Un dirigeant de terrain, pas un homme de tribune. Né à Bordeaux en 1957, diplômé des Mines de Paris, Jean-Pierre Farandou a gravi un à un les échelons de la SNCF, depuis son premier poste de chef de gare à Rodez jusqu’à la présidence du groupe en 2019. Il a façonné son style au contact du terrain, privilégiant la concertation à la confrontation. Ceux qui l’ont côtoyé décrivent un homme calme, rigoureux, adepte du compromis “gagnant-gagnant” plutôt que de la ligne dure.
À la tête de Keolis puis de la SNCF, Farandou a dû composer avec des environnements sous tension : ouverture à la concurrence, crise sanitaire, grèves, exigences écologiques. Il en est sorti avec la réputation d’un patron « à l’écoute, mais ferme sur la trajectoire ». Sous sa présidence, la SNCF a amorcé sa stratégie de décarbonation et lancé Ouigo Espagne, symbole de la conquête internationale du rail français.
Dans une tribune publiée dans Les Échos le 13 janvier 2022, Jean-Pierre Farandou résumait sa philosophie de dirigeant en écrivant :
« L’équilibre entre l’économique et le social, un chemin complexe et nécessaire. »
Il y défendait déjà l’idée que « la performance d’une entreprise publique se mesure autant à la qualité du dialogue social qu’à la qualité de service »
Le pari d’un profil non partisan
Sa nomination au ministère du Travail, le 12 octobre 2025, s’inscrit dans la stratégie de Sébastien Lecornu d’élargir son équipe à des profils issus de la société civile. Dans un moment de crispation budgétaire et sociale, le choix d’un ingénieur plutôt que d’un politique traduit la volonté de “dépolariser” un portefeuille explosif. Ni élu, ni haut fonctionnaire, Jean-Pierre Farandou arrive avec un regard d’opérateur public plus que d’idéologue.
Mais son expérience à la SNCF pourrait aussi se retourner contre lui : les négociations sociales à venir, sur l’emploi des seniors, la réforme du RSA ou la montée en charge du “plein emploi” à horizon 2027, exigeront un sens aigu du rapport de force politique. « On avait un très bon dialogue avec lui quand il était à la SNCF, il avait négocié, notamment avec la CFDT, un accord sur la pénibilité », a rappelé Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, sur TF1 Info, saluant « un bon signal » pour les partenaires sociaux.
À l’inverse, Thierry Nier (CGT-Cheminots) a tempéré sur BFMTV : « On peut lui reconnaître une capacité à écouter », tout en soulignant que cela ne garantissait pas de résultats. Ces réactions illustrent le double visage du futur ministre : un négociateur respecté, mais encore perçu comme un gestionnaire plus qu’un décideur politique.
Entre tension sociale et pari budgétaire
Le ministère du Travail et des Solidarités se trouve au cœur des arbitrages budgétaires du gouvernement Lecornu II. Croissance en berne, tensions sur l’emploi, transitions numériques et écologiques : les fronts sont nombreux. Jean-Pierre Farandou devra conjuguer rigueur économique et maintien du lien social – un équilibre qu’il revendiquait déjà à la tête de la SNCF. « Je ne crois pas à la confrontation stérile », déclarait-il en 2022 sur France Inter, « le dialogue social n’est pas une perte de temps, c’est une condition d’efficacité.
Pour le gouvernement, sa nomination relève autant du symbole que de la méthode : faire primer la compétence sur la politique, la gestion sur la posture. Un pari risqué, mais cohérent avec la ligne Lecornu : celle d’un exécutif qui veut rassurer les marchés autant que les salariés.
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