L’essor des outils d’IA bouscule le monde de l’entreprise, y compris la profession juridique et ses usages, au point de susciter parmi ses membres des craintes liées à la menace que cela pourrait représenter pour les professionnels du droit. Sont-ils voués à disparaître ? A être remplacés par des algorithmes ? Bien au contraire, l’intégration de cette évolution technologique au sein des directions juridiques peut constituer un véritable levier de performance, à condition d’en conserver la maitrise et d’accompagner les équipes dans cette transformation.
Une contribution de Jeanne Méhaud, Responsable Juridique – T-Systems France
Aujourd’hui, les juristes sont appelés à livrer des avis de plus en plus précis et dans des délais toujours plus courts, dans des domaines qui sont de plus en plus variés et réglementés. Le principal bénéfice que le juriste peut tirer de l’IA réside dans l’automatisation des tâches répétitives et chronophages, à faible valeur ajoutée.
De nombreux outils d’IA et Legaltech sont disponibles et déjà utilisés au quotidien dans un nombre croissant de cabinets d’avocats et directions juridiques, en particulier pour la veille et la traduction juridique, l’analyse et la synthèse de documents.
L’IA donne accès, de manière instantanée, à une masse considérable de documents et données juridiques, qu’elle peut tout aussi rapidement organiser, trier et synthétiser. L’accès aux textes légaux et règlementaires de pays tiers est désormais à portée immédiate, ce qui permet au juriste de se forger une première opinion dans un délai très bref. Le travail de rédaction et d’analyse de contrats s’en trouve également facilité, puisqu’il est possible de déléguer différentes tâches, telles que l’identification des écarts entre différentes versions, la synthèse des dernières modifications, la rédaction de clauses contractuelles, de trames de courriers ou de notifications.
En se délestant de ces tâches pour les automatiser, les juristes peuvent se concentrer sur l’analyse stratégique, la négociation et le conseil, apportant ainsi une valeur ajoutée significative à leur entreprise.
Défis et enjeux liés à l’utilisation de l’IA générative
Un des enjeux majeurs réside dans la fiabilité des informations générées par l’IA. Les hallucinations sont une réalité, l’IA pouvant citer des jurisprudences qui semblent parfaitement authentiques, mais sont totalement fictives et dont l’utilisation pourrait engendrer des erreurs aux conséquences potentiellement graves. Les biais doivent également être décelés. Le juriste doit donc constamment exercer son esprit critique et prendre le recul nécessaire face aux résultats générés pour en garder la maîtrise.
La gestion de la confidentialité est également clé. Les informations liées aux contrats ou aux contentieux d’une entreprise sont par nature stratégiques et doivent être protégées. Le choix d’un outil d’IA implique de vérifier soigneusement les conditions de confidentialité et d’utilisation des données. Cette vigilance se poursuit lors de son utilisation, par le recours à certaines précautions élémentaires telles que l’anonymisation des documents et le retrait d’informations sensibles ou stratégiques avant de charger un document dans le système.
Face à ces défis, les entreprises doivent anticiper et accompagner cette transformation par la mise en place de chartes d’utilisation pour l’ensemble des équipes.
Le juriste, acteur de cette transformation
Le juriste, avec le savoir-faire et les soft skills dont il dispose, reste indispensable pour assurer un usage raisonné et maîtrisé de ces outils innovants au service de l’entreprise. C’est la synergie entre les capacités automatisées des outils d’IA et l’expertise juridique humaine qui permettra au « juriste augmenté » de conserver un rôle central dans la mise en œuvre du droit.
La formation des juristes est essentielle, ils doivent être soutenus dans l’acquisition de nouvelles compétences : formuler des prompts pertinents, challenger l’outil pour vérifier et affiner les résultats obtenus. L’aisance vient par l’usage, l’expérimentation est clé pour rester acteur de cette transformation. Les juristes qui intègrent ces outils à leur pratique en retirent assurément un avantage décisif.
Le développement de cette appétence permet d’ailleurs au juriste de se positionner au cœur des projets innovants de l’entreprise, aux côtés d’experts techniques, pour accompagner les autres équipes dans leurs propres tournants technologiques. De nouveaux métiers se développent : Legal Ops, Expert en IA Juridique. La technologie offre aux professions juridiques l’opportunité de se renouveler.
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