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Libre-échange : l’Indonésie, nouvel eldorado pour les entrepreneurs européens ?

Alors que Bruxelles et Jakarta viennent de sceller un accord de libre-échange historique, l’Indonésie poursuit sa stratégie pour s’imposer parmi les grandes puissances économiques mondiales. Une opportunité que les entrepreneurs européens ne comptent pas laisser passer.

On les retrouve plutôt à Jakarta et Bali, spots préférés des expatriés occidentaux toujours plus nombreux à percevoir la destination comme une terre d’opportunités. Australiens, Anglais, Américains, les Anglo-saxons composent le contingent de la première heure, ils ont été rejoints au fil des ans par les francophones. Suisses, Belges et Français en tête. Le réseau InterNations a récemment mené une étude auprès de 10.000 expats qui classe au 8ème rang (sur 46) l’Indonésie parmi les pays où il fait bon de s’installer.

Cette attractivité trouve notamment sa source dans le nouveau « costume » endossé par la nation asiatique, laquelle multiplie les road-shows économiques à la rencontre des cercles d’affaires et institutionnels. Souvent à l’initiative, ses ambassades jouent les VRP par de nombreuses activations : cycles de conférences, présence renforcée dans des salons et forums, interventions d’entrepreneurs étrangers venus accréditer l’idée d’une Indonésie ouvrant grand ses portes. Et les opportunités.

Lors de sa tournée asiatique au printemps dernier, le président Emmanuel Macron a marqué l’étape dans cet immense territoire s’étalant sur 17,000 îles entre l’océan Pacifique et l’Océan Indien. Chine ou Japon ne sont plus les seuls marchés retenant l’attention de l’Hexagone.

« Je suis heureux d’ouvrir une nouvelle perspective avec des commandes nouvelles de Rafale, de Scorpène, de frégates légères, avec aussi des exercices conjoints consolidés […] de renforcer la résilience des chaînes de valeur avec des projets dans de nombreux domaines qui ont été signés aujourd’hui, le secteur des métaux critiques, le développement de capacités énergétiques décarbonées, mais aussi des projets en matière satellitaire, en matière d’agroalimentaire. », avait déclaré le chef de l’Etat en résumé de ses pourpalers avec son homologue indonésien, Prabowo Subianto.


Paris entend bien se positionner dans cette course de séduction savamment entretenue par le plus vaste archipel du globe. Quelque 17 milliards d’euros ont été signés à l’issue de cette visite consolidant la coopération franco-indonésienne.

 

600 millions d’euros aux exportateurs européens 

Ce 23 septembre, c’est à l’échelon des Vingt-Sept qu’un traité de libre-échange a été signé, ouvrant de nombreuses perspectives pour les deux marchés. Cet accord, baptisé CEPA (pour Comprehensive Economic Partnership Agreement), doit permettre une exemption de droits de douane à hauteur de 80 % des produits indonésiens entrant sur le marché européen, tandis qu’il offrira près de 600 millions d’euros d’économies aux exportateurs européens. « L’Union et l’Indonésie envoient un message fort au monde selon lequel nous sommes unis dans notre engagement en faveur d’un commerce international ouvert, fondé sur des règles et mutuellement bénéfique. », s’est félicité le commissaire européen chargé du Commerce, le Slovaque Maros Sefcovic. Un message à peine voilé en direction de Washington et sa politique douanière agressive. Alliés ou pas.

Vu d’Indonésie, un entrepreneur français établi sur place accueille d’un très bon œil ce rapprochement :

« J’ai fondé 7am Bakery à Bali afin d’exporter nos pains, viennoiseries et pâtisseries made in France. En deux ans, je suis passé d’une à six boutiques. En Indonésie, petits commerces et grandes structures supervisés par des Occidentaux ont la possibilité de prospérer grâce à une demande grandissante des locaux et des étrangers qui débarquent en nombre. Ce traité avec l’Europe est un bon signal. », partage le fondateur Maxime Chene.

