Le tragique accident survenu jeudi matin près d’Ahmedabad, en Inde, impliquant le vol AI171 d’Air India, un Boeing 787-8 Dreamliner, a provoqué une onde de choc dans le secteur aérospatial, ravivant les inquiétudes concernant la sécurité et la fiabilité de l’un des géants industriels américains. L’incident, qui a coûté la vie à plus de 200 personnes (une seule personne a survécu au crash), selon l’Associated Press, est le premier accident mortel d’un Boeing 787 Dreamliner depuis son lancement en 2011.
Pendant ce temps, l’Union européenne (UE) est aux prises avec une nouvelle proposition audacieuse en matière de fabrication de matériel de défense qui pourrait redessiner la dynamique mondiale de l’aérospatiale, comme le rapporte Euractiv. Ensemble, ces développements soulignent les risques accrus dans le secteur aérospatial américain, renforçant la nécessité cruciale de diversifier les portefeuilles afin d’atténuer l’exposition à cette industrie volatile.
L’accident d’Ahmedabad a remis en lumière le bilan de Boeing en matière de sécurité. Le 787 Dreamliner, autrefois célébré pour son historique de sécurité irréprochable, a été victime d’une catastrophe peu après son décollage. Les premiers rapports publiés par India Today font état d’une possible panne électrique ou de problèmes structurels.
Dans un communiqué de presse, Kelly Ortberg, président-directeur général de Boeing, a déclaré : « Nous adressons nos plus sincères condoléances aux proches des passagers et des membres d’équipage du vol Air India 171, ainsi qu’à toutes les personnes touchées à Ahmedabad. J’ai parlé avec le président d’Air India, N. Chandrasekaran, pour lui offrir notre soutien total, et une équipe Boeing se tient prête à appuyer l’enquête menée par le Bureau indien d’enquête sur les accidents d’aviation. »
Cette tragédie fait suite à des années d’examen minutieux des pratiques de fabrication de Boeing, amplifiées par les accusations de lanceurs d’alerte. En 2024, l’ingénieur de Boeing Sam Salehpour a déposé une plainte auprès de l’Administration fédérale de l’aviation américaine, mettant en garde contre des défauts structurels du fuselage du 787 dus à des pratiques d’assemblage inadéquates, notamment l’alignement forcé de pièces mal alignées. Un autre lanceur d’alerte, feu John Barnett, avait soulevé des préoccupations similaires concernant l’usine de Boeing en Caroline du Sud, affirmant que des pièces non conformes avaient été utilisées pour accélérer la production. Ces problèmes, combinés aux crises du 737 MAX de Boeing en 2018 et 2019, qui ont coûté la vie à 346 personnes, ont érodé la confiance du public et des investisseurs.
La réaction du marché a été rapide : selon Reuters, l’action Boeing a chuté de 5 % en début de séance aujourd’hui, reflétant les craintes des investisseurs concernant un regain de vigilance réglementaire, d’éventuelles responsabilités juridiques et une demande accrue pour l’A350 d’Airbus, les compagnies aériennes et les loueurs se détournant de la flotte en difficulté de Boeing.
Cet accident survient également quelques semaines après que Boeing ait accepté un accord à hauteur de 1,1 milliard de dollars avec le département d’État américain à la Justice concernant les incidents impliquant le 737 MAX, comme l’a rapporté le Wall Street Journal. Pour les investisseurs, cela souligne un problème plus large : les défis systémiques de Boeing, qui vont du contrôle qualité à la gouvernance d’entreprise, font peser des risques importants sur sa stabilité à long terme.
Dans le même temps, le paysage aérospatial européen est en pleine mutation sous l’effet d’une nouvelle proposition de la Commission européenne visant à renforcer son industrie de défense. Cette initiative, qui vise à réduire la dépendance vis-à-vis des États-Unis et d’autres fournisseurs étrangers, comprend des règles « Buy European » (« Achetez Européen ») qui pourraient donner la priorité aux fabricants basés au sein l’UE, tels qu’Airbus.
Cette politique, qui s’inscrit dans le cadre d’un plan d’investissement de 1,5 milliard d’euros dans le domaine de la défense jusqu’en 2027, vise à renforcer l’autonomie stratégique dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes. Toutefois, elle a suscité un débat parmi les États membres de l’UE et pourrait entraîner des tensions dans les relations transatlantiques ou limiter l’accès aux technologies de pointe américaines. Pour les entreprises aérospatiales américaines, cette proposition menace leurs parts de marché dans une région qui représente une part importante des dépenses mondiales en matière de défense.
La volonté de l’UE de devenir autonome pourrait accélérer la domination d’Airbus sur les marchés commerciaux et de la défense, d’autant plus que Boeing est confronté à des difficultés financières et à une détérioration de sa réputation. Airbus, qui a évité les scandales majeurs en matière de sécurité ces dernières années, pourrait bénéficier d’une augmentation des commandes pour ses avions militaires A350 et A400M, d’autant plus que les pays européens privilégient les fournisseurs locaux.
Cette dynamique exerce une pression supplémentaire sur les entreprises aérospatiales américaines, qui dépendent fortement des exportations. Lockheed Martin, Raytheon et d’autres entrepreneurs américains du secteur de la défense pourraient voir leur accès aux marchés européens restreint, ce qui compliquerait encore leurs perspectives de croissance.
Ces développements soulignent les risques élevés dans le secteur aérospatial américain. Les problèmes de sécurité persistants de Boeing, associés à une perte potentielle de parts de marché au profit de ses concurrents européens, créent des perspectives incertaines. La volatilité du secteur est aggravée par des incertitudes économiques plus générales, notamment les perturbations de la chaîne d’approvisionnement et la hausse des coûts des matières premières. Pour les investisseurs, une surpondération des valeurs aérospatiales américaines, en particulier Boeing, comporte un risque de baisse important. Un seul incident, comme le crash de jeudi, peut déclencher des baisses brutales, tandis que les défis structurels, tels que les accusations de lanceurs d’alerte et les sanctions réglementaires, érodent la valeur à long terme.
La tragédie d’Ahmedabad et les ambitions européennes en matière de défense rappellent cruellement les incertitudes qui pèsent sur l’aérospatiale américaine. Alors que Boeing s’efforce de rétablir la confiance sous une nouvelle direction, la voie à suivre est semée d’embûches. Les investisseurs doivent reconnaître qu’aucun secteur, aussi prestigieux soit-il, n’est à l’abri de perturbations. En privilégiant la diversification, ils peuvent traverser cette période de turbulences et protéger leurs portefeuilles contre les risques croissants du secteur.
Une contribution de Dan Irvine pour Forbes US, traduite par Flora Lucas
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