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Mark Zuckerberg et Meta face à un procès à 8 milliards de dollars pour violation de la vie privée

Meta
Mark Zuckerberg, PDG de Meta, le 31 janvier 2024. Getty Images

Le PDG de Meta, Mark Zuckerberg, l’ex-directrice de l’exploitation Sheryl Sandberg, ainsi que d’autres figures influentes de l’écosystème Facebook, ont comparu mercredi devant un tribunal du Delaware. Ce procès, qui devrait durer une semaine, doit déterminer si les dirigeants actuels et passés de l’entreprise devront verser jusqu’à 8 milliards de dollars de dommages-intérêts. En cause : leur implication présumée dans la violation délibérée d’un accord de confidentialité, à l’origine du scandale Cambridge Analytica.

 

Faits marquants

  • En 2018, des actionnaires de Facebook ont poursuivi les dirigeants de l’entreprise, alléguant qu’ils avaient sciemment violé un accord avec la Federal Trade Commission (FTC) en partageant des données sur les amis des utilisateurs avec des applications tierces à l’insu de ces amis.
  • Facebook, qui a changé de nom pour devenir Meta en 2021, a signé un accord avec la FTC en 2012, dans lequel l’entreprise a accepté de créer un « programme global de confidentialité » pour répondre aux préoccupations en matière de protection de la vie privée soulevées par ses produits.
  • La FTC interdisait alors à Facebook de présenter de manière trompeuse la manière dont il collecte, utilise et partage les « données personnelles protégées » concernant ses utilisateurs (comme leurs noms, adresses, e-mails ou localisations physiques), ainsi que les options dont disposent les utilisateurs pour contrôler la confidentialité de ces données.
  • Selon les plaignants, Mark Zuckerberg, Sheryl Sandberg et d’autres cadres de Facebook auraient sciemment violé cet accord, en permettant à des applications tierces de continuer à collecter les données personnelles des utilisateurs (y compris celles de leurs amis), sans que ces derniers n’aient donné leur consentement ni utilisé l’application.
  • Cette question a été mise en lumière par le scandale Cambridge Analytica, dans lequel les données Facebook de millions d’utilisateurs ont été récoltées par le biais d’une application tierce, et ces données auraient été utilisées pour influencer des événements politiques majeurs tels que le Brexit et l’élection américaine de 2016.
  • Les plaignants accusent également Facebook d’avoir conclu des accords privilégiés avec certaines entreprises, leur permettant de continuer à accéder aux données des amis des utilisateurs, même après que Mark Zuckerberg a affirmé que le partage de ces données était désormais mieux encadré. Parmi les bénéficiaires de ces accords figurent des sociétés dirigées par les investisseurs en capital-risque Marc Andreessen et Peter Thiel, ainsi que par le PDG de Netflix, Reed Hastings ; tous trois membres du conseil d’administration de Facebook à l’époque.

 

Combien de temps durera le procès et qui sera appelé à témoigner ?

Le procès s’est ouvert mercredi devant la Cour de la chancellerie du Delaware, où Meta est légalement enregistrée, et devrait s’étendre sur huit jours. Aucun jury n’est impliqué : le verdict sera rendu directement par le juge, sans doute plusieurs semaines, voire plusieurs mois, après la fin des audiences. D’après Reuters, plusieurs figures de premier plan sont attendues à la barre, dont Mark Zuckerberg, Sheryl Sandberg, Peter Thiel, Marc Andreessen et Reed Hastings.

 

Qui sont les principaux responsables poursuivis ?

Parmi les accusés figurent Mark Zuckerberg, Sheryl Sandberg, ainsi que Konstantinos Papamiltiadis, ancien vice-président chargé des partenariats chez Facebook, qui, selon la plainte, aurait sciemment conclu des accords avec des applications tierces en violation de l’accord signé avec la FTC en 2012. L’action en justice vise également des membres du conseil d’administration à l’époque, notamment Marc Andreessen, Peter Thiel et Reed Hastings, dont les entreprises ont bénéficié d’accords avantageux qui auraient enfreint cet accord. Sont aussi cités d’autres administrateurs de Facebook, comme Susan Desmond-Hellman, ancienne directrice générale de la Fondation Gates, Peggy Alford, directrice financière d’eBay, et Kenneth Chenault, ancien PDG d’American Express. Deux anciens chefs de cabinet de la Maison Blanche sont également visés pour leur rôle au sein du conseil : Erskine Bowles, conseiller sous Bill Clinton, et Jeff Zients, ancien chef de cabinet de Joe Biden, qui a quitté le conseil pour rejoindre la Maison Blanche.


 

Nombre important

8 milliards de dollars. C’est la somme réclamée par les actionnaires aux dirigeants poursuivis, représentant selon eux le coût total des frais engagés par Facebook à cause des activités présumées illégales de ses dirigeants.

 

Que reprochent précisément les actionnaires dans cette affaire ?

Les actionnaires à l’origine du procès avancent plusieurs accusations, affirmant que les dirigeants de Facebook étaient pleinement conscients de leurs manquements en matière de protection de la vie privée. Parmi les faits reprochés, Facebook aurait temporairement rendu plus visible un avertissement informant les utilisateurs que leurs données pouvaient être partagées avec des applications tierces, juste après avoir conclu un accord avec la FTC, avant de le replacer discrètement à un endroit moins accessible, et ce, apparemment avec l’accord de Mark Zuckerberg.

Yul Kwon, alors responsable de la protection des données chez Facebook, aurait également alerté Zuckerberg et Sandberg dès 2015, soulignant que le programme de confidentialité était « désorganisé et manquait de ressources », et que la société ne priorisait pas suffisamment les enjeux liés à la vie privée, ce qui représentait un « problème majeur ». Kwon affirme que ses recommandations n’ont pas été appliquées avant le scandale Cambridge Analytica, qui, selon lui, aurait pu être évité si ses conseils avaient été pris en compte.

