Dimanche soir, à la veille de la 80ᵉ Assemblée générale des Nations unies à New York, un parterre de personnalités influentes et d’acteurs du changement s’est réuni dans l’atmosphère feutrée et élégante du Bowery Hotel, au cœur de Manhattan. De l’ancienne top-modèle et militante Christy Turlington Burns à Tarana Burke, fondatrice du mouvement #MeToo, la salle vibrait d’énergie et de détermination.
Ce rassemblement avait été initié par Iconiq, la puissante société d’investissement qui accompagne certaines des figures les plus influentes de la planète, de Mark Zuckerberg à Jack Dorsey. Son objectif : mobiliser un soutien autour d’une nouvelle initiative de 100 millions de dollars pour relever certains des défis les plus urgents auxquels les femmes sont aujourd’hui confrontées.
Dans un monde où une femme meurt toutes les deux minutes pendant la grossesse ou l’accouchement, et où une femme sur trois subit des violences au cours de sa vie, Iconiq s’est associé à Melinda French Gates, à ses filles Jennifer Gates Nassar et Phoebe Gates, ainsi qu’à quatorze autres grands donateurs – parmi lesquels le cofondateur d’Iconiq, Divesh Makan, et son épouse Diksha – pour lancer le Women’s Health Co-Lab. Ce fonds philanthropique collaboratif, créé en partenariat avec Co-Impact, a pour ambition de mobiliser des ressources afin d’améliorer la santé et l’autonomie de millions de femmes et de filles dans trois domaines prioritaires : la santé maternelle, la santé sexuelle et reproductive, et la lutte contre les violences sexistes.
« J’ai passé les dix dernières années à chercher à comprendre les obstacles qui empêchent les femmes d’exercer pleinement leur pouvoir. Et une chose est claire : il n’existe pas de chemin vers l’égalité dans un monde qui néglige la santé des femmes », affirme Melinda French Gates, philanthrope et fondatrice de Pivotal Ventures. « Je suis très confiante face à la coalition grandissante de philanthropes — en particulier cette nouvelle génération de leaders — qui affirment haut et fort que la santé et l’autonomie des femmes doivent figurer à l’agenda mondial. Les solutions existent déjà ; il nous faut simplement investir dedans. »
Cette annonce d’Iconiq s’ajoute à une autre initiative d’envergure lancée plus tôt ce mois-ci par Gates, lors du sommet Forbes Power Women : un partenariat de 100 millions de dollars entre Pivotal Ventures et l’organisation à but non lucratif Wellcome Leap, destiné à financer deux programmes qui verront le jour l’an prochain. Ils cibleront des domaines encore largement délaissés, comme la santé mentale des femmes et les maladies auto-immunes. Ces initiatives s’inscrivent dans le cadre de l’engagement d’un milliard de dollars pris par Melinda French Gates pour relever les grands défis auxquels les femmes sont confrontées dans le monde.
La nécessité d’agir maintenant
La réalité que vivent les femmes reste dramatique. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), environ 260 000 femmes sont mortes pendant ou après leur grossesse et leur accouchement en 2023, dont 92 % dans des pays à revenu faible ou intermédiaire inférieur. Aux États-Unis, le constat est tout aussi alarmant : le pays affiche le taux de mortalité maternelle le plus élevé parmi les nations riches, et 80 % de ces décès sont considérés comme évitables. Une situation qui met en lumière le fossé persistant avec l’élan lancé il y a trente ans par Hillary Rodham Clinton, qui proclamait à Pékin que « les droits des femmes sont des droits humains ».
« Les femmes et les filles font face à des menaces qui limitent leur pouvoir et leur capacité d’agir, qu’il s’agisse de décès évitables lors de l’accouchement ou de l’érosion des libertés reproductives », rappelle Olivia Leland, fondatrice et PDG de Co-Impact. « Il est temps que la philanthropie leur apporte le soutien nécessaire, avec l’ampleur, la souplesse et la confiance qu’exige la situation. »
C’est précisément ce trio de priorités qu’Iconiq veut mettre en avant avec son nouveau projet Co-Lab. Doté d’un engagement initial de plus de 70 millions de dollars, le fonds soutiendra 22 organisations avec un financement flexible sur trois ans, tout en cherchant à lever 30 millions supplémentaires pour atteindre pleinement ses objectifs ambitieux.
Parmi les bénéficiaires dans les trois domaines clés — santé maternelle, santé et droits sexuels et reproductifs, et lutte contre la violence sexiste — figurent Every Mother Counts de Christy Turlington Burns, qui œuvre au renforcement des systèmes de soins, Americans for Contraception, qui milite pour élargir l’accès à la contraception, ou encore Ujamaa Africa, qui s’attaque aux normes patriarcales et promeut des politiques de protection.
