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Les investisseurs automobiles européens pourraient sous-estimer la menace des droits de douane de Donald Trump

droits de douane
Droits de douane UE VS États-Unis. | Source : Getty Images

L’ambiance est calme parmi les investisseurs européens du secteur automobile, qui attendent l’échéance des négociations entre les États-Unis et l’Union européenne (UE) sur les droits de douane. Cependant, avant de se réjouir trop vite, ils devraient se rappeler que l’objectif du président américain est de mettre fin à ce qu’il considère comme un charcutage commercial européen de longue date qui pourrait empêcher la conclusion d’un accord sur les véhicules automobiles.

 

Donald Trump a suspendu pour 90 jours, jusqu’au 9 juillet, sa tentative de réforme globale des droits de douane sur les échanges commerciaux américains. Les États-Unis avaient imposé des droits de douane de 20 % sur les produits européens, mais les avaient rapidement suspendus avant l’échéance. Le mois dernier, le président américain avait menacé d’imposer des droits de douane de 50 % en raison de l’enlisement des négociations, mais après s’être entretenu avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, il est revenu sur sa décision et a reporté l’échéance au 9 juillet.

Dans son dernier rapport, HSBC Global Research relève la confiance générale dans la possibilité d’éviter une guerre tarifaire désastreuse, du moins dans le secteur automobile : « La confiance semble s’accroître autour d’un accord avec les États-Unis qui prévoit un certain assouplissement des droits de douane. Si cet accord est conclu, les bénéfices, en particulier ceux des constructeurs allemands, devraient augmenter, mais nous ne sommes pas convaincus que cela suffira à effacer toutes les difficultés. »


Outre les inquiétudes liées aux répercussions possibles d’une guerre tarifaire avec les États-Unis, les valeurs automobiles européennes ont été secouées par une série de facteurs négatifs. Parmi ceux-ci figurent le ralentissement en Chine, où Volkswagen, BMW et Mercedes ont vu leurs bénéfices traditionnellement élevés reculer ; l’impact de la Chine en Europe avec la progression de ses importations et les taux d’intérêt élevés ainsi que la morosité économique qui pèsent sur la confiance des consommateurs.

 

Les inquiétudes tarifaires s’apaisent

Depuis avril, les inquiétudes des investisseurs concernant le poids éventuel des droits de douane américains se sont apaisées, selon la banque d’investissement UBS.

Dans une récente note de recherche, Bernstein Research s’est penché sur l’impact sur les fabricants européens d’une pression modérée exercée par la hausse des droits de douane américains sur les automobiles.

« BMW et Mercedes sont mieux placés grâce à leur importante présence industrielle aux États-Unis et peuvent augmenter leur production américaine sans dépenses supplémentaires [d’investissement]. La forte puissance de prix de la marque Ferrari limite l’impact sur son EBIT [bénéfice avant intérêts et impôts] », indique le rapport. « En revanche, VW et Porsche restent fortement exposés, avec un impact sur l’EBIT compris entre 500 et 900 millions d’euros selon les hypothèses de répercussion. »

 

Des prévisions impossibles

Le professeur Ferdinand Dudenhoeffer, directeur du Centre de recherche automobile allemand, a déclaré qu’il lui était impossible de prédire les actions du Donald Trump, mais qu’il espérait une solution qui éliminerait les droits de douane des deux côtés.

« Ma suggestion serait la suivante : pas de droits de douane sur les voitures et les pièces automobiles. Cela inclut les semi-conducteurs, les logiciels et les technologies de l’information destinés aux voitures, aux constructeurs automobiles et aux fournisseurs », a déclaré Ferdinand Dudenhoeffer dans un échange de courriels.

« Ainsi, si Mercedes construit la CLK [voiture de sport deux places] à Stuttgart, le constructeur automobile a besoin de semi-conducteurs de Nvidia et de logiciels de Google Maps. Et il ne s’agit pas seulement de Nvidia et Alphabet, mais aussi de Microsoft, Amazon, Oracle, Qualcomm et d’autres entreprises qui “exportent” des logiciels, des semi-conducteurs et des solutions cloud des États-Unis vers l’Europe. Des budgets très importants sont en jeu. Pas seulement pour les constructeurs automobiles, mais aussi pour les fabricants de pièces détachées et les fournisseurs. »

« Cela pourrait donc être aussi simple que cela : pas de droits de douane sur les voitures et les pièces détachées automobiles dans les deux sens. Les États-Unis y gagneraient plus qu’avec des droits de douane de 33 % sur quelques importations de grandes berlines ou de voitures de sport », a-t-il déclaré.

