Lore a vendu ses parts dans Archer (qui vaut aujourd’hui environ six milliards de dollars).

Malgré son manque de chiffre d’affaires, l’entreprise compte de nombreux fans. Plus des deux tiers des analystes de Wall Street qui couvrent l’action la recommandent à l’achat, tandis que 90 % des investisseurs particuliers détiennent une position longue. L’enthousiasme des investisseurs pour Oklo ainsi que le renforcement du marché des introductions en bourse pourraient ouvrir la voie à d’autres start-up nucléaires. Cependant, la concurrence s’intensifie et le chiffre d’affaires n’est pas encore au rendez-vous, il faut donc être prudent.

 

Article de Phoebe Liu et Christopher Helman pour Forbes US, traduit par Flora Lucas


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