Rechercher

Guerre commerciale : après le Japon, l’Europe forcée d’accepter un accord sous pression ?

gettyimages 2198875149 1
Souveraineté européenne : Washington veut s'immiscer dans l'écriture du DMA

Les États-Unis et le Japon ont signé un accord commercial imposant des droits de douane de 15 % sur la majorité des produits nippons. Bruxelles, qui espérait des conditions plus favorables, pourrait être contrainte d’accepter un protocole similaire.

 

Ce qu’il faut retenir

Donald Trump a annoncé, mardi 23 juillet, un accord commercial avec le Japon, imposant des droits de douane de 15 % sur la majorité des produits japonais, à l’exception notable de l’acier et de l’aluminium, toujours taxés à hauteur de 50 %. Sous pression économique — avec une inflation encore à 3 % en 2024 —, Tokyo a préféré céder plutôt que risquer des surtaxes à 25 %, comme Trump l’avait menacé. Ce compromis pourrait désormais servir de référence dans les discussions en cours entre les États-Unis et l’Union européenne. Bruxelles espérait pourtant obtenir des conditions plus avantageuses, semblables à celles négociées par le Royaume-Uni (droits de douane à 10 % sur la plupart des produits). Mais la position américaine s’est durcie. L’UE n’a obtenu aucune concession tangible, et Trump a menacé de relever les droits à 30 % dès le 1er août. La France plaide pour une riposte, tandis que l’Allemagne hésite encore à adopter une posture plus ferme.

 


Pourquoi c’est important à suivre

Ce dossier cristallise plusieurs enjeux à la fois économiques, géopolitiques et industriels. L’Union européenne est confrontée à un dilemme : accepter des conditions déséquilibrées et se soumettre à une pression commerciale croissante des États-Unis, ou s’engager dans une escalade qui pourrait lui coûter très cher. Des secteurs stratégiques comme l’automobile, l’aéronautique ou les dispositifs médicaux risquent d’en faire les frais.

Plus largement, ce conflit commercial révèle l’asymétrie croissante des rapports de force : les États-Unis cherchent un accord fondamentalement à leur avantage, sans contrepartie significative. Le retour de Donald Trump à la présidence s’accompagne d’un durcissement de ton qui rend tout compromis plus difficile. Pour les entreprises exportatrices européennes, les mois à venir s’annoncent incertains. Et pour les États membres, il s’agit aussi de définir une ligne commune face à un président qui privilégie l’intimidation à la coopération multilatérale.

 

Citation principale

« Les droits de douane de 15 % imposés au Japon constituent un modèle bien plus probable pour l’UE que l’accord entre les États-Unis et le Royaume-Uni », écrit l’économiste Sander Tordoir (CER) sur X. Et d’ajouter : « Le Royaume-Uni est un nain industriel, avec des têtes couronnées et des terrains de golf que Trump apprécie. L’UE ressemble davantage au Japon : le bloc se verra imposer des droits de douane plus élevés, sous peine de devoir prendre le risque de riposter. »

 

Le chiffre à retenir : 1,2 % 

C’est la baisse potentielle du PIB européen d’ici fin 2026 si les droits de douane américains sur les importations européennes passent à 30 %, selon une estimation de Goldman Sachs. À titre de comparaison, le niveau moyen des droits américains sur les produits européens était de seulement 2,5 % avant le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche. Ce bond brutal représenterait une menace directe pour la croissance européenne, déjà fragilisée par la guerre en Ukraine, une demande intérieure molle et le ralentissement de l’investissement.

 

À surveiller

Le 1er août s’annonce comme une date charnière. Si aucun accord n’est trouvé d’ici là, Donald Trump a promis de relever les droits de douane à 30 %, avec la menace supplémentaire d’aller au-delà si l’Union osait riposter. Or, la Commission européenne peine à dégager un consensus clair. La France pousse pour l’activation de l’instrument anti-coercition, créé en 2023 pour faire face à ce type de pression. L’Allemagne, initialement prudente, a récemment durci sa position et rejoint la ligne française, appelant elle aussi à une riposte ferme. Selon plusieurs sources diplomatiques, Berlin et Paris œuvrent désormais de concert pour établir une réponse commune.

En coulisse, Bruxelles a dressé une liste de produits américains (aéronautique, automobile, dispositifs médicaux) susceptibles d’être visés. Si elle était activée, près de 100 milliards d’euros de marchandises seraient frappés par une surtaxe de 30 %. La réaction — ou l’absence de réaction — de l’UE en dira long sur sa capacité à se défendre dans un monde où la confrontation prime sur le dialogue.

 


Lire aussi : Chimie européenne en crise : le plan de Bruxelles peut-il sauver le secteur ?

Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook

Abonnez-vous au magazine papier

et découvrez chaque trimestre :

1 an, 4 numéros : 30 € TTC au lieu de 36 € TTC