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ITALIE | Pourquoi Giorgia Meloni a-t-elle revu la taxation des banques ?

Lundi 7 août 2023, le gouvernement populiste de Giorgia Meloni annonce, après la fermeture de la bourse, une taxation exceptionnelle des profits des banques : l’accroissement de marge d’intérêt par rapport au niveau de 2021 doit être imposé à 40%. Dès le lendemain matin, les cours des banques italiennes dégringolent : -6% pour Unicredit, -9% pour Intesa et Banco BPM et -11% pour Monte dei Paschi di Siena. Le marché est pris de court sur le fond ; il est, par ailleurs, surpris par la forme de l’annonce : il n’est informé ni par Giorgia Meloni, ni par son Ministre des Finances mais par son Ministre en charge des infrastructures, Matteo Salvini. Mercredi 9 août, le gouvernement Meloni annonce finalement un plafonnement de cet impôt à 0,1% du total du bilan des banques. Pourquoi Meloni a-t-elle ainsi revu la taxation des banques ?

Meloni est à la tête d’un gouvernement de coalition des droites italiennes. Cette coalition regroupe 3 partis politiques : Les Frères d’Italie qu’elle préside, La Ligue du Nord dont Salvini est le Secrétaire Fédéral et Forza Italia, historiquement créé par Berlusconi. Dans le cadre de sa lutte contre l’inflation, ce gouvernement rend l’accès à l’équivalent du RMI en Italie plus contraignant. Ainsi, sur 1,7 million de personnes qui en bénéficient, 160 000 ont récemment appris qu’ils n’y avaient désormais plus droit. La logique du gouvernement est la suivante : ce revenu minimum décourage le retour à l’emploi ; les tensions sur le marché de l’emploi qui en résultent font monter le coût du travail et entretiennent ainsi l’inflation. Le gouvernement visait ainsi un atterrissage en douceur de l’économie. C’est finalement une baisse de 0,3% du PIB qui est affichée au deuxième trimestre 2023 par Italie. Evidemment, la hausse du taux directeur de la BCE, porté en un an de -0,5% à 3,75% en un an, a contribué à cette baisse de l’activité en volume. Mais son impact a été bien plus important que dans d’autres pays : la zone euro affiche, en effet, pour la même période, un taux de croissance de son PIB de 0,3%.

Le gouvernement considère que les banques profitent indument de la hausse des taux au détriment notamment de son électorat. Les banques ont, en effet, répercuté cette hausse sur les taux d’emprunt sans faire progresser, dans le même temps, la rémunération des dépôts. Cette hausse des taux est d’autant sensible en Italie que de nombreux emprunteurs ont contracté un crédit à taux variable ; l’augmentation des mensualités de crédit qui en résulte, dans un contexte par ailleurs inflationniste, est pour eux de plus en plus insoutenable. Le gouvernement surprend alors le marché en annonçant, en plein mois d’août, une taxation, en 2024, de ce qu’il appelle les « superprofits des banques ». Ces superprofits correspondent à la croissance de leur marge d’intérêt, déduction faite d’une franchise de 5 à 10%. Plus précisément, l’assiette de cette nouvelle taxe est la plus élevée de 2 montants. Le premier est l’écart entre la marge d’intérêt 2022 et 105% de la marge d’intérêt 2021 ; le second est l’écart entre la marge d’intérêt 2023 et 110% de la marge d’intérêt 2021. Un tel impôt devait rapporter de l’ordre de 4,5 milliards d’euros à l’Etat italien selon des estimations d’analystes financiers. Mais, son annonce a réduit la capitalisation boursière de l’ensemble des banques italiennes de 9,5 milliards d’euros.

Finalement, la forte baisse des cours des banques italiennes conduit le gouvernement à plafonner cet impôt à 0,1% du total de l’actif de la banque. Cette décision devrait réduire la facture pour l’ensemble des banques italiennes et, corrélativement, les recettes pour l’Etat italien à environ 2,5 milliards d’euros. La tempête financière qui touche les banques italiennes est alors terminée : le marché considère désormais que la stabilité du secteur financier n’est plus menacée.

Une telle volte-face du gouvernement va certes profiter aux investisseurs dans les valeurs bancaires italiennes. Elle est aussi particulièrement salutaire pour les emprunteurs, qu’il s’agisse de ménages ou d’entreprises. En effet, les banques sont soumises à des règles prudentielles. Celles-ci ont été définies par le Comité de Bâle. Elles intègrent, entre autres, des ratios de solvabilité ; ceux-ci rapportent les fonds propres aux engagements pondérés pris par la banque ; les coefficients de pondération appliqués aux engagements reflètent les risques qu’ils font prendre à la banque. La nouvelle taxe conduit mécaniquement à une réduction des résultats donc des fonds propres des banques. Le maintien des ratios de solvabilité à leurs niveaux actuels passe alors par la réduction des engagements pondérés, donc par une réduction de l’offre de crédit. Une banque peut alternativement décider de maintenir, voire d’augmenter, se production de crédit. Cela conduit automatiquement à une détérioration de sa solvabilité. Celle-ci est, en général, suivie d’une dégradation de sa notation par les agences de rating ; il en résulte une augmentation du coût de refinancement de la banque, répercutée aux emprunteurs.

La relance de l’économie italienne est conditionnée par le financement des investissements des entreprises et des dépenses des ménages par les banques. En prenant finalement en compte la solvabilité des banques, le gouvernement de Giorgia Meloni, mis sous pression par les marchés, s’inscrit, in extremis, dans cette logique. Il reste maintenant à souhaiter que les investisseurs, échaudés par les atermoiements du début de la semaine, ne se détournent pas des valeurs bancaires.

 

Olivier Levyne est Professeur Affilié à HEC Paris

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