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Guerre commerciale USA-Chine : les ressources stratégiques à suivre de près

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Guerre commerciale USA-Chine : les ressources stratégiques à suivre de près

Alors que la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine s’est encore intensifiée ces dernières semaines, certaines ressources stratégiques deviennent les marqueurs clés de l’affrontement commercial entre les deux géants économiques.

Au printemps 2025, les tensions douanières entre les États-Unis et la Chine atteignent un nouveau sommet, avec des surtaxes mutuelles lourdes sur des produits stratégiques. Les États-Unis appliquent actuellement des droits de douane allant jusqu’à 145 % sur certains produits chinois, notamment technologiques, tandis que Pékin impose en retour des taxes pouvant atteindre 125 % sur une large gamme d’importations américaines, dont l’agriculture et l’énergie. Selon l’Organisation mondiale du commerce (OMC), cette escalade tarifaire pourrait conduire à une baisse de 80 % du commerce bilatéral de marchandises entre les deux pays en 2025, marquant une rupture significative dans les relations commerciales mondiales.

Semi-conducteurs : nerf de la guerre technologique

Électronique, IA, datacenter, télécommunications, automobile, équipements médicaux… les semi-conducteurs sont partout et jouent un rôle central dans les tensions entre les États-Unis et la Chine. Depuis 2022, les États-Unis imposent à plusieurs reprises des restrictions à l’exportation de technologies avancées vers la Chine, notamment en limitant l’accès aux équipements de fabrication de semi-conducteurs et aux puces de pointe utilisées dans l’intelligence artificielle et le supercalcul. En mars 2025, l’administration Trump a renforcé ces mesures en inscrivant 40 nouvelles entités chinoises sur une « liste noire » du département du Commerce.

Ces restrictions visent à limiter les ambitions technologiques de la Chine, mais elles pénalisent également des entreprises américaines comme Nvidia, AMD, et ASML, qui dépendent largement du marché chinois pour leurs revenus. Par exemple, Nvidia a estimé que ces sanctions pourraient lui coûter jusqu’à 5,5 milliards de dollars en pertes liées à ses puces H20, très demandées en Chine.


De son côté, la Chine renforce ses efforts vers l’autonomie technologique. Huawei utilise désormais des puces 7 nm produites avec le fabricant chinois SMIC et Pékin investit massivement dans les semi-conducteurs, avec plus de 38 milliards de dollars prévus en 2025.

Terres rares : l’arme invisible de Pékin

Les terres rares s’imposent aussi comme l’un des atouts géopolitiques les plus puissants – et les moins visibles – de la Chine. En 2025, l’Empire du Milieu détient toujours près de 70 % de la production mondiale et contrôle environ 90 % des capacités de raffinage, ce qui lui confère un pouvoir quasi-monopolistique sur ces éléments cruciaux pour l’industrie de défense, les véhicules électriques, ou encore l’électronique de pointe.

Face aux droits de douane américains (jusqu’à 125 %), la Chine a limité l’exportation de terres rares stratégiques comme le dysprosium, le terbium ou le gadolinium, indispensables pour des technologies militaires telles que les F-35 et les missiles guidés. Ces restrictions accentuent la volatilité des marchés et augmentent les coûts pour les entreprises occidentales. D’autant plus que Pékin fait également pression sur la Corée du Sud pour bloquer les exportations indirectes vers les États-Unis, accentuant l’asphyxie des chaînes d’approvisionnement occidentales.

Washington peine à réduire sa dépendance : la mine de Mountain Pass reste par exemple tributaire du raffinage en Chine. Pour diversifier ses sources, des projets d’extraction seraient envisagés en Ukraine, voire au Groenland. Mais comme le rappelait l’économiste Florian Fizaine dans nos colonnes, maître de conférences à l’Université Savoie Mont Blanc et spécialiste de l’économie des métaux, ce sont là des annonces « spectaculaires mais peu réalistes » car développer un site minier prend entre 7 et 15 ans – une échéance incompatible avec l’urgence actuelle. Quant au recyclage et à la production locale, ils restent insuffisants : ni l’un ni l’autre ne permettra d’assurer une autonomie réelle en terres rares. Autrement dit, même en période de tensions extrêmes, la dépendance à la Chine demeure structurelle et difficilement contournable.

