Le problème, cependant, vient du fonctionnement général des marchés de cryptomonnaies. La plupart des traders, particuliers comme institutionnels, utilisent les mêmes plateformes, qui assurent non seulement le matching des ordres d’achat et de vente, mais jouent également le rôle de fournisseurs de liquidité et de dépositaires. Cette configuration tout-en-un offre une grande commodité aux utilisateurs, tout en permettant aux plateformes de dégager des profits disproportionnés à chaque étape du cycle de vie des transactions.
Mais en cas de crise, cette commodité se transforme en handicap. Sur Binance, par exemple, vos fonds sont en général conservés par la plateforme elle-même. Si celle-ci subit une interruption de service ou bloque les retraits, vos actifs se retrouvent effectivement gelés. « L’idée selon laquelle ce modèle captif et verticalement intégré représenterait l’avenir du trading institutionnel est fausse, et le week-end dernier l’a clairement mis en évidence », déclare Brandon Mulvihill, cofondateur et PDG de la société de trading d’actifs numériques Crossover Markets. « Il existe un vrai risque systémique lorsque ces plateformes tombent en panne. Qu’ils soient makers ou takers, les participants ne peuvent se protéger que lorsque la bourse est de nouveau opérationnelle. La séparation des fonctions est essentielle. »
Un autre point crucial est celui de la tarification. Contrairement aux actions, qui se négocient sur des marchés réglementés et très liquides dotés de mécanismes de protection intégrés, les crypto-actifs circulent sur un ensemble hétérogène de plateformes, faiblement connectées entre elles, avec une liquidité fluctuante et une exécution des transactions souvent incohérente.
Alors que les actions traditionnelles ont reculé à la clôture et après la séance du 10 octobre, les données intrajournalières ont mis en évidence un décalage croissant entre les actifs numériques et le NASDAQ-100. Selon la société d’analyse d’actifs numériques Kaiko, le bitcoin et le dogecoin ont connu des fluctuations intrajournalières bien plus importantes que les principaux indices boursiers, illustrant à quel point les marchés crypto restent en retrait par rapport aux bourses traditionnelles en matière de stabilité et de gestion des risques.
Le côté positif, c’est que ce krach devrait probablement accélérer une transition déjà en cours, notamment le déplacement des capitaux avisés des plateformes centralisées vers des marchés de gré à gré (OTC), qui agrègent la liquidité provenant de plusieurs sources et créent ainsi un tampon contre une crise de liquidité sur une plateforme donnée. Rien qu’en 2024, le marché OTC des cryptomonnaies a connu une croissance de 106 %, selon un rapport de Finery Markets.
Cette évolution crée également des opportunités pour des entreprises comme celle de Mulvihill, qui a mis en place ce qu’il qualifie de premier véritable réseau de communication électronique (ECN) crypto : un système qui apparie automatiquement les ordres d’achat et de vente en connectant les principales sociétés de courtage et les traders institutionnels, sans passer par une bourse centralisée.
M. Mulvihillaffirme que l’un des plus grands teneurs de marché au monde acontacté son entreprise après le 10 octobre, et que Crossover a vu sa clientèle institutionnelle doubler environ tous les six mois, atteignant aujourd’hui 100 clients. À terme, cela pourrait devenir un pilier majeur du trading de cryptomonnaies. « Nous créons ce que l’on appellerait normalement un marché interbancaire ou interprofessionnel », explique M. Mulvihill. « Cela permet une fongibilité et une séparation des fonctions qui, sur le long terme, contribuent à réduire le coût des transactions. »
Un article de Nina Bambysheva pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie
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