Donald Trump a indiqué que la concurrence internationale, en particulier celle de l’UE, a bénéficié des faibles droits de douane traditionnels des États-Unis, qui n’ont pas été réciproques. Il insiste sur le fait que son objectif ultime est le libre-échange.

 

Donald Trump déterminé à mettre fin à la duplicité de longue date de l’UE

Au début de l’année, l’ancien ambassadeur américain auprès de l’UE, Gordon Sondland, a déclaré dans une interview à la BBC que Donald Trump était déterminé à corriger ce qu’il considère comme une injustice de longue date de la part de l’UE par le biais de droits de douane et de barrières non tarifaires.

Gordon Sondland a déclaré que l’UE imposait des barrières cachées aux produits américains. Pour les voitures, cela peut se traduire par des normes de sécurité différentes. Dans le domaine alimentaire, il existe également des normes qui déplaisent à l’UE. Le bœuf aux hormones est l’un des sujets de discorde.

« Si nous vous vendons un légume, une voiture ou un produit qui peut être utilisé en toute sécurité aux États-Unis, il devrait être considéré comme sûr dans l’UE », a déclaré Gordon Sondland, précisant qu’il ne s’exprimait pas au nom du gouvernement américain.

Forbes lui a demandé de résumer le plan tarifaire de Donald Trump pour l’Europe et le monde. « Les États-Unis en ont assez de parler des obstacles à leur commerce extérieur et veulent maintenant passer à l’action », a-t-il déclaré.

Gordon Sondland était ambassadeur auprès de l’UE pendant le premier mandat de Donald Trump.

 

Le grand avantage des États-Unis dans le secteur des services

Les Européens soulignent que, si leur déficit commercial avec les États-Unis est important, l’avantage américain dans des services tels que les hautes technologies, les médias et les logiciels est encore plus grand.

Avant que Donald Trump n’instaure les nouvelles taxes, les États-Unis imposaient une taxe de 2,5 % aux constructeurs automobiles européens, tandis que l’Europe imposait une taxe de 10 % sur les importations américaines.

Le cabinet de conseil automobile JATO Dynamics a souligné l’énorme déséquilibre dans le commerce automobile entre les États-Unis et l’UE, avec 821 000 véhicules circulant de l’UE vers les États-Unis en 2024 et seulement 188 100 dans le sens inverse. Dans un rapport, JATO Dynamics a déclaré que cela était dû en partie au manque d’attrait mondial des véhicules fabriqués aux États-Unis.

Cela pourrait déclencher une vague de protectionnisme américain. « Une nouvelle vague de protectionnisme américain pourrait bouleverser l’industrie automobile mondiale, alors que les États-Unis cherchent à corriger un déséquilibre persistant avec l’UE dans le commerce des véhicules », a indiqué JATO Dynamics dans son rapport.

Selon ce rapport, les acheteurs américains souhaitent des véhicules beaucoup plus grands que les Européens.

 

L’Europe ne veut pas de gros SUV ni de pickup ?

« Les pickups et les gros SUV, dans lesquels les constructeurs automobiles américains se sont largement spécialisés, ont été une arme à double tranchant », a commenté Felipe Munoz, analyste mondial chez JATO Dynamics.

« Bien qu’ils aient été une source importante de rentabilité pour les deux plus grands constructeurs automobiles américains, General Motors et Ford, la demande pour ces véhicules sur d’autres marchés n’existe pas à la même échelle qu’aux États-Unis », a déclaré Felipe Munoz.

« Sans un effort concerté des constructeurs américains pour développer des produits véritablement mondiaux, conformes aux exigences réglementaires et aux préférences spécifiques du marché, ce déséquilibre risque de persister », a précisé Felipe Munoz.

Le président américain pourrait souligner qu’il s’agit là d’un autre exemple des barrières cachées de l’UE aux importations américaines, car les Européens pourraient bien être désireux d’acheter d’énormes SUV et pickups américains, mais ne peuvent se permettre de les utiliser en raison des taxes élevées sur les carburants. Il en coûte environ trois fois plus cher aux Européens de faire le plein de leurs SUV et berlines qu’aux Américains en raison de taxes élevées qui seraient inacceptables aux États-Unis.

 

Une contribution de Neil Winton pour Forbes US, traduite par Flora Lucas


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