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Les agents IA font entrer le SaaS en pilotage automatique 

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Les agents IA font entrer le SaaS en pilotage automatique

Estimé à 317 milliards de dollars en 2024, le marché mondial du SaaS poursuit sa croissance fulgurante, avec des projections dépassant les 1 200 milliards d’ici 2032. En France, il devrait atteindre une valorisation de près de 11 milliards de dollars dès 2025. Dans ce contexte d’essor constant, l’émergence des agents IA marque un tournant majeur — mais pas une rupture. L’histoire des technologies nous l’enseigne : les grandes transitions suppriment rarement les marchés, elles les transforment, et souvent, les amplifient. Les rôles évoluent, certaines tâches sont automatisées, d’autres apparaissent, et les marchés s’adaptent. 

Une contribution de Guillaume Moigneu, Field CTO

 

Le SaaS traditionnel atteint ses limites 

Au cours des deux dernières décennies, le modèle SaaS s’est construit sur des couches logicielles codées à la main, articulées autour d’interfaces graphiques, de workflows définis et de parcours utilisateurs soigneusement balisés. Le produit se matérialisait dans l’écran : il fallait cliquer, dérouler, configurer, parfois se former. Cette approche, qui a fait la force des SaaS dans leur phase d’expansion, commence aujourd’hui à atteindre ses limites. 

L’essor des agents IA vient en effet remettre en question ces fondements. En interagissant directement avec les systèmes, ces intelligences autonomes contournent les interfaces et s’émancipent des logiques d’usage traditionnelles. Là où il fallait hier naviguer dans un dashboard, l’utilisateur peut désormais simplement exprimer une intention, et laisser l’IA la traduire en actions concrètes. Le logiciel ne se manipule plus, il se pilote, voire il anticipe. Il ne s’agit pas de la fin du développement logiciel, mais plutôt de sa transformation. 

  

L’IA ne remplace pas les développeurs, elle les augmente 

Le mythe de la disparition du développeur est persistant, mais infondé. Lors de l’émergence du cloud, beaucoup pensaient que les métiers d’administrateurs systèmes ou d’ingénieurs infrastructure allaient disparaître. Au contraire, ces rôles ont perduré et se sont transformés. Les grands fournisseurs cloud sont devenus leurs principaux employeurs, et tout a été centralisé au sein de plateformes. 

L’IA suit aujourd’hui la même dynamique. À l’image de l’exosquelette d’Iron Man, elle est un outil d’augmentation des capacités humaines, pas un substitut intégral. Elle vient soulager les équipes des tâches répétitives, pour leur permettre de se concentrer sur l’architecture, l’expérience utilisateur et l’impact business. Dans cette nouvelle donne, le métier de développeur devrait évoluer et se diversifier. Certains se spécialiseront en prompt engineering, une nouvelle forme de programmation centrée sur la conception d’instructions pour les modèles d’IA. D’autres resteront sur des fonctions plus traditionnelles, cruciales à la maintenance des systèmes existants, notamment dans les grandes organisations. 

Cette évolution pourrait également faire émerger de nouveaux rôles, à la frontière entre tech et produit. Le développement, qui nécessitait autrefois une pratique quotidienne pour rester à niveau, va devenir accessible à des profils hybrides. Un chef de produit ou un manager technique pourra désormais modéliser un besoin, concevoir une application fonctionnelle, et la déployer — sans dépendre d’une équipe de développement complète. En abaissant les barrières à l’entrée, l’IA permet de faire du développement un langage partagé. 

 

Le SaaS doit se fragmenter pour mieux dialoguer 

Il est essentiel de replacer cette transition dans son contexte économique. Aujourd’hui, les modèles d’IA sont relativement peu coûteux, massivement subventionnés par les géants du secteur qui investissent des centaines de milliards pour imposer leur modèle et capter l’usage. Cette course à la domination, destinée à éviter une nouvelle concentration de pouvoir comme celle observée avec le cloud, permet aux entreprises SaaS d’expérimenter l’IA à faible coût pour accélérer leurs projets. A terme, l’IA devrait réduire le coût de production des logiciels, à l’image du cloud qui a fait baisser celui de leur distribution. 

Dans ce nouveau paysage, les SaaS doivent repenser leur modèle à deux niveaux. En interne, il ne s’agit pas seulement d’adopter l’IA comme un levier d’augmentation individuelle, mais de restructurer l’ensemble des processus. À l’image de la révolution DevOps, l’IA agit comme un catalyseur d’agilité. Avec l’effacement progressif des frontières entre les rôles, les équipes vont se restructurer et gagner en autonomie. Ce gain d’efficacité ne vise pas à réduire les effectifs, mais à augmenter la vélocité collective et livrer plus rapidement. 

Sur le plan structurel, les agents IA tendent à remplacer les couches d’intégration traditionnelles : ce ne sont plus les développeurs qui orchestrent les échanges entre outils, mais les agents eux-mêmes. Les SaaS doivent donc fragmenter leurs fonctionnalités en modules interopérables et accessibles via des APIs claires. Le SaaS de demain ne sera plus un monolithe fonctionnel, mais un ensemble distribué, conçu pour dialoguer avec des intelligences autonomes.  

Loin de sonner la fin du SaaS, l’IA en devient son copilote, augmentant sa portée et décuplant son agilité. L’enjeu est clair : il ne s’agit plus seulement de construire des outils, mais de bâtir des écosystèmes capables de comprendre, d’anticiper et d’agir avec les agents — ouvrant une nouvelle voie vers l’innovation. 

 


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