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IA générative et RH : chronique d’une révolution annoncée

L’année 2024 s’annonce comme un tournant pour la technologie RH, dont le moteur sera l’IA générative. Celle-ci, apparue au grand public lors du lancement spectaculaire de ChatGPT 3 fin novembre 2022, jouera un rôle transformationnel majeur dans les ressources humaines, et dans le rapport plus général des humains vis-à-vis du travail. Désormais, la question n’est plus de savoir si l’IA générative va profondément bouleverser la fonction RH jusque dans ses fondamentaux, mais quand, et surtout comment… et avec quelles limites.

Une contribution de Guillaume Vigneron 

L’inévitable (r)évolution de la fonction RH ?

Les RH, comme peuvent l’être la finance, l’IT et les autres fonctions internes, sont une fonction de conception, d’accompagnement et d’intégration. 

Cette fonction RH traite une myriade de problèmes complexes dans les organisations : marque employeur, recrutement, intégration, formation, développement du leadership, gestion des performances, rémunération, récompenses, avantages sociaux, travail hybride, conception organisationnelle, stratégie de diversité, culture, etc. 

Avant l’émergence des RH systémiques, la plupart de ces fonctions opérationnelles étaient exercées de manière plus ou moins indépendante.

Cette approche plus holistique nécessite une intégration accrue des solutions de traitement de données (CRM de recrutement, ATS, SIRH, etc).

L’Intelligence Artificielle Générative se présente comme une passerelle étonnamment robuste entre ces solutions, en ce sens qu’elle permet une automatisation pertinente et (surtout) réalisable en grande partie grâce à des instructions (prompts) générées en langage naturel.

Linda Mougalian, vice-présidente principale de la stratégie Go-To-Market chez ADP, partage son point de vue sur ce développement révolutionnaire :

« Nous venons de voir les débuts de l’IA générative. Il y a une course pour apporter de la valeur, mais il est également nécessaire d’établir l’infrastructure, les partenariats organisationnels et la gouvernance pour rendre la technologie robuste, fiable et fiable à grande échelle. À l’approche de 2024, l’IA générative cessera d’être utilisée pour des tâches spécifiques pour être intégrée de manière omniprésente dans tout ce que nous faisons – une nouvelle attente quant à notre façon de travailler.”

Soyons clairs : les outils sont d’ores et déjà présents, ou en cours d’élaboration. Cela signifie t-il pour autant que les mutations vont s’opérer à un rythme incontrôlable ?

Cela serait oublier qu’il existe un temps incompressible d’adaptation des organisations, et encore plus des individus, face à des bouleversement aussi radicaux dans la manière de travailler. Ce schéma, proposé par Whatfix, rappelle la progression linéaire de l’adaptation humaine, provoquant inéluctablement un fossé grandissant avec la progression exponentielle de la technologie dont nous disposons.

L'IA générative progresse plus vite que la capacité humaine d'adaptation

S’il est bien une entité organisationnelle capable de comprendre cette réalité, c’est bien sûr la fonction RH.

Néanmoins, force est de constater que de nombreuses entreprises ont d’ores et déjà amorcé leur AI-revolution. 

Quelles sont les applications pratiques actuelles de l’IA générative pour la fonction RH ?

 

Des cas d’usages nombreux et diversifiés pour l’IA générative dans les RH

En exploitant les capacités de l’IA générative, les professionnels des ressources humaines peuvent non seulement hiérarchiser plus efficacement leurs effectifs, mais également étendre leurs opérations sans avoir besoin de ressources supplémentaires.

Ce changement d’approche est sur le point d’entraîner une réduction des coûts et des contraintes de temps, tout en capitalisant sur une richesse de données centrées sur les personnes.