Soja : une pression sur l’Amérique rurale

En 2025, le soja, première exportation agricole des États-Unis vers la Chine, est à nouveau frappé par des surtaxes de 10 %. Ce produit représentait 15,2 milliards de dollars en 2023, soit 9,9 % des échanges bilatéraux, selon le département américain de l’agriculture (USDA). Trois grands groupes agroalimentaires américains (CHS Inc., Louis Dreyfus Company Grains Merchandising LLC, et EGT LLC) se sont également vu retirer leurs accréditations d’exportation, ravivant les tensions de 2018 surnommées « guerre du soja ». Ce coup porté à la filière vise directement les bastions agricoles du Midwest, notamment au cœur électoral du Parti républicain.

Au cours de l’année 2024, les exportations américaines de soja vers la Chine ont diminué de 23 %, reflétant l’impact des tensions commerciales et la concurrence accrue du Brésil. L’impact économique et politique est ainsi immédiat pour le géant américain : des États comme l’Iowa, l’Illinois ou le Missouri, largement dépendants des exportations vers la Chine, ont vu leurs revenus agricoles s’effondrer. 

Gaz et pétrole : l’énergie comme outil d’influence

Dans la guerre commerciale sino-américaine, l’énergie devient un levier stratégique. Les exportations américaines de gaz naturel liquéfié (GNL) vers la Chine, qui représentaient 12 % du total en 2023, sont tombées à moins de 5 % début 2025, suite à l’imposition de tarifs chinois et au recentrage de Pékin sur des fournisseurs alternatifs. Pour compenser, la Chine a intensifié ses achats de pétrole russe, qui représente désormais près de 30 % de ses importations, contre 21 % en 2022, renforçant un axe énergétique Pékin-Moscou. Depuis février 2025, la Chine a imposé un tarif de 15 % sur les importations de GNL américain, entraînant une interruption des exportations vers la Chine pendant 40 jours, la plus longue depuis près de deux ans.

Dans un contexte de redistribution des flux, les États-Unis renforcent leur diplomatie énergétique en développant de nouveaux terminaux GNL sur la côte du Golfe et en signant des contrats à long terme avec l’Europe, l’Inde et le Japon. Cette stratégie vise à limiter l’influence énergétique chinoise. En avril 2025, les prix du GNL spot en Asie ont connu une hausse de 23 % en trois mois, atteignant 13,50 $/MMBtu, tandis que le baril de Brent a franchi la barre des 67 $. Ce phénomène souligne l’impact croissant de l’énergie comme levier géopolitique dans les relations commerciales mondiales.

Chiffres clés – L’énergie dans la guerre commerciale

  • Exportations de GNL américain vers la Chine : 12 % en 2023 → moins de 5 % en 2025
  • Prix du GNL spot en Asie : +23 % au 1er trimestre 2025
  • Nouveaux terminaux GNL américains :3 en construction sur la côte du Golfe, pour renforcer les exportations vers l’Europe et l’Asie

Propriété intellectuelle : la bataille pour l’innovation

Depuis plusieurs années, les États-Unis accusent la Chine de violations systémiques de la propriété intellectuelle, pointant notamment du doigt des cas de vol de technologies et des transferts forcés imposés aux entreprises étrangères souhaitant opérer sur le marché chinois. En 2025, le rapport annuel de l’USTR (United States Trade Representative) maintient la Chine sur la liste de surveillance, en dénonçant l’inefficacité persistante des protections juridiques malgré des ajustements législatifs récents.

L’administration Trump a imposé des droits de douane de 145 % sur certains biens technologiques chinois, justifiant ces sanctions par la nécessité de défendre les entreprises américaines contre une concurrence faussée. En parallèle, des entreprises américaines telles que Micron et Qualcomm ont intenté des poursuites en Chine pour violation de brevets, entraînant des pertes financières significatives.​

La guerre de l’innovation ne se limite pas aux tribunaux : elle se joue aussi dans l’influence technologique. Accusant la Chine de capter des technologies clés, Washington a renforcé ses contrôles sur les investissements chinois grâce au CFIUS (Committee on Foreign Investment in the United States), bloquant plusieurs acquisitions stratégiques dès 2024. En février 2025, l’administration Trump a élargi ces restrictions aux secteurs critiques comme les semi-conducteurs et l’intelligence artificielle pour protéger la sécurité nationale américaine.

 


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