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La planification de la succession en entreprise : bonnes pratiques et erreurs à éviter

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Signature d'un document officiel. Getty Images

La planification de la succession en entreprise évoque souvent des scénarios dignes de séries télé : coups bas en réunion, héritiers inattendus et luttes de pouvoir. Chez Tesla, les récents gros titres sur la relève d’Elon Musk n’ont rien fait pour dissiper cette image — bien au contraire.

 

À ce jour, aucun plan officiel n’a été annoncé pour désigner un successeur à Elon Musk, et il est possible que les rumeurs n’aboutissent à rien. Mais si elles s’avèrent fondées, elles mettent en lumière une question cruciale : comment assurer la pérennité d’une entreprise lorsque son leader emblématique passe la main ? Une étude menée par Deloitte en 2023 révèle un chiffre frappant : seuls 14 % des dirigeants se disent confiants dans la stratégie de succession de leur entreprise. Ce manque de préparation pointe vers un problème plus profond. Trop souvent, la succession est perçue comme une simple transition opérationnelle, alors qu’elle devrait être l’occasion de cultiver la curiosité, de renforcer les compétences internes et de nourrir une culture d’entreprise solide.

 


Pourquoi repenser la planification des successions ?

La succession est trop souvent envisagée comme une formalité à traiter uniquement en cas de départ imprévu, de retraite ou de crise. C’est une approche réactive, alors que les stratégies les plus efficaces sont, au contraire, continues et évolutives. Elles commencent par une question simple, mais structurante : quels sont les rôles clés pour remplir notre mission, et comment préparons-nous les bonnes personnes à les occuper ? Il ne suffit pas de nommer un successeur. Les organisations ont tout intérêt à mettre en place un cadre qui encourage la progression, l’expérimentation et la visibilité, à tous les échelons.

 

Quand la succession est bien préparée

Certaines entreprises montrent à quel point une planification bien pensée peut faire toute la différence. Chez Microsoft, la transition entre Steve Ballmer et Satya Nadella illustre un passage de relais réussi, porté par une vision à long terme, un solide travail sur le leadership et une véritable confiance en interne. Une fois aux commandes, Nadella a profondément transformé la culture de l’entreprise et remis Microsoft au centre du jeu technologique.

Procter & Gamble incarne également cette maîtrise, grâce à une approche rigoureuse et continue de la succession. Chemins de progression clairs, évaluation régulière des talents, préparation en amont : tout cela a permis à P&G de naviguer à travers plusieurs changements de direction sans heurts. Ici, la planification de la relève n’est pas une réaction ponctuelle, mais un pilier culturel.

Enfin, Apple reste l’un des exemples les plus emblématiques. Steve Jobs avait soigneusement préparé le terrain pour Tim Cook, déjà aux manettes de nombreux aspects opérationnels. La transition s’est faite en douceur, fidèle à l’ADN de l’entreprise. Cook n’a pas cherché à imiter son prédécesseur — il a consolidé les acquis tout en donnant une nouvelle direction à Apple. Une démonstration que réussir une succession ne signifie pas copier, mais anticiper.

 

Quand la succession est mal préparée

Certaines transitions manquées rappellent à quel point une planification défaillante peut fragiliser même les entreprises les plus puissantes. Chez General Electric, le passage de relais entre Jack Welch et Jeff Immelt, pourtant longuement préparé, a débouché sur des années de contre-performance. En cause : des lacunes dans la préparation réelle du successeur et une gestion de la culture d’entreprise qui n’a pas tenu la distance.

Du côté de WeWork, l’absence totale de plan de succession a laissé l’entreprise désarmée lorsque son fondateur, Adam Neumann, a quitté précipitamment la scène. Sans feuille de route claire ni stratégie de développement des talents, la société s’est retrouvée en pleine crise de confiance et en quête d’une nouvelle direction.

Quant à Turing Pharmaceuticals, l’histoire illustre les dangers d’un leadership centré sur une seule figure. La chute de Martin Shkreli, après une série de scandales, a plongé l’entreprise dans une crise d’image et de gouvernance. Sans plan structuré, ni relais en interne, il ne s’agissait plus de poursuivre une ambition, mais de tenter de limiter les dégâts.

 

Comment instaurer une culture favorable à la planification de la succession ?

