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Faut-il taxer les voitures électriques chinoises ?

Dans le cadre de la mise en place de plan pour la réduction des émissions de CO2 et l’arrêt de la vente de voiture thermique en Europe en 2035 ; l’utilisation de voitures électriques apparait comme le véhicule de substitution permettant de contribuer à la réalisation des objectifs fixés.

Les ventes de voitures électriques prennent de l’ampleur en Europe. Les constructeurs européens sont en concurrence avec les constructeurs chinois qui offrent des véhicules à des prix beaucoup plus bas avec un niveau d’innovation bien plus important. Après une enquête sur cette situation concurrentielle concluant que les constructeurs chinois bénéficient de mécanismes d’aides et de subventions de la part du gouvernement chinois, les États membres de l’Union européenne ont mis en place des surtaxes sur les véhicules électriques allant jusqu’à 35,3%.

Dans ce contexte, un paradoxe apparait : ce mécanisme de surtaxe permet-il vraiment de renforcer la compétitivité des constructeurs européens vis-à-vis de leurs concurrents chinois et permet-il aux consommateurs de continuer à acheter des véhicules électriques contribuant à la réduction des émissions de CO2 ?

Les véhicules chinois représentent une part croissante du marché des véhicules électriques en Europe. En France comme en Europe, le nombre de véhicules électriques vendus augmente à un rythme élevé. Entre 2019 et 2024, les ventes de véhicules électriques ont cru en moyenne de 46% par an en France et de 41% en Europe. Cette hausse des ventes témoigne à la fois du fait que les objectifs réglementaires européens en matière de vente de véhicules neufs sont pris en compte par les constructeurs, mais aussi que les consommateurs sont plus enclins à se tourner vers des modèles électriques dont la technologie s’améliore et les prix baissent.


Le rythme de croissance des ventes de véhicules électriques se fait dans un contexte où les ventes totales de voitures ont chutées en France comme en Europe entre 2019 et 2024 (-5% par an en moyenne en France et en Europe). La part des véhicules électriques vendus en Europe augmente également fortement. Cette part est passée de 2% en 2019 à 15% en 2024. En France, cette part est passée de 2% à 18%.

Les voitures électriques chinoises représentent un poids croissant dans les ventes de véhicules électriques. En Europe, les véhicules chinois représentent 15% des ventes de véhicules électriques, cette proportion est plus faible en France (8%). En comparaison avec le marché total, la pénétration des véhicules chinois est plus importante pour les véhicules électriques : en Europe en 2024 : 6% de véhicules chinois dont 15% de véhicules électriques chinois ; en France en 2024 : 3% de véhicules chinois dont 8% de véhicules électriques chinois.

Les constructeurs chinois disposent de moyens de production importants, à moindres coûts et pour une qualité supérieure aux véhicules européens. Les marques chinoises comme BYD, Geely ou le groupe SAIC (MG) offrent des véhicules dont le prix est très compétitif par rapport aux marques européennes, américaines ou asiatiques. Par exemple, le BYD Seagull est annoncé entre 10 000 et 13 000 euros. D’une manière générale, l’offre de véhicules chinois en dessous de 30 000 euros est plus importante que l’offre de marque d’autres nationalités. Les marques chinoises disposent en effet de capacité de production de véhicules électriques particulièrement importante, en outre, leur rentabilité est en grande partie construite sur les ventes faites en Chine alors que les autres constructeurs ont un accès plus difficile à ce marché. Par ailleurs, les performances des véhicules chinois sont réputées être au moins similaires à celles de leurs concurrents européens, américains ou asiatiques, pour des prix compétitifs. Ce rapport entre la qualité et le prix explique en grande partie l’évolution des ventes des véhicules chinois au cours des dernières années.

Les taxes visent donc à faire gagner du temps à la production européenne, mais les effets sont incertains, surtout dans un contexte de tensions commerciales mondiales. La décision des Etats membres de l’Union européenne apparait donc comme un réflexe de défense face à une situation concurrentielle jugée déloyale par une enquête menée en 2024 par les services de la Commission Européenne. Cette enquête a en effet montré la chaîne de valeur des véhicules électriques chinois bénéficiait de subventions déloyales, qui menacent de causer un préjudice économique aux producteurs européens. Ces droits compensateurs sont entrés en vigueur pour une période de cinq ans. Ils s’appliquent différemment selon les constructeurs.

Si ces droits compensateurs permettent de rétablir des conditions de concurrence plus saines, ils ne semblent pas freiner les stratégies de développement des constructeurs chinois en Europe. En témoigne les nombreux projets d’usines de constructeurs chinois (BYD en Hongrie, Chery en Espagne, Dongfeng en Italie). Ces projets leur permettraient de contourner les mécanismes de taxe d’importation mis en place par l’Union européenne.

La protection offerte aux constructeurs européens ne pourrait donc être que temporaire, bien que ceux-ci bénéficient d’autres avantages comme la structuration de leur réseau de distribution ou encore leur service après-vente. Ce rétablissement – partiel – des conditions de concurrence doit donc inciter les constructeurs européens à innover pour proposer des voitures électriques de qualité, à des prix moins éloignés de ceux pratiqués par les constructeurs chinois.

Dans un contexte de tensions commerciales entre les États-Unis et le reste du monde, le maintien de mécanisme de surtaxe sur les véhicules contribue à renforcer les incertitudes pour les consommateurs et les industriels. Le marché chinois est en capacité de surproduction et doit écouler ses véhicules dans un contexte de guerre commerciale avec les États-Unis. Une solution pourrait être pour l’Union européenne de saisir cette opportunité pour conditionner l’accès à son marché aux véhicules électriques chinois en échange de transferts de technologie importants. Car in fine, cette accumulation de hausse de tarifs douaniers pourrait nuire aux échanges commerciaux, mais aussi – dans le cas des véhicules électriques – aux objectifs de baisse des émissions de CO2.

 


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