« Notre philosophie est de lever les freins à une philanthropie efficace pour les grands donateurs », explique Matti Navellou, directrice d’Iconiq Impact, la branche qui pilote le Co-Lab. « Nous incitons notre communauté — composée en grande partie de fondateurs de la tech — à pratiquer des dons collaboratifs. Cela permet d’accélérer le rythme des contributions et d’alléger la charge des familles qui devraient autrement constituer leurs propres structures philanthropiques. Grâce à Iconiq Impact, nous pouvons mobiliser plus efficacement des capitaux d’envergure. »
Depuis 2021, Iconiq Impact a déjà lancé quatre autres Co-Labs, consacrés à des enjeux tels que la mobilité économique, le changement climatique ou encore la santé mentale des jeunes. À ce jour, l’organisation a conseillé l’attribution de près de 915 millions de dollars en subventions.
« Trop souvent, la philanthropie impose ses conditions. Nous essayons de faire l’inverse », souligne Olivia Leland. « C’est ce qui rend notre partenariat avec Iconiq Impact si puissant : nous partageons la conviction que la philanthropie est la plus efficace lorsqu’elle apporte un soutien flexible, sur le long terme, et qu’elle fait confiance aux acteurs locaux qui connaissent le mieux leurs réalités. »
Pour Christy Turlington Burns, fondatrice de Every Mother Counts, cette mission est profondément personnelle. « Je suis devenue militante mondiale pour la santé maternelle le jour où je suis devenue mère », confie-t-elle. Après un accouchement apparemment sans complication, elle a été victime d’une hémorragie post-partum. « De retour de l’hôpital, je me suis demandé : qu’en est-il des millions de femmes et de filles dans le monde qui n’ont pas accès à des soins sûrs et respectueux ? »
Phoebe Gates, 22 ans, défenseure de la santé des femmes et cofondatrice de Phia, insiste pour sa part sur l’urgence d’accélérer les avancées. « Seulement 2 % des dons philanthropiques sont destinés à la santé des femmes. La philanthropie ne compensera jamais les coupes budgétaires du gouvernement ni l’impact dévastateur du désengagement de l’USAID », déplore-t-elle.
Pour elle, le choix des bénéficiaires est tout aussi crucial que celui des projets. « Cette idée est née lors d’une réunion avec Matti », se souvient-elle. « Elle a affirmé : “Nous avons tant de personnes passionnées par ces enjeux, mais qui ne savent pas par où commencer.” Alors nous nous sommes demandé : “Et si nous nous associions pour donner aux leaders de terrain les ressources dont ils ont vraiment besoin ?” »
L’impératif économique
Le Co-Lab va bien au-delà d’un simple don philanthropique : il s’agit d’un investissement stratégique dans la santé mondiale et la stabilité économique. La violence sexiste, qui peut coûter jusqu’à 2 % du PIB dans les pays étudiés, ne reçoit pourtant que 500 millions de dollars sur les 14 milliards investis chaque année dans la santé via l’aide au développement, soit à peine 0,5 % de l’ensemble.
« Investir dans la prévention de la violence sexiste rapporte sur plusieurs générations », souligne le Dr Avni Amin, du Département de la santé sexuelle et reproductive de l’OMS. « Comparé à d’autres secteurs de la santé et du développement, les investissements dans la prévention de la violence sexiste sont minimes, alors que le retour pour les femmes, les familles et les communautés peut être énorme. »
Les conséquences vont bien au-delà de la souffrance individuelle. Selon le Dr Amin, la violence sexiste affecte non seulement la santé des femmes, mais aussi celle de leurs enfants, de leurs familles et de l’ensemble des communautés. « Dans les pays où l’on a mesuré son impact économique, la violence sexiste coûte des millions de dollars à l’économie en raison des dépenses liées aux soins de santé, aux services policiers et juridiques, au logement, aux refuges et aux services sociaux », explique-t-elle.
À un moment où les droits et la santé des femmes sont menacés à l’échelle mondiale, l’avenir dira si le Co-Lab pourra devenir un modèle novateur capable de transformer l’approche du secteur face à ces défis complexes.
Pour Michael Anders, fondateur et président d’Iconiq Impact, le Co-Lab est à la fois une opportunité d’investissement et un appel à l’action. « L’un des meilleurs investissements que vous puissiez faire pour la santé à long terme de la société est la santé des femmes, et Iconiq Impact est particulièrement bien placé pour agir à grande échelle, tout en encourageant d’autres acteurs à nous rejoindre. »
Un article de Maneet Ahuja pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie
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