La planification de la succession ne peut être un exercice isolé ou secret. Elle repose avant tout sur une culture d’entreprise où chacun se sent libre de proposer, d’expérimenter et de progresser sans crainte. Autrement dit, elle exige un véritable climat de sécurité psychologique. C’est quand la curiosité est valorisée et la diversité d’approches encouragée que les futurs leaders se révèlent le plus naturellement.

Les entreprises qui misent sur l’apprentissage continu, le mentorat et des retours francs à tous les niveaux ont une longueur d’avance pour identifier et faire grandir les talents. À l’inverse, là où le leadership reste figé ou réservé à une élite, les opportunités de relève s’éteignent avant même d’avoir émergé.

 

Succession : quels profils pour diriger demain ?

Les plans de succession ne devraient pas confondre ancienneté avec aptitude. Certains des leaders les plus prometteurs ne sont pas les plus gradés, mais les plus attentifs, adaptables et ouverts à la collaboration. Ce sont ceux qui posent les bonnes questions, qui créent du lien entre les équipes et qui accueillent le changement avec lucidité.

Au fil de mes entretiens avec des milliers de dirigeants, un trait revient systématiquement chez ceux qui sortent du lot : la curiosité. Ces profils ne se reposent pas sur leur expérience, ils remettent en question leurs certitudes, entraînent les autres et cherchent à comprendre avant d’agir. Steve Forbes en est un bon exemple. Lorsqu’il m’a raconté sa succession à la tête de l’empire familial, il a reconnu qu’il était un choix naturel, mais qu’il a dû repenser en profondeur l’identité du groupe. Au moment où l’industrie des médias basculait, il n’a pas tenté de préserver l’héritage tel quel. Il a ouvert la voie du numérique, porté par une seule question : « Que peut-on imaginer maintenant ? »

 

Pourquoi la planification de la succession ne doit pas s’arrêter aux postes de direction

Trop d’entreprises concentrent leurs efforts de succession uniquement sur les hautes sphères. Pourtant, c’est souvent au niveau intermédiaire que l’impact est le plus tangible. Quand un manager clé quitte soudainement son poste, ce sont les équipes, les projets et les délais qui en pâtissent.

Pour être réellement efficace, la planification de la relève doit aussi s’ancrer à tous les niveaux de l’organisation. Mentorat, mobilité interne, transmission des savoirs : ces leviers permettent de garantir la continuité, même lorsque certains maillons quittent la chaîne.

 

Six principes pour repenser la planification de la relève 

  1. Toujours anticiper.
    La succession ne devrait jamais être une réaction d’urgence. Elle doit faire partie des discussions régulières en comité de direction, bien avant qu’un départ ne survienne.
  2. Ancrer la relève dans la culture.
    Encourager le développement, la curiosité et le feedback crée un environnement où les futurs leaders émergent naturellement.
  3. Parier sur un collectif, pas sur un seul nom.
    Miser sur un vivier de talents permet de faire face aux imprévus avec souplesse, sans dépendre d’une unique solution.
  4. Chercher les qualités, pas les titres.
    Les meilleurs leaders de demain ne sont pas forcément les plus gradés, mais ceux qui savent écouter, s’adapter et fédérer.
  5. Ne pas oublier le maillon intermédiaire.
    Les managers de terrain sont souvent les piliers de l’activité. Prévoir leur relève est aussi stratégique que celle du top management.
  6. Faire vivre le plan dans la durée.
    Un plan de succession n’est jamais figé. Il doit être revu régulièrement pour rester aligné avec les ambitions et les évolutions de l’entreprise.

 

Une approche pratique de la planification de la relève en entreprise

Il n’y a pas de méthode universelle pour gérer chaque transition de leadership, mais la plupart des entreprises échouent simplement faute de plan. Celles qui réussissent intègrent la succession dans leur stratégie de développement des talents, de prise de décisions et de partage des responsabilités.

Plutôt que de la considérer comme une formalité à cocher, la planification de la relève devrait devenir une habitude, une façon de préparer votre équipe à l’avenir. Avec cette approche, vous ne serez pas pris au dépourvu, qu’il s’agisse d’un départ soudain ou d’une opportunité nouvelle.

Les transitions de leadership sont des étapes naturelles du processus de croissance. Si vos collaborateurs restent curieux, impliqués et en constante évolution, vous avez déjà fait l’essentiel pour assurer la relève.

 

Une contribution de Diane Hamilton pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie


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