Dans l’univers de l’investissement, on aime croire que seuls les chiffres et la raison dictent nos décisions. Pourtant, un invité bien plus imprévisible influence nos choix : notre cerveau. Capable d’analyses brillantes, il est aussi le terrain de biais émotionnels qui peuvent saboter nos décisions financières. C’est là que la neuroéconomie, discipline à la croisée des neurosciences, de la psychologie et de la finance, nous éclaire. Comprendre ces mécanismes, c’est se donner les moyens de reprendre le contrôle de ses investissements. Pour les femmes, c’est aussi une clé pour dépasser les freins invisibles qui limitent encore leur autonomie financière.
Une contribution d’Anne-Laure Frischlander-Jacobson, fondatrice d’Evvest
Quand l’émotion prend le dessus
Chaque décision financière déclenche un dialogue complexe entre différentes zones de notre cerveau. Face à une menace comme la chute des marchés, l’amygdale s’active en une fraction de seconde. C’est elle qui pousse à vendre dans la panique, comme ce fut le cas lors de la crise financière de 2008 (Bechara et al.).
À l’inverse, l’anticipation d’un gain stimule le nucleus accumbens, le centre de la récompense. Il libère de la dopamine (Preuschoff et al.).et alimente l’euphorie collective, comme lors de la flambée des cryptomonnaies en 2021
Sous stress, le cortex préfrontal, garant de la réflexion, voit son influence diminuer, laissant l’émotion prendre le dessus (Knutson & Bossaerts). Le cortex cingulaire antérieur, lui, nous pousse à suivre la foule, alimentant les bulles spéculatives.
L’aversion à la perte en est une illustration frappante : perdre 100 euros est ressenti comme deux fois plus douloureux que d’en gagner 100. Ce biais émotionnel influence lourdement nos choix financiers.
Les pièges invisibles qui faussent nos décisions
Ces mécanismes nourrissent des biais bien connus. L’excès de confiance pousse de nombreux investisseurs à surestimer leurs capacités, réduisant leurs performances globales L’effet de troupeau explique pourquoi tant d’investisseurs se laissent entraîner par le mouvement, sans toujours mesurer les risques. Quant à l’aversion à la perte, elle nous pousse parfois à conserver des actifs défaillants ou à vendre dans la précipitation.
Ces biais ne sont pas une fatalité, mais les comprendre est indispensable pour mieux les contourner.
Hommes, femmes : un cerveau, des réactions différentes
La recherche révèle des différences entre les hommes et les femmes face au risque financier. Chez les hommes, la testostérone stimule plus fortement le nucleus accumbens, ce qui encourage des prises de risque parfois excessives. Les femmes, elles, tradent moins fréquemment et obtiennent pourtant des performances supérieures ).
Face aux pertes, leur amygdale s’active davantage, traduisant une plus grande sensibilité émotionnelle. Pourtant, sous stress, elles mobilisent davantage leur cortex préfrontal, favorisant des décisions plus rationnelles (Mather et al.).
Mais ces différences biologiques ne suffisent pas à expliquer les écarts. Les stéréotypes et pressions sociales jouent un rôle majeur, amplifiant le stress et freinant l’accès des femmes à l’investissement.
Automatiser ses choix : un levier d’autonomie financière
Des solutions concrètes existent pour se libérer des pièges émotionnels qui biaisent nos décisions d’investissement. Prendre quelques secondes avant de valider un choix permet déjà de renforcer la réflexion et de laisser la raison reprendre le dessus. Mais c’est surtout l’automatisation qui s’impose aujourd’hui comme un levier puissant pour investir sereinement et durablement.
Programmer des versements réguliers, fixer à l’avance des seuils de revente ou s’appuyer sur des portefeuilles automatisés réduit considérablement l’influence des émotions et améliore les performances à long terme. Diversifier ses actifs et adopter un horizon d’investissement de plusieurs années limite également l’impact des fluctuations de marché.
Ces stratégies sont particulièrement adaptées aux femmes, qui conjuguent prudence naturelle et capacité à résister à l’impulsivité. Grâce aux technologies financières, elles disposent désormais d’outils concrets pour dépasser les biais de leur cerveau et lever les freins sociétaux qui freinent encore leur engagement.
Un portefeuille automatisé sécurise les décisions, réduit le poids du stress et permet d’investir avec régularité, sans céder à la panique ou au doute. En valorisant leur prudence et en s’appuyant sur ces solutions, les femmes transforment un frein potentiel en véritable avantage stratégique. Elles prennent ainsi toute leur place dans l’univers de l’investissement, avec confiance et maîtrise.
Sources :
- Bechara, A., et al. (2005). The Journal of Neuroscience.
- Knutson, B., & Bossaerts, P. (2010). NeuroImage.
- Preuschoff, K., et al. (2007). Nature Neuroscience.
- Berns, G., et al. (2013). PNAS.
- De Martino, B., et al. (2014). Journal of Neuroscience.
- Barber, B., & Odean, T. (2001). Psychological Science.
- Lo, A., & Repin, D. (2017). Journal of Financial Markets.
- Hare, T., et al. (2015). Journal of Cognitive Neuroscience.
- Thaler, R., & Benartzi, S. (2018). Management Science.
- Fama, E., & French, K. (2020). Journal of Financial Economics.
- Shefrin, H., & Statman, M. (2019). Journal of Behavioral Finance.
- Lighthall, N., et al. (2013). Social Cognitive and Affective Neuroscience.
- Mather, M., et al. (2014). Journal of Neuroscience.
- Coates, J., & Herbert, J. (2008). PNAS.
- Krendl, A., et al. (2016). Social Cognitive and Affective Neuroscience.
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