Les États-Unis et l’Union européenne ont finalement conclu un accord, ce dimanche 27 juillet, imposant 15 % de taxes sur la plupart des produits européens. Les Européens se sont également engagés à acheter davantage de gaz et pétrole américains et d’investir dans le pays.
Négocié dans l’urgence pour éviter une guerre commerciale ouverte, Bruxelles et Washington ont conclu ce dimanche 27 juillet un accord imposant 15 % de taxes sur la plupart des produits européens importés aux États-Unis. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le président américain, Donald Trump, ont officialisé cet arrangement après des dizaines d’heures de négociations, marquant un tournant dans les relations transatlantiques. En coulisses, trois mois de tensions, de divergences internes et de calculs politiques ont mené à un compromis fragile. Retour sur un bras de fer aussi diplomatique que stratégique.
Avril 2025 : les premiers coups de semonce
C’est à la faveur d’un discours au Texas, empreint de rhétorique nationaliste, que Donald Trump, de retour à la Maison Blanche depuis janvier, a lancé les hostilités. Dénonçant un système commercial « truqué » et accusant l’Europe de « voler les emplois américains », le président américain a annoncé son intention de taxer la majeure partie des produits européens à hauteur de 20 %. Le milliardaire de 78 ans évoque un « jour de libération » (Liberation Day, en anglais), censé inaugurer un nouvel « âge d’or » pour les États-Unis.
Du côté européen, c’est la sidération qui domine. Bien que cette hausse des droits de douane ait été annoncée par Donald Trump durant sa campagne, sa mise en œuvre brutale surprend par son ampleur. « Je considère que c’est un moment où nous devons ensemble décider de prendre mieux notre destin en main, et je pense que c’est une marche vers l’indépendance », déclarait Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne, en appelant à une réaction coordonnée.
Mais dans les faits, l’Union peine à afficher son unité. Bruxelles qualifie les menaces américaines d’“inacceptables”, mais reste floue sur la stratégie à adopter. En coulisses, les capitales européennes s’interrogent : faut-il opposer une riposte ferme ou temporiser dans l’espoir d’un terrain d’entente ?
Mai : l’ombre d’une guerre commerciale totale
Début mai, Washington dévoile une liste de produits ciblés par des hausses tarifaires pouvant atteindre 30 %. Bruxelles s’active : le 8 mai, l’UE annonce son intention de riposter en imposant des contre-tarifs sur près de 100 milliards d’euros de produits américains, ciblant notamment les avions, les voitures, les dispositifs médicaux, les produits chimiques et plastiques.
La tension monte entre les États-Unis et les 27. Quelques jours plus tard, Donald Trump déclare que l’UE est « plus méchante que la Chine », affirmant que l’Amérique détient « toutes les cartes » pour faire céder l’Europe. Le 23 mai, Trump menace de mettre en place un tarif global de 50 % sur tous les produits européens, à compter du 1er juin, provoquant une chute des marchés du Vieux Continent.
Des réunions discrètes sont organisées à Paris, Berlin puis à Bruxelles pour tenter de trouver une voie de désescalade. En coulisses, les divergences entre la France et l’Allemagne compliquent l’équation. Paris milite pour une posture de fermeté, tandis que Berlin, plus exposée avec 161 milliards d’euros de bien exportés vers les États-Unis en 2024, plaide pour un compromis rapide. Le 25 mai, les États-Unis décale finalement la mise en œuvre de cette hausse de 50 % au 9 juillet, après un appel entre Donald Trump et Ursula von der Leyen.
Juin : Trump impose ses conditions, l’UE cède partiellement
Les tensions ne retombent pas pour autant. Début juin, l’administration américaine durcit encore le ton. Un nouvel ultimatum est fixé au 1er août : en l’absence d’accord, des sanctions douanières de 30 % s’appliqueront à près de 80 % des exportations européennes vers les États-Unis.
Parallèlement, la Maison-Blanche propose une voie de sortie : l’instauration d’un tarif « standard » de 15 %, à condition que l’Europe s’engage à acheter 750 milliards de dollars d’énergie et d’armement américains et à investir massivement aux États-Unis.
Face à la menace, les discussions s’intensifient à Bruxelles. La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, consulte en urgence les chefs d’État et de gouvernement. Les milieux économiques multiplient les pressions pour éviter une escalade aux conséquences potentiellement catastrophiques. Des voix au sein du patronat européen alertent sur un impact direct sur la compétitivité industrielle, notamment dans les secteurs automobiles, chimiques et électroniques.
Juillet : Turnberry, théâtre d’un compromis sous contrainte
Le 26 juillet, le décor change. La rencontre décisive se tient à Turnberry, le golf écossais que Donald Trump a acquis en 2014. C’est là, dans une atmosphère feutrée, mais tendue, qu’Ursula von der Leyen et une délégation européenne retrouvent le président américain. Pendant près de douze heures, les négociations s’enchaînent. Trump exige une annonce rapide, hautement médiatisée, qui puisse aussi servir ses ambitions électorales. La délégation européenne, sous pression, n’a guère le choix.
Le 27 juillet au matin, l’accord est officialisé : un tarif moyen de 15 % sur la plupart des produits européens est finalement promu. Ce nouveau taux concerne également l’industrie automobile, actuellement soumise à des droits de douane de 27,5 % à son arrivée sur le sol américain, ainsi que le secteur des semi-conducteurs. Certaines catégories de biens seront exemptées, notamment les avions, les pièces détachées pour l’aéronautique, certains produits chimiques, matières premières stratégiques et produits agricoles spécifiques. En revanche, l’acier et l’aluminium, actuellement soumis à une taxe de 50 %, pourraient faire l’objet de discussions séparées.
L’Union européenne s’est également engagée à acheter pour 750 milliards de dollars (640 milliards d’euros) de pétrole et de gaz américains supplémentaires au cours des trois prochaines années et à investir 600 milliards de dollars dans le pays. La désescalade commerciale est ainsi confirmée. Mais le texte reste volontairement vague sur plusieurs aspects clés, notamment les quotas sectoriels, les protections agricoles ou encore les mécanismes de suivi.
Une victoire américaine, un soulagement européen… mais à quel prix ?
Donald Trump jubile, s’empressant de présenter l’accord comme un « triomphe du bon sens commercial », lors d’un meeting en Ohio. À Bruxelles, le ton est plus mesuré. « Nous avons évité le chaos », a déclaré un diplomate européen, tout en reconnaissant que l’accord « ne constitue pour l’instant qu’un cadre général, encore flou sur la mise en œuvre concrète ». « Il faut se souvenir où nous en serions le 1er août [sans cet accord], nous serions à 30 % », a appuyé Ursula von der Leyen lors de la conférence de presse qui a suivi la rencontre. Nombreux sont ceux, qui au sein de la Commission, estiment que le choc peut être absorbé alors que les États-Unis demeurent le premier marché pour les européens avec 532 milliards d’euros de biens écoulés en 2024.
Un avis loin de faire l’unanimité au sein des milieux économiques. La Fédération allemande de l’industrie a rapidement exprimé son inquiétude, estimant que l’Union européenne consent à des tarifs douaniers particulièrement pénalisants, avec un impact lourd sur une économie allemande fortement tournée vers l’exportation. Du côté de la Fédération allemande de la chimie, le constat est tout aussi critique : « le compromis a un coût important, des deux côtés de l’Atlantique ».
D’autant que si la guerre commerciale a été évitée, l’équilibre reste fragile. L’Europe a cédé sur plusieurs lignes rouges, sous la pression américaine. Et pour beaucoup, la question n’est plus de savoir si une nouvelle confrontation éclatera, mais quand.
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