Les études de cas sur l’application de l’intelligence artificielle dans les ressources humaines offrent des perspectives fascinantes sur la manière dont cette technologie révolutionne déjà ce domaine. Voici quelques exemples concrets :

  1. Développement professionnel : Le cabinet de conseil en stratégie McKinsey met en lumière l’utilisation de l’IA pour guider les employés dans leur développement de carrière. Un chatbot “powered by AI” conseille les collaborateurs sur les chemins de carrière possibles en fonction des compétences et expériences d’un individu, suggérant des formations nécessaires et aidant à décrypter les descriptions de postes.
  2. Évaluation de performance : Toujours chez McKinsey, l’IA générative peut également être utilisée pour améliorer le processus d’évaluation de la performance. Un gestionnaire pourrait, par exemple, utiliser l’IA pour obtenir une première évaluation qualitative des performances, ce qui aiderait à se concentrer sur les aspects cruciaux pour le développement et la croissance d’un employé.
  3. Renforcement des capacités RH : Plutôt que de remplacer les humains, l’IA semble servir à amplifier les capacités des professionnels des RH. Ainsi, des assistants IA peuvent simplifier des tâches complexes en conversations, indiquant un nouveau rôle potentiel pour les assistants virtuels dans les RH.
  4. Utilisation de l’IA dans l’évaluation, le recrutement et la formation : Une étude publiée par Emerald Insight a conclu que l’IA élimine certains biais (pas tous, loin de là !) dans les processus d’évaluation, de recrutement et de formation, économisant ainsi du temps et des ressources significatifs pour les entreprises. Cependant, il est souligné que les humains doivent finalement conserver le rôle de décideurs finaux.

Il s’agit là d’exemples contemporains, car les analyses prospectives tendent à montrer des cas d’usage bien plus significatifs en termes d’impact sur la fonction RH… en oubliant un peu trop souvent qu’un certain nombre d’inconvénients majeurs (et objectifs) peuvent significativement freiner la “révolution”.

 

Les facteurs limitants du grand bouleversement lié à l’IA générative

Souvent, lorsqu’on évoque les risques liés à l’IA, que ce soit dans son application pour la fonction RH ou de manière plus large, on évoque des scénarios catastrophes tels qu’un “grand remplacement” des humains par des machines, créant un chômage de masse et une désorganisation sociale majeure.

Il s’agit là d’éventualités appartenant au champ des possibles, qui devraient, de mon point de vue, être rapidement débattues par les pouvoirs publics et les autorités compétentes.

Pour autant, il existe des facteurs limitants bien plus ancrés dans la réalité immédiate, qui méritent d’être relevés.

  1. Impact environnemental : Le dérèglement climatique est l’affaire de tous, mais les entreprises dans leur ensemble, ont un rôle particulièrement déterminant quant aux solutions à apporter. Or l’entraînement des modèles d’IA, en particulier les modèles de grande envergure, nécessite d’importantes quantités d’énergie et émet des quantités significatives de gaz à effet de serre, contribuant ainsi au changement climatique. Cette empreinte carbone est un problème majeur à mesure que l’IA devient de plus en plus omniprésente (ce que les anglo-saxons appellent The Green Dilemma). Comment les entreprises parviendront-elles à concilier leurs besoins croissants en technologies IA avec leurs obligations de réduction d’émissions carbone
  2. Utilisation abusive de données : Pour fonctionner, l’IA générative utilise une quantité importante de données, voire de métadonnées, sans qu’il soit possible de remonter à leur source. Dans le cas d’une utilisation massive de la data collaborateur par la fonction RH, la question du respect des règles de confidentialité se posera inéluctablement, entraînant des casse-têtes juridiques à n’en plus finir.
  3. Biais dans les modèles d’IA : Les modèles d’IA peuvent refléter et renforcer les stéréotypes, comme le racisme et le sexisme présents dans les données d’entraînement, ce qui peut avoir des conséquences néfastes lorsqu’ils sont utilisés dans des applications réelles, notamment en matière de recrutement et d’évaluation individuelle.
  4. Manque de transparence : Dans la continuité des deux remarques précédentes, notons que les modèles d’IA sont souvent considérés comme des « boîtes noires » dont le fonctionnement interne n’est pas bien compris, même par leurs créateurs, ce qui soulève des préoccupations en matière de responsabilité et de confiance, deux piliers de la fonction RH.

La révolution de l’IA générative en RH est bien engagée et 2024 marquera un point de bascule critique pour l’ensemble des professionnels de ce secteur. 

Ceux-ci doivent se préparer à naviguer dans ce paysage en évolution, en embrassant les opportunités tout en abordant de front les défis éthiques et pratiques. 

Cette ère nouvelle promet de redéfinir le rôle des RH, en transformant non seulement les opérations mais aussi la manière dont les organisations envisagent le travail et le développement des talents.

 

À lire également : Intelligence artificielle générative : vers une nouvelle civilisation 

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