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La suppression de deux jours fériés rapportera-t-elle vraiment 4,2 milliards d’euros comme le prétend François Bayrou ?

La hausse de la productivité et du PIB pourrait effectivement engendrer des recettes fiscales supplémentaires pour l’État. Toutefois, cette mesure aurait aussi des effets négatifs, notamment pour le secteur touristique et la consommation.

 

Aux grands maux, un remède impopulaire : ce lundi 14 juillet, le Premier ministre a dévoilé les pistes retenues par le gouvernement pour réaliser 43,8 milliards d’euros d’économies dans le budget 2026, afin de ramener le déficit public à 4,6 % du PIB, contre 5,8 % en 2024. Parmi elles, François Bayrou propose la suppression de deux jours fériés : le lundi de Pâques, qu’il juge dénué de « signification religieuse », et le 8 mai, dans un mois « devenu un véritable gruyère ». Le haut-commissaire au Plan estime que cette mesure permettrait de générer « plusieurs milliards au budget de l’État, simplement parce que la Nation travaillera et que notre production sera améliorée ». Le graphique présenté en conférence de presse mentionne un gain de 4,2 milliards d’euros, sans en détailler le calcul.

Concrètement, cela reviendrait à supprimer deux jours de congés pour les salariés, qui travailleraient plus pour gagner… autant. Les entreprises, elles, bénéficieraient d’une hausse de production sans coût salarial additionnel. En retour, elles verseraient une contribution à l’État, dont le taux et l’affectation budgétaire restent à définir à ce stade.

 

Un mécanisme inspiré de la journée de solidarité 

Ce dispositif rappelle celui de la journée de solidarité instaurée en 2004, à la suite de la canicule meurtrière de 2003, pour financer la dépendance des personnes âgées et handicapées. Initialement prévue le lundi de Pentecôte, elle s’est transformée en jour travaillé non rémunéré, avec assouplissement progressif : les entreprises peuvent aujourd’hui répartir les sept heures de travail sur d’autres jours fériés ou jours de congés.

Selon la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), cette journée rapporte chaque année environ 3,5 milliards d’euros à la Sécurité sociale. Un rapport sénatorial publié le 25 septembre 2024 estimait qu’une seconde journée de solidarité pourrait générer 2,4 milliards d’euros de recettes supplémentaires.

De son côté, l’Insee a calculé que le fait que 2024 compte deux lundis ouvrés de plus qu’en 2023 a permis de gagner 0,1 point de croissance, soit environ 3 milliards d’euros. Par extrapolation, deux jours supplémentaires travaillés pourraient donc avoir un effet comparable sur le PIB. Cependant, ces effets sont mécaniques mais non systématiquement proportionnels : tout dépend du jour supprimé, du secteur d’activité concerné et des effets d’ajustement dans l’économie.

 

Angles morts

Mais cette mesure n’est pas sans angles morts. Les jours fériés représentent des pics de consommation dans certains secteurs : selon Nielsen, les ventes alimentaires ont bondi de +51 % lors du week-end de Pâques 2021. Le secteur touristique y voit aussi une période clef : les réservations Airbnb ou les visites dans les musées et sites historiques augmentent de +30 % à +50 % durant ces jours chômés, notamment en mai. Supprimer ces jours priverait donc certaines régions de revenus cruciaux en début de saison.

Par ailleurs, tous les jours fériés ne se valent pas en termes de productivité. Le lundi de Pâques, fixé un lundi, garantit chaque année un jour ouvré supplémentaire s’il est supprimé. Ce n’est pas le cas du 8-Mai : tombant parfois un dimanche, sa suppression ne générerait alors aucun gain réel, voire pourrait entraîner un surcoût pour les entreprises contraintes de verser des cotisations sans contrepartie productive.

Autrement dit, à ce stade, il est difficile de valider l’estimation de François Bayrou. Les chiffres avancés – 4,2 milliards d’euros – reposent sur des hypothèses macroéconomiques, mais sans prise en compte fine des effets sectoriels, sociaux et territoriaux.

 


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