À côté des métiers de bouche, l’écosystème tech se réjouit également de ce pacte en y voyant une opportunité de promouvoir le savoir-faire français. La Chambre de Commerce et de l’Industrie tricolore a œuvré conjointement avec l’ambassadeur de France en Indonésie, S.E. Fabien Penone, à renforcer son ancrage avec la French Tech indonésienne. Capter les opportunités en amont est un enjeu pour la France qui a conscience que ses voisins européens ne lésineront pas sur les moyens pour se consolider aussi. « Prabowo Subianto est parfaitement francophone et même francophile, il apprécie la culture française. Cela rend spéciale notre relation. Notre place. », confie un porte-parole consulaire.

 

Un écosystème entrepreneurial en pleine effervescence

Au-delà des grands contrats d’État et du traité CEPA, l’Indonésie s’impose comme un véritable laboratoire entrepreneurial. Selon le Global Entrepreneurship Monitor, plus d’un tiers des Indonésiens adultes envisagent de lancer une entreprise dans les trois prochaines années, un taux parmi les plus élevés au monde.

Les indicateurs confirment cette vitalité : la croissance du PIB a atteint +5,12 % au deuxième trimestre 2025, tirée par l’investissement (+6,9 % sur un an). Le pays a aussi intensifié ses réformes pour attirer les capitaux étrangers, en simplifiant la création d’entreprise via la plateforme unique OSS et en réduisant les barrières réglementaires dans des secteurs stratégiques comme le numérique, l’énergie ou l’agroalimentaire.

Cette dynamique bénéficie aussi aux entrepreneurs étrangers, soutenus par la communauté French Tech présente à Jakarta et Bali, qui multiplie les initiatives pour connecter startups locales et investisseurs européens.

Côté innovation, le marché digital indonésien est désormais le plus vaste d’Asie du Sud-Est, avec une valeur estimée à 90 milliards de dollars en 2024 (+13 % vs 2023). Une génération de fondateurs locaux gagne aussi en visibilité internationale : 21 entrepreneurs indonésiens ont été distingués par l’organisation Endeavor en 2025 parmi les profils à suivre dans la région. Et Jakarta s’apprête à devenir, les 14 et 15 octobre prochains, la capitale mondiale de l’investissement en accueillant le prestigieux Forbes Global CEO Conference, vitrine planétaire pour startups et investisseurs.

 

Une transformation à grande vitesse

Cette montée en puissance ne concerne pas seulement les startups et la tech. L’immobilier et les infrastructures constituent également un pilier majeur de la stratégie de modernisation, avec des projets d’ampleur nationale comme la nouvelle capitale Nusantara. Le pays pose en modèle les projets portés par l’entreprise NEXA, un opérateur immobilier associé à cette stratégie. Parmi ses chantiers figure la construction de la nouvelle capitale sur l’île de Bornéo pour remplacer Jakarta qui s’enfonce sous le niveau de la mer.

Ces initiatives traduisent la volonté de diversifier l’économie bien au-delà du tourisme. L’Indonésie fait passer le message à ses interlocuteurs qu’elle n’est pas seulement une destination carte-postale : l’ex-colonie hollandaise se transforme à vitesse grand V pour anticiper les grands changements technologiques de notre ère, encourageant ainsi les investissements dans l’intelligence artificielle et la transition énergétique.

Quid de la tendance géopolitique, seule donnée capable de mettre en péril l’action d’un État en pleine mutation ? En tant que nation non-alignée et chantre du dialogue dans un continent éloigné des zones de conflits majeurs, l’Indonésie peut compter sur sa stabilité autant que sur sa capacité à parler aux partenaires russes, chinois, français ou américains.

« Dans le monde que nous partageons, qui est en effet marqué par l’instabilité, les menaces, les appels au repli sur soi, l’identité indonésienne, attachée à la tolérance et à l’ouverture aux autres cultures, ne peut qu’être inspirante. C’est sans doute pour cette raison que nous partageons la même approche des grandes crises internationales. », avait appuyé le président Emmanuel Macron lors de sa visite d’état. 

Dans cinq ans, la région Asie-Pacifique accueillera plus de 535 millions de visiteurs annuels et l’Indonésie veut sans complexes se tailler l’une des parts du lion.

 


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