Si elle est confirmée par la Cour suprême des États-Unis, la décision rendue par une cour d’appel fédérale pourrait mettre fin aux droits de douane réciproques qui ont bouleversé le commerce mondial des marchandises depuis avril. Cependant, la guerre tarifaire n’est probablement pas terminée.
Même si les droits de douane généraux imposés à tous les partenaires commerciaux étaient jugés illégaux, le président américain conserve le pouvoir d’imposer des droits de douane sur certaines des marchandises les plus importantes du commerce mondial.
La décision de la cour d’appel est conforme à la séparation des pouvoirs en vigueur depuis longtemps aux États-Unis
Le recours à une loi de 1977 accordant des pouvoirs économiques d’urgence (la loi sur les pouvoirs économiques d’urgence internationaux, IEEPA) pour justifier des droits de douane structurels a été rejeté vendredi 29 août par la Cour d’appel des États-Unis pour le circuit fédéral. De plus, l’imposition de droits de douane pour lutter contre les drogues (raison invoquée pour le Canada, le Mexique et la Chine) dépasse les pouvoirs accordés au président américain. Cette décision confirme celle rendue en mai par la Cour américaine du commerce international, selon laquelle le président n’a pas le pouvoir d’imposer de tels droits de douane généralisés sans l’autorisation du Congrès.
Il s’agit d’un principe établi de longue date selon lequel le Congrès élabore les lois, y compris les lois commerciales. Par exemple, le pouvoir de « procédure accélérée » qui permettait au président de négocier des accords commerciaux et au Congrès de les adopter ou de les rejeter sans modification n’a pas été renouvelé en 2021. Désormais, le président doit obtenir l’approbation du Congrès pour les termes de tout accord.
Parmi les arguments peu convaincants avancés par la Maison-Blanche figurait celui selon lequel la révocation des droits de douane signifierait que les États-Unis ne pourraient pas se permettre de rembourser les milliers de milliards de dollars de recettes douanières engagés par d’autres pays. Le montant réel collecté depuis avril s’élève à environ 140 milliards de dollars.
Le président américain peut continuer à imposer les droits de douane prévus à l’article 232
Toutefois, le président américain peut toujours imposer des droits de douane en vertu d’une autre autorité juridique. Les droits de douane prévus à l’article 232 sont des droits imposés sur les marchandises importées qui menacent la sécurité nationale en vertu de la loi de 1962 sur l’expansion du commerce. Les droits de douane sectoriels sur l’acier et l’aluminium, par exemple, sont imposés en vertu de cette autorité qui permet d’imposer des droits de douane après qu’une enquête du département d’État au Commerce a conclu à l’existence de menaces pour la sécurité nationale.
Ces droits de douane de 50 % pour les autres pays pourraient être étendus à d’autres importations, telles que les produits pharmaceutiques. Depuis août, ils s’appliquent également au cuivre. Cela est important étant donné que les droits de douane ne concernent pas seulement leur ampleur, mais aussi la quantité de marchandises qui contiennent des matières premières telles que le cuivre et l’aluminium. Par exemple, quelque 400 produits britanniques contiennent de l’acier ou de l’aluminium et seront soumis à ce droit de douane fixé à un taux inférieur de 25 % en raison de l’accord commercial entre le Royaume-Uni et les États-Unis. Néanmoins, la couverture du droit de douane est large et préjudiciable sur le plan économique.
Impact sur les autres pays et l’économie mondiale
Cela ajoute une incertitude considérable aux négociations commerciales en cours et aux accords commerciaux existants. Si les droits de douane réciproques sont jugés illégaux, le principe même des accords commerciaux conclus avec le Royaume-Uni et d’autres pays serait remis en question et pourrait conduire à la réouverture de ces négociations.
Pour les entreprises, cela se traduira par des retards supplémentaires dans les expéditions vers les États-Unis, car nombre d’entre elles attendront probablement la décision de la Cour suprême, ce qui continuera à freiner l’activité commerciale internationale et la croissance économique mondiale.
Que va-t-il se passer ensuite ?
La Maison-Blanche a indiqué qu’elle ferait appel devant la Cour suprême. La décision prend effet le 14 octobre, ce qui laisse le temps de faire appel. La Cour suprême devrait se saisir de l’affaire, compte tenu de l’impact significatif de la décision de la cour d’appel.
La cour d’appel fédérale était divisée à sept contre quatre et il convient de mentionner que parmi les 11 juges de la Cour suprême, la majorité ont été nommés par des républicains, dont trois par le président Donald Trump lors de son premier mandat. La composition de la Cour n’est bien sûr pas déterminante.
Ce qui est certain, c’est que les guerres tarifaires se poursuivront, mais sous une forme différente, et continueront à générer une incertitude importante pour les entreprises et l’économie mondiale.
Linda Yueh est professeure adjointe d’économie à la London Business School, chercheuse en économie à St Edmund Hall, à l’université d’Oxford, et auteure de The Great Crashes et The Great Economists.
Une contribution de Linda Yueh de la London Business School pour Forbes US, traduite par Flora Lucas
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