Les plaignants dénoncent également l’accord de 5 milliards de dollars conclu entre Facebook et la FTC en 2019, affirmant que le conseil d’administration a accepté ce montant élevé pour protéger Zuckerberg de toute responsabilité juridique. Enfin, le procès évoque la vente par Zuckerberg d’environ 5 milliards de dollars d’actions Facebook en 2018, suspectée d’avoir eu lieu alors qu’il connaissait les infractions de l’entreprise en matière de confidentialité.

 

Que soutiennent les défendeurs ?

Les défendeurs rejettent fermement toutes les accusations portées contre eux. Dans un document judiciaire, ils affirment que les plaignants ne disposent d’aucune preuve concrète pour étayer leurs allégations de comportements illégaux. Au contraire, ils soutiennent que les éléments démontreront qu’en dépit de la supervision du conseil d’administration, Facebook a agi efficacement pour se conformer à l’ordonnance de 2012. Selon eux, l’entreprise a mis en place un système rigoureux de contrôle de la confidentialité et a constamment tenu la FTC informée de ses démarches. Les défendeurs assurent que ces preuves contredisent l’image, dressée par les plaignants, d’une entreprise négligeant ses obligations légales.

Ils affirment aussi que leurs partenariats avec certaines entreprises, qui leur ont permis d’accéder à davantage de données, ne violent pas l’ordonnance de la FTC. Par ailleurs, la vente des actions par Zuckerberg est, selon eux, légale et destinée à financer ses engagements philanthropiques. Enfin, ils nient que le scandale Cambridge Analytica soit le résultat d’une faute de Facebook ou de ses dirigeants, estimant qu’il s’agit plutôt d’une manipulation délibérée de la part de Cambridge Analytica, qualifiant cet épisode de « traumatisant » pour l’entreprise, mais pas d’un manquement de ses dirigeants.

 

Évaluation de Forbes

Selon Forbes, la fortune de Mark Zuckerberg était estimée à 242,3 milliards de dollars mercredi après-midi, ce qui fait de lui la troisième personne la plus riche au monde. Plusieurs des défendeurs cités dans ce procès figurent également parmi les plus grandes fortunes mondiales, à l’image de Sheryl Sandberg, dont la valeur nette est évaluée à 2,4 milliards de dollars, Marc Andreessen à 2 milliards, Peter Thiel à 22,7 milliards, et Reed Hastings à 6,8 milliards de dollars.

 

Fait surprenant

Sheryl Sandberg a déjà subi une sanction dans le cadre de ce procès : en janvier, le tribunal l’a punie pour avoir prétendument supprimé des courriels personnels jugés importants pour l’affaire. Reuters souligne que cette décision pourrait compliquer sa défense lors du procès. Toutefois, les informations issues de ces courriels ne seront pas utilisées au tribunal. L’ancienne directrice de l’exploitation a assuré qu’elle utilisait rarement sa messagerie personnelle et que tous les messages supprimés avaient été envoyés en copie à d’autres destinataires, garantissant ainsi la préservation des informations.

 

Qu’est-ce que le scandale Cambridge Analytica ?

Cambridge Analytica était une société spécialisée dans le profilage des électeurs. Elle a obtenu des données d’utilisateurs Facebook via un professeur de l’université de Cambridge, le Dr Aleksandr Kogan, qui avait créé un quiz sur la plateforme. Ce quiz collectait des informations non seulement sur les utilisateurs y ayant participé, mais aussi sur leurs amis. Ces données ont ensuite été transmises à Cambridge Analytica. Selon le New York Times et The Intercept, l’entreprise a utilisé ces informations, ainsi que d’autres sources, pour élaborer des profils psychographiques de près de 30 millions de personnes, alors que seulement 270 000 avaient réellement accepté de participer au quiz. Liée à Steve Bannon, ancien conseiller de Donald Trump, Cambridge Analytica a exploité ces données dans plusieurs campagnes politiques majeures, notamment le Brexit, les élections intermédiaires américaines de 2014, et la présidentielle américaine de 2016, où la campagne de Trump et celle du sénateur Ted Cruz, selon le Times, ont collaboré avec la société. C’est The Guardian qui avait révélé en 2015 l’usage massif des données Facebook par Cambridge Analytica, évoquant notamment l’implication de Cruz.

D’autres enquêtes menées par The Guardian et le New York Times en 2018 ont révélé l’ampleur réelle des activités de Cambridge Analytica, grâce aux révélations d’un lanceur d’alerte. Ces publications ont déclenché une série d’enquêtes officielles et d’actions en justice, dont ce procès intenté par les actionnaires. Suite au scandale, Facebook et Mark Zuckerberg ont présenté des excuses publiques et renforcé les contrôles sur la confidentialité des données. Zuckerberg a même témoigné devant le Congrès, reconnaissant que l’entreprise « n’a pas fait assez pour empêcher l’utilisation abusive de ces outils » et assumant pleinement la responsabilité de la fuite de données : « C’était mon erreur, et j’en suis désolé. J’ai créé Facebook, je le dirige, et je suis responsable de ce qui se passe ici. » Cambridge Analytica a fait faillite en 2018. Par ailleurs, Facebook a dû s’acquitter de lourdes sanctions financières, notamment une amende record de 5 milliards de dollars infligée par la FTC, une sanction de 100 millions de dollars de la Securities and Exchange Commission (SEC), un règlement judiciaire de 725 millions de dollars, ainsi qu’une amende de 500 000 livres sterling (environ 645 000 dollars) infligée par l’Information Commissioner’s Office au Royaume-Uni.

 

Un article de Alison Durkee pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie


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